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Nous avons terminé le premier volet de cette série d'article avec la conclusion que la caste au pouvoir semblait si résolument malveillante et si profondément perverse que nécessairement, cela posait la question du mal.

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Toutefois, nous avons vu aussi que l'aphorisme 132 de Sri Aurobindo se concluait par une position très inhabituelle sur le sujet :

Quand je ne savais rien, j’abhorrais le criminel, le pécheur et l’impur, parce que j’étais moi-même plein de crimes, de péchés et d’impuretés ; mais quand je fus nettoyé et que mes yeux furent dessillés, alors je m’inclinai en mon esprit devant le voleur et le meurtrier, et j’adorai les pieds de la prostituée ; car je vis que ces âmes avaient accepté le fardeau terrible du mal et drainé pour nous tous la plus grande part du poison bouillonnant de l’océan du monde.

Aussi nous éviterons les propositions habituelles de tous les mettre en prison, de rétablir la peine de mort et autres propositions politico-judiciaires qui ne résolvent pas la question à sa racine et nous continuerons d'explorer les solutions spirituelles mises en avant par Mère :

Troisième hypothèse : se pourrait-il que n’ayons pas encore compris, ni la véritable nature du mal, ni les véritables remèdes ?

Commençons notre réflexion à partir de cette remarque dans l'Entretien du 27 mai 1953 dans lequel Mère dit que le remède est au centre du mal. Même si le contexte est tout à fait différent, il est évident que la tendance générale a tendance à faire d'Emmanuel Macron le cœur du problème. Et de part notre histoire politique, notre tradition d'un pouvoir central fort, le Président de la république, hériter de plusieurs siècles de monarchie est la clef de voûte de nos institutions, et en ce sens ce n'est pas tout à fait faux.

Maintenant, François Asselineau a abondamment démontré que l'essentiel des pouvoirs a été transféré au sein de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne et le chef de l'État n'a plus réellement le pouvoir entre ses mains. 

Mais continuons avec une apparente digression :

Agenda du 25 février 1961

Il y a un Américain qui habite Madras, qui est un monsieur assez important, paraît-il, et très grand ami, très intime ami de Kennedy, le nouveau Président ; il a lu et relu tous les livres de Sri Aurobindo et il est extrêmement intéressé, et il a écrit à Kennedy qu’il voulait qu’il vienne ici, pour l’amener à l’Ashram. Et alors cet homme a posé une question très intéressante. Il a fait une analogie et dit ceci : dans la forêt, un cerf passe pour aller boire, et personne n’en sait rien. Mais celui qui a fait des études spéciales de vénerie, à la trace saura voir que le cerf est passé. Et non seulement il saura quel genre de cerf, mais son âge, sa taille, son sexe, etc. De même, il doit y avoir des gens qui ont une connaissance spirituelle analogue à celle des veneurs et qui peuvent détecter, s’apercevoir qu’un homme est en rapport avec le Supramental alors que les gens ordinaires n’en savent rien et ne s’en apercevront pas. Alors, a-t-il demandé, je voudrais savoir à quels signes le reconnaîtraient-ils ? C’est une question très intelligente.

La réponse de Mère serait passionnante mais cela nous éloignerais complètement de notre sujet. Pour ceux qui le souhaite, voici le lien vers le texte intégral.

Il est évident que Macron n'est que l'instrument d'une oligarchie industrielle, financière, médiatique qui l'a fabriqué et propulsé au pouvoir, et en ce sens, il n'est pas le problème : si après lui, cette caste réussit à nous vendre Attal, Bardella ou Philippe... nous ne serons pas plus avancé et nous n'aurons pas résolu notre question.

Inspiré cet Agenda, il existe peut-être quelqu'un qui connaît mieux la vie politique, l'organisation administrative, les hommes et les réseaux, ou qui a une vue plus vaste, plus perçante, et qui saurait qui est VRAIMENT à la manœuvre derrière Macron. Alors les attaques pourraient se focaliser... au bon endroit.

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Mais approfondissons notre réponse avec le prochain Agenda particulièrement intéressant qui touche directement au cœur le problème :  la guérison du mal.

Agenda du 10 janvier 1961

"Quel est le prochain Aphorisme ?

49 – Sentir et aimer le Dieu de la Beauté et du Bien dans le laid et dans le mal, et en même temps vouloir, dans un amour total, le guérir de sa laideur et de son mal, telle est la vraie vertu et la véritable moralité.

Tu as une question ?

Comment coopérer à la guérison du mal et de la laideur que l’on voit partout ?... Aimer ? Quel est le pouvoir de l’amour ? Et comment un phénomène de conscience individuel peut-il agir sur le reste des hommes ?

Comment coopérer à la guérison du mal et de la laideur ?... On peut dire qu’il y a une sorte d’échelle hiérarchique de collaboration ou d’action ; une coopération négative et une coopération positive.

Pour commencer, il y a un moyen que l’on pourrait appeler négatif ; c’est celui que donnent les religions bouddhiques et similaires : ne pas voir. D’abord être dans un état de pureté et de beauté suffisant pour ne pas avoir la perception de la laideur et du mal – c’est comme quelque chose qui ne vous touche pas parce que cela n’existe pas en vous. Ça, c’est la perfection de la méthode négative.

Elle est très élémentaire : ne jamais remarquer le mal, ne jamais parler du mal qui est chez les autres, ne pas perpétuer les vibrations par l’observation, la critique, l’insistance sur le fait mauvais. C’est ce que le Bouddha enseignait : chaque fois que vous mentionnez un mal, vous l’aidez à se répandre. C’est en bordure du problème.

Pourtant, ce devrait être une règle très générale, mais ceux qui critiquent ont réponse à cela ; ils disent : «Si vous ne voyez pas le mal, vous ne pourrez jamais le guérir. Si vous laissez quelqu’un dans sa laideur, il n’en sortira jamais.» (Ce n’est pas exact, mais c’est comme cela qu’ils légitiment leur action.) Alors, dans cet aphorisme, Sri Aurobindo répond d’avance à ces objections : ce n’est pas par ignorance pu par inconscience ou par indifférence que vous ne voyez pas le mal – vous êtes capable de le voir et même de le sentir” mais vous refusez de collaborer à son expansion en lui donnant la force de votre remarque et l’appui de votre conscience. Et pour cela, il faut que vous soyez, vous-même, au-dessus de cette perception et de cette sensation ; il faut que vous puissiez voir le mal ou la laideur sans en souffrir, sans être choqué, sans être gêné. Vous le voyez d’une hauteur où ces choses n’existent pas, mais vous en avez la perception consciente – vous n’en êtes pas affecté, vous êtes libre. Ceci est un premier pas.

Un deuxième pas, c’est d’être conscient positivement de la Bonté et de la Beauté suprêmes qui sont derrière toutes choses et qui supportent toutes choses, leur permettent d’exister. Quand vous Le voyez, vous êtes capable de Le percevoir derrière ce masque et cette déformation – même cette laideur, même cette méchanceté, même ce mal est un déguisement de Quelque chose qui est essentiellement beau ou bon, lumineux, pur.

Et alors vient la vraie collaboration, parce que, quand vous avez cette vision, cette perception, que vous vivez dans cette conscience, cela vous donne aussi le pouvoir de tirer Ça dans la manifestation, sur la terre, et de Le mettre en contact avec ce qui, pour le moment, déforme et déguise, de telle sorte que, petit à petit, cette déformation et ce déguisement sont transformés par l’influence de la Vérité qui est derrière. Ici, nous sommes tout en haut de l’échelle de la collaboration.

De cette façon, il n’est pas nécessaire de faire intervenir le principe d’amour dans l’explication. Mais si l’on veut connaître ou comprendre la nature de la Force ou de la Puissance qui permet et qui accomplit cette transformation (et surtout quand il s’agit du Mal, mais aussi de la laideur dans une certaine mesure), on voit que c’est évidemment l’Amour qui, de tous les pouvoirs, est le plus puissant, le plus intégral – intégral, en ce sens qu’il s’applique à tous les cas. Il est plus puissant même que le pouvoir de purification qui dissout les mauvaises volontés et est le maître en quelque sorte des forces adverses, mais qui n’a pas le pouvoir direct de transformation, parce que le pouvoir de purification dissout d’abord pour reformer après, il détruit une forme pour pouvoir en faire une meilleure, tandis que l’Amour n’a pas besoin de dissoudre pour transformer : il a le pouvoir direct de transformation. L’Amour est comme une flamme qui change ce qui est dur en une chose malléable et qui sublime même cette chose malléable en une sorte de vapeur purifiée – ça ne détruit pas : ça transforme.

Dans son essence, dans son origine, l’Amour est comme une flamme blanche qui a raison de toutes les résistances. On peut soi-même en faire l’expérience : quelle que soit la difficulté dans son être, quelle que soit l’alourdissement des erreurs accumulées, les ignorances, les incapacités, les mauvaises volontés, une seule seconde de cet Amour – pur, essentiel, suprême – dissout comme dans une flamme toute-puissante. Un seul moment, et tout un passé peut disparaître ; un seul instant où on touche Ça dans son essence, et tout un fardeau est épuisé.

Et il est très facile d’expliquer comment celui qui a cette expérience peut la répandre, agir sur les autres, puisque, pour avoir l’expérience, il faut toucher l’Essence unique, suprême, de toute la manifestation – l’Origine et l’Essence, la Source et la Réalité de tout ce qui est – et tout de suite on entre dans le domaine de l’Unité : il n’y a plus de séparation entre les individus, c’est une seule vibration qui peut se répéter indéfiniment dans la forme extérieure (1).

Si l’on monte assez haut, on est au Cœur de toute chose. Et ce qui se manifeste dans ce Cœur peut se manifester dans toutes les choses. Et c’est cela le grand secret, le secret de l’incarnation divine dans une forme individuelle, parce que, dans le cours normal des choses, ce qui se manifeste au centre n’est réalisé dans la forme extérieure qu’avec l’éveil et la réponse de la volonté dans la forme individuelle. Tandis que si la Volonté centrale est représentée d’une façon constante et permanente dans un être individuel, cet être individuel peut servir d’intermédiaire entre cette Volonté et tous les êtres, et vouloir pour eux. Tout ce que cet être individuel perçoit et tout ce qu’il offre dans sa conscience à la Volonté suprême, il y est répondu comme si cela venait de chaque être individuel. Et si les éléments individuels, pour une raison quelconque, ont un rapport plus ou moins conscient et volontaire avec cet être représentatif, leur rapport augmente l’effectivité, l’efficacité de ce représentant individuel; et ainsi, d’une façon beaucoup plus concrète et permanente, l’Action suprême peut agir dans la Matière. C’est la raison de ces descentes de consciences, on peut dire «polarisées» parce qu’elles viennent toujours sur la terre dans un but défini et pour une réalisation spéciale, avec une mission – mission décidée, déterminée avant l’incarnation. C’est cela, les grandes étapes des incarnations suprêmes sur la terre.

Et quand le jour sera venu de la manifestation de l’Amour suprême, d’une descente cristallisée, concentrée, de l’Amour suprême, ce sera vraiment le moment de la Transformation. Parce que, à Ça, rien ne pourra résister.

Mais comme c’est tout-puissant, il faut qu’une certaine réceptivité soit préparée sur la terre pour que les effets ne soient pas foudroyants... Sri Aurobindo a expliqué cela dans l’une de ses lettres. Quelqu’un lui demandait : «Pourquoi ça ne vient-il pas tout de suite ?» Et il a répondu à peu près ceci : si l’Amour divin se manifestait dans son essence sur la terre, ce serait comme un éclatement ; parce que la terre n’est ni assez souple ni assez réceptive pour s’élargir à la mesure de cet Amour. Elle a besoin non seulement de s’ouvrir mais de s’élargir et de s’assouplir – la Matière est trop rigide encore, et même la substance de la conscience physique. Non seulement la Matière la plus matérielle, mais la substance de la conscience physique est trop rigide.

1. Plus tard, le disciple a demandé à Mère : «Est-ce une seule vibration qui peut se répéter indéfiniment ou qui se répète indéfiniment ?» Mère a répondu ceci : «J’ai voulu dire plusieurs choses en même temps. Cette seule vibration est statique partout, mais quand on la réalise consciemment, on a le pouvoir de la rendre active partout où on la dirige ; c’est-à-dire qu’on ne «déplace» pas quelque chose, mais que l’insistance de la conscience la rend active partout où l’on dirige sa conscience.»

🌸

Voilà qui répond enfin à cette sempiternelle objection des matérialistes et des athées : si votre Dieu d'Amour existait vraiment, il ne permettrait pas toutes ces horreurs. Depuis 2500 le Bouddhisme prêche la Compassion, depuis 2000 le Christianisme prêche l'Amour du prochain, et même si le nombre incalculable d'actes de bienveillance à considérablement adouci les relations humaines, force est de constater, que cela semble totalement impuissant contre la caste au pouvoir. 

Ce n'est pas par manque d'Amour que le Divin retient son Amour, c'est précisément parce que son Amour est si puissant qu'il détruirait tout. Mais nous pouvons apprendre, comme l'explique Sri Aurobindo et Mère, à élargir et assouplir notre conscience pour être davantage en mesure de recevoir cet Amour.

Dans l'Agenda du 3 octobre 1963, la Mère explique davantage en précisant ceci d'une extrême importance :

Si l'Amour divin descendait d'abord, avant la Vérité divine, certains êtres qui ont une puissance ou une réceptivité spéciales pourraient l'attirer en eux, personnellement, et alors tous ces faux mouvements pourraient se produire1. Mais si cet Amour divin ne descend que dans la Vérité, que dans la Conscience-de-Vérité, il n'entrera dans une personne que si elle est prête à le recevoir. Sans une préparation de Vérité, il peut se produire une attraction très puissante d'éléments qui ne sont pas capables de le garder dans sa pureté ; tandis que si la préparation de Vérité est là, dans cette préparation, Ça CHOISIRA pour se manifester les personnes, les individualités prêtes.

1. «Aveuglé par les confusions de la conscience actuelle, l'Amour peut s'égarer dans ses réceptacles humains, ou même sans cela, il se peut qu'il ne soit pas reconnu et qu'on le rejette, ou qu'il dégénère rapidement et soit perdu dans la fragilité de la nature humaine inférieure.»

C'est sans doute pour cette raison que Mère insistera jusqu'au bout, et de façon si poignante, avec tant de force sur la Vérité :

La Victoire est certaine, c’est évident, mais par quel chemin va-ton passer ? Et cela dépend beaucoup de notre position individuelle, et c’est cela qu’ils ne comprennent pas. Il faudrait être accroché, tellement accroché à la Vérité, que rien ne puisse vous toucher. (7 avril 1971)

Avant de mourir, le mensonge se lève dans toute sa puissance. Mais les gens ne comprennent que la leçon de la catastrophe. Faudra-t-il qu’elle vienne pour qu’ils ouvrent les yeux à la Vérité ? Je demande un effort de tous pour que cela ne soit pas nécessaire. Seule la Vérité peut nous sauver : la vérité dans les paroles, la vérité dans l’action, la vérité dans la volonté, la vérité dans les sentiments. (26 novembre 1972)

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Sur cette question aussi complexe que celle du mal, l'humanité n'a jamais vraiment trouvé de réponse satisfaisante, efficace, il ne saurait y avoir une solution simple et toute faite. L'Agenda suivant nous propose un autre angle d'approche, tout aussi profond. 

Toutefois, rappelons ce point tout à fait essentiel, sans lequel, tout cela n'a strictement aucun sens, que nous nous plaçons dans la perspective de l'Unité et de l'interdépendance entre tous les êtres.

Sans accabler une population qui est déjà bien mal en point, la Réalité n'est tout de même pas binaire avec d'un côté, une caste malveillante, et de l'autre une population de petits saints et d'enfants de cœur. L'idée ici est de trouver un moyen de purifier, nettoyer, guérir, transformer nos propres noirceurs, nos propres négativités... et l'ensemble ne s'en portera que mieux !

Agenda de Mère du 21 janvier 1962

Au fond, les hommes se sont toujours pris pour des espèces de victimes harcelées par les forces adverses, et ceux qui sont courageux se battent, les autres se lamentent. Mais de plus en plus, il y a eu une vision très concrète du rôle que jouent les forces adverses dans la création, de leur nécessité pour ainsi dire absolue pour qu'il puisse y avoir le progrès nécessaire afin que la création redevienne son Origine. Et la vision si claire qu'au lieu de demander la conversion ou l'abolition des forces adverses, c'est sa propre transformation qu'il faut accomplir, pour laquelle il faut prier, qu'il faut effectuer.

Et puis la Mère en vient à parler d’une expérience intérieure et à dire :

C'était très concret. Et ça correspond à un état où l'on s'identifie si parfaitement à tout ce qui est, qu'on devient tout ce qui est anti-divin, d'une façon concrète, et qu'on peut l'offrir – qu'on peut l'offrir, qu'on peut vraiment le transformer par l'offrande. Au fond, dans les hommes, c'est cette espèce de volonté de pureté, de Bien (qui se traduit dans la mentalité ordinaire par le besoin d'être vertueux) qui est le grand obstacle au vrai don de soi. C'est à l'origine du Mensonge, et surtout c'est la source même de l'hypocrisie : le refus d'accepter de prendre sur soi sa part du fardeau des difficultés.

[…]

N'essayez pas d'être vertueux. Voyez à quel point vous êtes uni, UN avec tout ce qui est anti-divin, prenez votre part du fardeau, acceptez d'être, vous-même, impur et mensonger, et, comme cela, vous pourrez prendre l'Ombre et la donner. Et dans la mesure où vous êtes capable de la prendre et de la donner, alors les choses changeront. (1) N'essayez pas d'être parmi les purs. Acceptez d'être avec ceux qui sont dans l'obscurité, et dans un amour total, donnez tout ça.

(1) Note de Satprem :

Lorsque nous avons publié partiellement cette conversation dans le Bulletin de l'Ashram, en avril 1962, Mère nous a fait modifier (malgré nos protestations) cette phrase : au lieu de «N'essayez pas d'être vertueux», Elle a mis : «N'essayez pas d'avoir l'air vertueux», et Elle a ajouté : « Il y a un inconvénient. Les gens ne comprennent jamais rien, ou plutôt ils comprennent à leur manière. Ils prendraient ça pour un encouragement à faire des bêtises, à être mauvais, à avoir de mauvais sentiments, et ils diraient : « Nous sommes les préférés du Seigneur ! »... Tu le souviens, il y a une lettre de Sri Aurobindo comme cela, à des gens qui voulaient faire sortir tout ce qu'il y a de mauvais en eux – il leur a dit que ce n'était pas du tout la manière ! »

Voir en addendum ces deux lettres de Sri Aurobindo sur la psychanalyse.

Votre pratique de la psychanalyse était une erreur. Elle a, pour le moment du moins, rendu plus compliqué et non plus facile le travail de purification. La psychanalyse de Freud est la dernière chose que l'on devrait associer au yoga. Elle prend une certaine partie de la nature, la plus obscure, la plus périlleuse, la plus malsaine – la couche subconsciente du vital inférieur – et elle isole quelques-uns de ses phénomènes les plus morbides en leur attribuant une action hors de toute proportion avec leur rôle véritable dans la nature. La psychologie moderne est une science dans l'enfance, à la fois imprudente, tâtonnante et rudimentaire. Comme il en est de toutes les sciences dans l'enfance, cette habitude universelle du mental humain de prendre une vérité partielle ou locale, de la généraliser abusivement et de vouloir expliquer tout un domaine de la Nature selon ses étroites formules, s'en donne à cœur joie ici. En outre, cette exagération de l'importance des complexes sexuels refoulés est une dangereuse fausseté ; elle peut avoir une influence pernicieuse en rendant le mental et le vital non pas moins mais plus fondamentalement impurs qu'auparavant.

Il est vrai que le subliminal dans l'homme constitue la plus large part de sa nature et recèle le secret de dynamismes invisibles qui expliquent ses activités de surface. Mais la couche subconsciente du vital inférieur, qui est tout ce que semble connaître cette psychanalyse de Freud (et encore n'en connaît-elle que quelques recoins mal éclairés), n'est qu'une fraction limitée et très inférieure de la totalité subliminale. Le moi subliminal s'étend derrière et soutient l'ensemble de l'homme de surface ; il recèle un mental plus large et plus efficace derrière le mental de surface, un vital plus vaste et plus puissant derrière le vital de surface, une conscience physique plus subtile et plus libre derrière l'existence corporelle de surface. Au-dessus de ces niveaux, il s'ouvre aux étendues supraconscientes, de même qu'en dessous il s'ouvre aux étendues subconscientes inférieures. Si l'on veut purifier et transformer la nature, c'est au pouvoir de ces étendues supérieures qu'il faut s'ouvrir et s'élever afin, par elles, de changer non seulement l'être subliminal mais l'être de surface. Ceci même doit se faire avec prudence et non d'une façon prématurée et précipitée, en suivant une direction supérieure et en gardant toujours l'attitude vraie, sinon la force que l'on fait descendre risque d'être trop puissante pour la fragile et obscure charpente de la nature. Mais commencer par ouvrir le subconscient inférieur en risquant de soulever tout ce qui s'y trouve d'obscur et de fétide, c'est aller au devant des ennuis. D'abord, il faut fortifier et affermir le mental et le vital supérieurs en les emplissant de la lumière et de la paix d'en haut ; après, on peut ouvrir le subconscient ou même y plonger avec plus de sécurité et quelque chance de changement heureux et rapide.

Le système qui consiste à se débarrasser des choses indésirables par anoubhava [assouvissement] peut également être dangereux ; sur ce chemin, il est plus facile de s'empêtrer davantage que d'arriver à la liberté. Cette méthode s'appuie sur deux principes psychologiques bien connus. L'un, le principe d'épuisement volontaire, est valable dans certains cas, surtout quand certaines tendances naturelles ont une emprise trop forte ou une poussée trop puissante pour que l'on puisse s'en débarrasser par vichâra, c'est-à-dire par le procédé de rejet et de substitution du mouvement vrai ; quand ceci arrive avec excès, le chercheur doit parfois même retourner à l'action ordinaire de la vie ordinaire et en faire l'expérience vraie avec un mental nouveau et une volonté nouvelle derrière, puis revenir à la vie spirituelle une fois que l'obstacle est éliminé ou prêt à être éliminé. Mais cette méthode d'assouvissement volontaire est toujours dangereuse, bien que parfois inévitable. Elle ne réussit que si l'être possède une puissante volonté de réalisation, car l'assouvissement entraîne une forte insatisfaction et une réaction, vaïragya, et dès lors la volonté de perfection peut être poussée jusque dans la partie récalcitrante de la nature.

L'autre principe de l'anoubhava est d'une application plus générale ; en effet, pour rejeter quoi que ce soit hors de l'être, il faut d'abord en être conscient, avoir clairement l'expérience intérieure de son action et découvrir sa place effective dans le fonctionnement de la nature. Alors on peut agir dessus pour l'éliminer si c'est un mouvement complètement faux, ou le transformer si c'est seulement une dégradation d'un mouvement supérieur vrai. C'est cela ou quelque chose de ce genre que tente grossièrement et abusivement, avec une connaissance rudimentaire et insuffisante, le système de la psychanalyse. Le procédé qui consiste à soulever les mouvements inférieurs dans la pleine lumière de la conscience afin de les connaître et de les manipuler est inévitable, car il ne peut pas y avoir de changement complet sans cela. Mais on ne peut y réussir vraiment que quand la lumière et la force supérieures sont suffisamment actives pour surmonter plus ou moins vite la force de la tendance que l'on expose à la lumière afin de la changer. Bien des gens, sous prétexte d'anoubhava, non seulement soulèvent le mouvement adverse mais l'entretiennent de leur consentement au lieu de le rejeter, trouvent des justifications pour le prolonger ou le répéter et continuent ainsi de jouer avec lui, de caresser son retour et de l'éterniser, et, plus tard, lorsqu'ils veulent s'en débarrasser, il a une telle emprise qu'ils se trouvent impuissants et dans ses griffes ; seule une lutte terrible ou une intervention de la grâce divine peuvent les libérer. Certains font cela par déformation vitale ou par perversité, d'autres par pure ignorance, mais dans le yoga comme dans la vie, l'ignorance n'est pas acceptée par la Nature comme une excuse justifiante. C'est le danger qui guette toute manipulation incorrecte des parties ignorantes de la nature ; or, rien n'est plus ignorant, plus périlleux, plus irraisonné et obstiné dans ses récidives que le subconscient vital inférieur et ses mouvements. Le soulever prématurément ou incorrectement sous prétexte d'anoubhava, c'est risquer aussi d'inonder de ce magma obscur et fangeux les parties conscientes et d'empoisonner ainsi toute la nature vitale et même mentale. Donc, toujours, il faudrait commencer par une expérience positive et non par une expérience négative, et faire descendre tant soit peu la nature divine, la lumière, l'équanimité, la pureté, la force et le calme divins dans les parties de l'être conscient qui doivent être changées ; c'est seulement quand on a fait cela suffisamment et qu'il existe une solide base positive, qu'il est prudent de soulever les éléments adverses cachés dans le subconscient afin de les détruire ou de les éliminer par la force du calme divin, de la lumière, de l'énergie et de la connaissance divines. Même ainsi, il subsistera toujours assez de ce magma inférieur pour se lever de lui-même et vous donner autant d'anoubhava que vous en aurez besoin pour vous débarrasser de l'obstacle, mais, alors, il pourra être manipulé avec beaucoup moins de danger et sous une direction intérieure supérieure.

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Je trouve difficile de prendre vraiment au sérieux ces psychanalystes lorqu'ils tentent de scruter l'expérience spirituelle à la lumière clignotante de leur lampe de poche – encore qu'on le devrait peut-être, car le demi-savoir est une chose puissante et il peut être un grand obstacle à l'émergence de la vraie Vérité. Cette nouvelle psychologie me fait l'effet d'enfants qui apprennent quelque alphabet sommaire et pas très adéquat, exultant d'additionner ensemble leur a-b-c-d du subconscient et le mystérieux super-ego souterrain, et qui s'imaginent que leur premier manuel des obscurs commencements (c-h-a-t = chat, a-r-b-r-e = arbre) est l'essence même de la vraie connaissance. Ils regardent de bas en haut et expliquent les lumières supérieures par les obscurités inférieures, mais le fondement des choses est en haut et non en bas, oupari boudhna esham. C'est le supraconscient et non le subconscient qui est le vrai fondement des choses. La signification du lotus ne se trouve pas en analysant les secrets de la boue dans laquelle il pousse ici-bas ; son secret se trouve dans l'archétype céleste du lotus qui fleurit à jamais dans la Lumière d'en haut. En outre, le domaine que ces psychologues se sont choisis est maigre, obscur, limité ; il faut d'abord connaître le tout avant de pouvoir connaître la partie et le plus haut avant de comprendre vraiment le plus bas. Telle est la promesse d'une psychologie plus large qui attend son heure et devant laquelle ces pauvres tâtonnements s'évanouiront comme rien.

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En conclusion

Dans un prochain article nous approfondirons encore cette question du mal avec la présentation de L'Énigme de ce monde de Sri Aurobindo et un résumé des points clefs du chapitre de La vie divine intitulé Origine et remède du mensonge, de l'erreur, de l'injustice et du mal.

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