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Agenda du 12 août 1967

(Mère retrouve la note qu'elle a écrite sur le christianisme et dont elle a parlé le 29 juillet)

«Le christianisme déifie la souffrance pour en faire l'instrument du salut de la terre.»

Revoir ce passage de L'Agenda du 29 juillet 1967

Tu sais, c'est venu à moi comme une découverte... Toute la religion, au lieu d'être regardée comme cela (geste en dessous), était regardée comme cela (geste au-dessus)...

Voilà ce que je veux dire : l'idée ordinaire du christianisme, c'est que le fils (employons leur langage), le «fils de Dieu» est venu pour apporter son message (c'était un message d'amour, d'union, de fraternité, de charité) à la terre, et que la terre, c'est-à-dire les gouvernants qui n'étaient pas prêts, l'ont sacrifié, et que son «Père», le Seigneur suprême, l'a laissé sacrifier pour que son sacrifice ait la puissance de sauver le monde.

C'est comme cela qu'ils voient le christianisme, c'est l'idée la plus compréhensive – l'immense majorité des chrétiens ne comprennent rien à rien, mais je veux dire que parmi les gens, il y a peut-être (peut-être, il se peut), parmi les cardinaux, par exemple, qui sont des gens qui ont étudié l'occultisme et les symboles profonds des choses, peut-être comprennent-ils un peu mieux... mais enfin.

Mais d'après ma vision (Mère désigne sa note sur le christianisme), ce serait que dans l'histoire de l'évolution de la terre, quand la race humaine, l'espèce humaine, a commencé à questionner et à se révolter contre la souffrance, qui était une nécessité pour sortir plus consciemment de l'inertie (chez les animaux, c'est très clair ; c'est devenu déjà très clair : cette souffrance était le moyen de les faire sortir de l'inertie), mais l'homme, lui, a dépassé ce stade et il a commencé à se révolter contre la souffrance, et naturellement aussi à se révolter contre la Puissance qui permet et qui peut-être se sert (dans son esprit, qui peut-être se sert) de cette souffrance comme moyen de domination.

Et alors, c'est cela, la place du christianisme...

Il y a déjà eu une assez longue histoire terrestre avant – il ne faut pas oublier qu'auparavant, avant le christianisme, il y avait l'hindouisme qui a admis que tout, y compris la destruction, la souffrance, la mort, toutes les calamités font partie du Divin unique, du Dieu unique (c'est l'image de la Guîtâ, du Dieu qui «avale» le monde et ses créatures). Il y a cela ici, dans l'Inde.

Il y a eu le Bouddha qui, lui, a été horrifié par la souffrance sous toutes ses formes, la déchéance sous toutes ses formes et l'impermanence de toutes choses, et qui, cherchant un remède, a considéré que le seul vrai remède est la disparition de la création...

Voilà la situation terrestre quand est arrivé le christianisme.

Il y avait donc toute une période avant et toute une quantité de gens qui commençaient à se révolter contre la souffrance et voulaient y échapper comme cela. Il y en a d'autres qui la déifiaient, qui la supportaient comme cela, comme une calamité inévitable.

Alors est venue la nécessité de faire descendre sur la terre la conception d'une souffrance – une souffrance déifiée, divine –, d'une souffrance divine qui est le moyen suprême de faire sortir toute la conscience humaine de l'Inconscience et de l'Ignorance pour l'amener vers sa réalisation de la béatitude divine, et non pas – non pas – en refusant de collaborer à l'existence, mais DANS l'existence même: dans l'existence même, accepter la souffrance (la crucifixion) comme moyen de transformation pour mener les êtres humains et toute la création vers son Origine divine.

Ça donne une place à toutes les religions dans ce développement depuis l'Inconscient jusqu'à la Conscience divine.

Ce n'est pas simplement une petite remarque notée comme cela : c'est une vision. On peut toujours donner l'idée de quelque chose de mentalement conçu, mais ce n'est pas cela ; ce n'est pas cela, mais c'était, si l'on veut, une nécessité dans le développement. Et cela SITUE les choses.

L'islamisme a été un retour vers la sensation, la beauté, l'harmonie dans la forme, et la légitimation des sensations et de la joie dans la beauté. Au point de vue d'en haut, ce n'était pas d'une qualité très supérieure, mais au point de vue vital, c'était extrêmement puissant, et c'est cela qui leur a donné tant de pouvoir de se répandre, d'accaparer, de prendre, de dominer. Mais ce qu'ils ont fait est très beau – tout leur art est magnifique ! magnifique. C'était une floraison de beauté...

Et puis il y en a eu d'autres – tout cela vient l'un après l'autre. Et tout cela, chaque religion est venue comme une étape dans le développement et dans le rapport avec le Divin pour mener la conscience vers une union qui soit une totalité : qui ne soit pas l'abstraction de toute une réalité pour en obtenir une autre. C'est la nécessité de la totalité, de l'ensemble, qui fait que ces religions sont venues comme cela, l'une après l'autre.

Vu comme cela, c'est très intéressant.

Au lieu d'être vu d'en bas, c'était tout d'un coup une vision d'ensemble, de tout en haut, de comment cela s'est organisé avec une conscience si claire, une volonté si claire, et chaque chose arrivant juste au moment où elle était nécessaire pour que rien ne soit négligé et pour que tout puisse sortir, émerger de cette Inconscience et devenir de plus en plus conscient...

Et alors, dans cette immense histoire, terrestre, le christianisme prend sa place – sa place légitime. Cela a un double avantage : pour ceux qui le méprisent, de lui redonner sa valeur, et pour ceux qui croient que c'est la seule vérité, de leur faire voir que c'est seulement un des éléments dans le tout. Voilà.

C'est pour cela que cela m'a intéressée, parce que c'était le résultat d'une vision, et cette vision est venue parce que j'ai commencé à m'occuper des religions (à re-commencer, pour dire vrai, parce que dans le temps, c'était un sujet qui m'était très familier), et quand on m'a posé des questions sur les Israélites et les Musulmans, j'ai regardé et j'ai dit : voilà leur place. Voilà leur place, leur raison d'être. Puis, un jour, je me suis dit : «Tiens, c'est vrai ! vu comme cela, c'est évident : le christianisme est comme une réhabilitation de la souffrance comme moyen de développement de la conscience

Et alors, la phrase de Sri Aurobindo prend toute sa valeur... Le christianisme est venu parce que les hommes étaient en train de se révolter contre la douleur et de vouloir échapper au monde pour échapper à la douleur... et puis, avec les années qui passent et le développement, les hommes ont pris goût à la souffrance ! Et parce qu'ils l'aiment (regarde comme la phrase de Sri Aurobindo devient claire) : «Le Christ est encore en croix à Jérusalem». Ça prend sa pleine signification.

*
*   *

Peu après

Est-ce que l'on ne pourrait pas publier dans le Bulletin ce que tu viens de dire sur le christianisme ?

Je n'aime pas beaucoup parler des religions, c'est trop tôt.

Il y a encore trop de passions dans les gens quand on leur parle de religion.

Mais là, c'est dit d'une façon si objective.

N'est-ce pas, le malheur, c'est que chacun croit que sa religion est la vérité exclusive !

On verra l'année prochaine. L'année prochaine, peut-être pour le mois de février, on va voir. Peut-être pour le mois de février y aura-t-il quelque chose

 

🌸

En complément à cet Agenda...

Commençons par rappeler cette conclusion de la Mère de l'Agenda du 29 juillet 1967 à propos de l'utilisation de la souffrance dans le christianisme : "Et alors, maintenant, cette action-là a été plus qu'exploitée et devrait être dépassée, et c'est pour cela qu'il est nécessaire de quitter cela pour trouver autre chose."

Et puisque Mère a fait allusion à cet aphorisme :

35 — Les hommes sont encore amoureux de la douleur. Quand ils voient quelqu’un qui est trop haut pour la douleur ou pour la joie, ils le maudissent et s’écrient   : «   Ô insensible !   » C’est pourquoi le Christ est encore pendu à sa croix de Jérusalem.

36 — Les hommes sont amoureux du péché. Quand ils voient quelqu’un qui est trop haut pour le vice ou pour la vertu, ils le maudissent et s’écrient   : «   Ô toi, briseur de limites, être pervers et immoral !   » C’est pourquoi Shrî Krishna n’est pas encore vivant à Brindâban1 .

1. Le lieu où Shrî Krishna a passé son enfance, et un symbole de l’amour divin.

Sri Aurobindo – Pensées et Aphorismes

Je voudrais avoir l’explication de ces deux aphorismes.

Quand le Christ est venu sur la terre, il a apporté un message de fraternité, d’amour et de paix. Mais il lui a fallu mourir dans la douleur, sur la croix, pour que son message soit entendu. Car les hommes chérissent la souffrance et la haine, et veulent que leur Dieu souffre avec eux. Ils le voulaient quand le Christ est venu, et, malgré son enseignement et son sacrifice, ils le veulent encore et sont si attachés à la douleur que, symboliquement, le Christ reste toujours attaché à sa croix, souffrant perpétuellement pour le salut des hommes.

Krishna, lui, est venu sur la terre pour apporter la liberté et la joie. Il est venu annoncer aux hommes, esclaves de la Nature, de leurs passions et de leurs fautes, que s’ils prennent refuge dans le Seigneur suprême, ils seront libres de tout esclavage et de tout péché. Mais les hommes sont très attachés à leurs vices et à leurs vertus (car sans vice il n’y aurait pas de vertu) ; ils sont amoureux de leurs péchés et ne peuvent tolérer que quelqu’un puisse être libre et au-dessus de toute faute.

C’est pourquoi Krishna, bien qu’immortel, n’est pas présent à Brindâban, dans un corps, à l’heure actuelle.

La Mère 3 juin 1960

🌸

Tout changerait si seulement l’homme consentait à être spiritualisé. Mais sa nature mentale, vitale et physique se révolte contre la loi supérieure. Il aime son imperfection.

Sri Aurobindo – Aperçus et Pensées

🌸

Sri Aurobindo – Le Labeur d'un Dieu (extrait)

.../...

Celui qui voudrait apporter ici les cieux
Doit descendre lui-même dans l'argile
Et porter le fardeau de la nature terrestre
Et marcher le chemin douloureux.

Forçant ma divinité je suis descendu
Ici sur cette terre sordide,
Ignorante, laborieuse, produit humain
Entre les portes de la mort et de la naissance.

J'ai creusé longtemps et profond
Dans une horreur de fange et de boue
Un lit pour la chanson de la rivière d'or,
Une demeure pour le feu qui ne meurt pas.

J'ai labouré et souffert dans la nuit de la Matière
Pour apporter le feu à l'homme ;
Mais la haine des enfers et la méchanceté humaine
Sont ma part depuis que le monde a commencé.

Car le mental de l'homme est la dupe de son moi animal,
Il abrite en lui-même un Elfe sinistre
Amoureux de la douleur et du péché
Dans l'espoir que ses sensualités gagneront.

L'Elfe gris frémit d'horreur devant les flammes du ciel
Et de toutes choses heureuses et pures ;
C'est seulement par le plaisir et la passion et la douleur
Que son drame peut durer.

Partout autour ce sont les ténèbres et la lutte,
Car les lampes que les hommes appellent soleils
Sont seulement les premières lueurs sur cette vie hésitante
Lancées par les Immortels.

L'homme allume ses petites torches d'espoir,
Qui conduisent à un bord manquant ;
Un fragment de Vérité est son rayon le plus vaste,
Une auberge de son pèlerinage.

La Vérité des vérités les hommes la craignent et la nient,
La Lumière des lumières, ils la refusent
Ils lèvent leur cri à des dieux ignorants
Ou choisissent l'autel d'un démon.

Tout ce qu'ils trouvaient devait encore être cherché
Chaque ennemi tué revit,
Chaque bataille est à jamais livrée et relivrée
À travers des trouées de vies infructueuses.

Mes plaies béantes sont mille et une
Et les rois titaniques assaillent,
Mais je ne peux pas me reposer tant que ma tâche n'est pas faite
Et la Volonté éternelle accomplie.

Comme ils se moquent et ricanent, diables et hommes !
« Ton espoir est une tête de chimère
Qui peint le ciel avec ses couleurs de feu ;
Tu tomberas et ton œuvre mourra.

« Qui es-tu qui babilles des aises célestes
Et de la joie et de la chambre d'or
Pour nous qui sommes des épaves sur les mers de l'inconscient
Et voués au destin de fer de la vie ?

« Telle est notre terre, un champ de la Nuit
Pour nos petits feux papillotants.
Comment supporterait-elle la Lumière sacrée
Ou souffrirait-elle les désirs d'un Dieu ?

« Voyons, tuons-le et finissons sa course !
Alors nos cœurs seront délivrés
Du fardeau et de l'appel de sa gloire et de sa force
Et de la domination de sa vaste paix blanche. »

Mais le dieu est là dans ma poitrine de mortel
Qui lutte contre l'erreur et le destin
Et taille une route à travers la fange et le désert
Pour l'Immaculé sans nom.

Une voix a crié, « Va où nul n'est allé !
Creuse plus profond et encore plus profond
Jusqu'à ce que tu arrives à l'inexorable pierre de fond
Et frappe à la porte sans clef. »

J'ai vu qu'une fausseté était plantée profondément
À la racine même des choses
Là où le Sphinx gris garde dans le sommeil l'énigme de Dieu
Sur les ailes ouvertes du Dragon.

J'ai quitté les dieux de la surface du mental
Et les mers insatisfaites de la vie
Et plongé à travers les allées aveugles du corps
Jusqu'aux régions infernales des mystères d'en bas.

J'ai creusé à travers le terrible cœur muet de la Terre
Et entendu le bourdon de sa messe noire.
J'ai vu la source d'où partent ses agonies
Et la raison intérieure de l'enfer.

Au-dessus de moi grondent les murmures du dragon
Et les voix de l'elfe voltigent ;
J'ai traversé le Vide d'où naquit la Pensée,
J'ai marché dans le trou sans fond.

Sur une dernière marche désespérée mes pieds se sont posés
Armés d'une paix sans borne
Pour apporter les feux de la splendeur de Dieu
Dans l'abîme humain.

.../...

🌸

Nous aspirons au temps où il ne sera plus nécessaire que Sri Aurobindo meure.

La Mère – 22 novembre 1967

🌸

Quant à la Mère et à moi-même, nous avons dû essayer toutes les voies, suivre toutes les méthodes, surmonter des montagnes de difficultés, porter un fardeau beaucoup plus lourd que le vôtre ou celui de n'importe qui, dans l'Ashram ou ailleurs, subir des conditions beaucoup plus difficiles, livrer des batailles, endurer des blessures, frayer des routes à travers des marécages, des déserts et des forêts impénétrables, vaincre des masses d'hostilité ; labeur, j'en suis certain, tel que nul autre n'en avait accompli avant nous.

Car le Pionnier, dans un travail comme le nôtre, ne doit pas seulement faire descendre le Divin et le représenter ou l'incarner, mais représenter aussi l'élément ascendant de l'humanité, porter tout entier le fardeau de l'humanité et éprouver, non pas dans le simple jeu de la Lîlâ, mais dans l'implacable réalité, toute l'obstruction, toute la difficulté, toute l'opposition qu'il est possible de rencontrer sur le sentier, dans un labeur semé d'embûches et d'entraves et dont la victoire ne peut être que tardive.

Mais il n'est ni nécessaire, ni tolérable que l'expérience se répète tout entière une fois de plus chez les autres.

C'est parce que notre expérience est complète que nous pouvons indiquer aux autres une route plus directe et plus facile... si seulement ils veulent bien consentir à l'emprunter.

C'est en raison de notre expérience, acquise à un prix énorme, que nous pouvons vous exhorter ainsi, vous et les autres : "Adoptez l'attitude psychique (1) ; suivez le chemin direct et ensoleillé, en vous laissant porter ouvertement ou secrètement par le Divin ; s'il se cache, il se montrera au bon moment ; ne vous obstinez pas à choisir la route pénible et pleine d'embûches le chemin détourné et difficile."

1. Le psychique dans le yoga de Sri Aurobindo fait référence à l'étincelle divine dans les profondeurs du cœur, la petite flamme blanche de l'âme... (note personnelle).

Sri Aurobindo – Lettres sur le Yoga

 

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