Le pouvoir de l’immobilité
C'est le corps qui fera le pont. C'est dans le corps qu'est la clef.
Tout le mystère commence là. Satprem – L’espèce nouvelle
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En introduction, il est sans doute utile de rappeler que l’invitation de Satprem à faire le pont « avec l'autre chose, le monde que nous voulons incarner1 », avec « La Terre Nouvelle2 », s’inscrit dans la continuité des expériences Mère où il est question de la « jonction entre la conscience humaine mentale et terrestre, et la Conscience supramentale et surhumaine3 », de la « jonction entre l’Être d’en haut et l’être d’en bas4 » de la « conjonction de l’être psychique et de la conscience supérieure [comme] principal moyen d’obtenir la siddhi5 », de la « perméation [de la force supramentale] dans le physique subtil6 ». Etc.
Maintenant, demandons-nous comment le corps pourrait-il faire le pont avec le monde de vérité, avec « ce monde merveilleux de félicité qui, à nos portes, attend notre appel pour descendre sur la terre.7 »
La réponse la plus évidente se trouve au niveau de la conscience des cellules. Nous pouvons reprendre à notre compte l’invitation de Mère de l’Agenda du 20 novembre 1963 à « devenir conscient de [nos] cellules », sauf que, nous n’y arriverons sans doute pas. Même en lisant la partie du chapitre 4 du Mental des cellules consacrée à la descente dans le corps avec la traversée des couches mentales du mental intellectuel, du mental émotionnel du mental sensoriel, je crains que cela ne soit très difficile. Peut-être parce que nous n’en avons, ni le pouvoir, ni la force :« Plus on veut descendre dans la matière, plus il faut s’élever dans la conscience.8 » Ce n’est pas nous qui descendons, c’est la Force, la Lumière, la Conscience… nous ne sommes que témoin d’un processus, peut-être soutenu par notre aspiration concentrée.
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Maintenant, l’immobilité pourrait être le moyen le plus concret, le plus puissant et le plus à notre portée pour établir cette jonction avec le monde de vérité. L’Agenda du 19 février 1965 est à ce propos très instructif. Il y est question de la fameuse attaque de l’Ashram et Mère nous explique s’être identifiée à la « Conscience-de-Vérité physique de la terre, à la qualité de la vibration de la Vérité dans la conscience physique de la terre. [et avoir découvert] (d'une façon certaine, absolue et inoubliable) quelle est la vibration de Vérité dans le Physique, quel état doit avoir le Physique pour répondre à la Vérité – pour ÊTRE la Vérité. Maintenant, je sais. Ce qui fait que j'ai appris ma leçon aussi. Mais tout le monde a appris quelque chose et j'espère qu'on ne l'oubliera pas. »
Pour la jonction entre le corps et le monde de vérité, Mère ajoute ceci : « c’est quelque chose qui est comme cela (geste poings fermés, inébranlable), qui ne BOUGE PAS PHYSIQUEMENT. Mentalement, ce n’est rien, c’est facile. C’est comme un aimant physique des vraies vibrations physiques. Ça ne passe pas le mental ni par l’intelligence ni même par le vital : c’est physiquement, une sorte d’aimant qui attire la Vérité physique. »
À l’inverse de cette immobilité toute-puissante qui attire les vibrations de vérité, Mère voyait « si clairement dans les gens, ceux dont la vibration répondait aux vibrations de Mensonge : cette espèce de mouvement qui fait comme une trépidation dans la Matière. »
Certes, cette Immobilité-là n’est sans doute pas le fruit de notre effort personnel, mais nous pouvons y aspirer et nous y préparer. S’asseoir tranquillement, s’allonger, tout laisser se poser, se décanter, entrer petit à petit dans une intériorisation aussi immobile que possible – alors parfois, même si cette immobilité intérieure n’est pas encore parfaite ni totale, des expériences arrivent.
D’ailleurs, l’immobilité semble être une clef qui ouvre de nombreuses portes : découverte de l’âme, expérience des vibrations supramentales, homogénéisation de la substance, perception nouvelle du temps, guérison, neutralité parfaite du mental, nouveau sommeil, bain du Seigneur d’Amour suprême… toutes ces expériences sont différentes et toutes semblent avoir en commun cette base d’immobilité.
Carnets de Laboratoire est la compilation de Satprem des expériences de Mère sous formes de notes très succinctes. Je suis en train de le recopier en son intégralité et voici ce que j’ai déjà retrouvé. Les dates renvoient aux Agendas.
9.4.58 – Quelque chose qui est chaud, tranquille, riche de contenu et très immobile, et très plein, comme une douceur – ça, c’est l’âme. Comme une réflexion dans une eau très paisible de quelque chose qui est éternel.
7.11.58 – Une immobilité parfaite avec une intensité de mouvement et de vie incroyable ! Un poudroiement d’or chaud : ils me touchaient les yeux, le visage…
23.1.61 – Une vibration extrêmement rapide et intense, mais immobile. Comme si dans chaque cellule, il y avait une vibration et que ce soit tout d’un seul bloc de vibration.
19.5.61 – Une immobilité massive. Ça à l’air d’un état d’abrutissement, d’imbécillité, de coma, mais au bout d’un certain temps, ça devient quelque chose de si massif dans son immobilité, oh !… ça doit mener quelque part.
20.6.61 – Une espèce d’éternité dans le corps. (L’état d’immobilité massive :) Comme si ça remettait tout en ordre, mais rien ne bouge.
2.10.61 – Un miroir immobile qui n’ajoute aucune vibration à ce qui est reçu ou transmis. C’est-à-dire la neutralité parfaite.
12.1.62 – Le mental est une zone immobile de transmission. Un tout petit déclic suffit à déranger. C'est un fonctionnement extrêmement délicat…
6.6.62 – Le sens du temps disparaît dans une… immobilité intérieure. Mais une immobilité mouvante !
4.12.62 – La qualité de ces deux vibrations est indescriptible. L’une qui est poudroiement atomique d’un mouvement incessant, et l’autre une immobilité éternelle. Encore la conscience passe de l’un à l’autre.
3.5.63 – (Changement du sommeil :) Avant, j’entrais dans une immobilité totale, un non-mouvement ; maintenant le corps entre dans un mouvement universel d’une rapidité si formidable que c’est comme une immobilité. Quelque chose qui est par-delà l’immobilité et par-delà le mouvement, et d’une rapidité imperceptible pour tous les sens. C’est une chose nouvelle.
22.7.64 – J’ai été comme plongée dans le bain de l’Amour suprême. Une sorte de masse vibratoire homogène, immobile, et pourtant avec une intensité de vibration sans pareil. Et Ça, ça aime.
Même si l’immobilité n’est pas le seul élément de l’équation pour résoudre notre énigme, ce moyen pratique semble toutefois particulièrement prometteur.
En conclusion, si c’est au corps de trouver la réponse, notre façon de penser a aussi son importance. Au lieu de prendre le corps comme un bloc de matière corporelle compacte séparé de tout, il serait préférable de nous imprégner de l’image des milliers de circuits énergétique, de l’idée que notre corps n’est fait que de cellules, d’atomes, de minuscules particules – car évidemment, ce n’est pas le corps physique tel que nous voyons qui fait le pont – cela ne peut être que la conscience dans les profondeurs du corps ou à l’arrière plan des pensées, des émotions, des énergies, des sensations. La jonction se fait dans le corps subtil par la conscience subtile, c’est là que nous devons focaliser notre attention.
Notes :
1. Carnets d’une Apocalypse – 17 septembre 1986
2. Carnets d’une Apocalypse – 2 août 1989
3. Agenda sans date – juin 1958
4. Agenda du 11 mars 1961
5. Entretien du 17 août 1955
6. Agenda du 11 et 18 avril 1970
7. Agenda du 2 octobre 1960
8. Agenda du 25 février 1958