Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Carnets d’une Apocalypse – 2 août 1982

Reçu cette remarquable vision de L...

 

Le grand pont inachevé

Savez-vous ce que j'ai vu il y a deux nuits ? (du 6 juillet) Un immense pont en construction en Inde, un pont qui enjambait une eau tumultueuse et boueuse, impossible à franchir à la nage. Et ce pont était immense, fait de ciment et de terre (à la façon indienne), massif comme une forteresse, et prévu pour faire passer au moins une dizaine de trains côte à côte. Je voyais les rails déjà posés. Mais le pont était en construction, pas fini, il manquait juste un petit bout. J'attendais là avec quelques jeunes gens inconnus de mon âge, filles et garçons, et il fallait attendre le train pour passer ce pont (c'était ce pont que j'avais rencontré au début de mon "tour du monde" ou au début de l'"Aventure") .

Finalement, impatient d'attendre ce train qui ne venait jamais, je suis monté sur la partie supérieure du pont, sur le toit, et ai essayé de passer comme ça. C'était au moins à cinquante mètres au-dessus de l'eau, dans une obscurité blafarde et peu engageante, et j'avançais sur cette espèce de plateforme suspendue dans le vide vers l'autre rive. Et tout d'un coup je me suis retrouvé au bord, à l'extrémité, avec l'eau qui coulait cinquante mètres plus bas. Il n'y avait pas moyen d'avancer plus loin, c'était la fin du pont, mais l'autre rive était très proche, il restait juste un bout de pont à faire pour joindre l'autre rive.

(C’est moi qui souligne, non Satprem)

Le sens personnel m'apparaît assez clair, mais pourquoi un si gros pont avec tant de rails de chemin de fer, comme s'il était construit pour une foule de voyageurs ? Et en Inde ?

 

(Réponse de Satprem)

Ta vision du "pont". C'est Sujata qui a trouvé l'évidente interprétation. Ce pont était si formidable et massif parce qu'il avait été construit par Sri Aurobindo et Mère pour faire passer une foule de gens de l'autre côté : dix trains côte à côte. Et puis, tu n'as vu que "quelques garçons et filles" qui voulaient bien passer, et les trains ne venaient jamais parce que personne ne voulait passer sauf quelques-uns. Il restait un petit bout de pont à construire parce qu'il FALLAIT que ce soit l'aspiration humaine qui construise ce dernier petit bout. Peut-être pourrons-nous, au bout de cet énorme pont, jeter une toute petite passerelle pour les quelques-uns qui voudront bien passer...

 

Nouvelle lettre de L., du 14 août 1982

Cette vision du "pont" est remarquable, maintenant je comprends tout à fait. Il y avait aussi un détail que je ne vous ai pas dit : à l'entrée du "pont" il y avait les préposés au pont, les officiels du pont en quelque sorte, et c'est eux qui disaient : "Vous ne pouvez pas passer, il faut attendre le train officiel." Et c'est pour cela que cette poignée de jeunes gens attendaient (en tournant en rond) à l'entrée du pont. Puis je me suis approché et j'ai insisté : "Mais enfin, il n'y a pas besoin de train pour traverser, je vais y aller à pied, en suivant les rails." Et le type m'a répondu : "Vous ne pouvez pas faire cela ! Vous allez vous perdre. Si vous rentrez sur le pont, vous vous perdrez car il y a toutes sortes de chemins et bifurcations là-dessous." Et il me montrait du doigt l'obscurité sous le pont. C'est donc ainsi que j'ai décidé de passer outre et de monter au-dessus, sur le toit recouvrant le pont, et de traverser ainsi, jusqu'au moment où je suis arrivé au bord et ai failli dégringoler dans l'eau cinquante mètres plus bas. Voilà. Donc les "gardiens" du pont détournent ou découragent les gens de traverser.

 

(Réponse de Satprem du 21 août 1982)

Les "Officiels du pont", c'est merveilleusement cela ! "Sri Aurobindo et Mère ont ouvert le chemin, mais surtout ne marchez pas dessus !" C'était cela, le Mensonge depuis le début ; dans un premier interview avec je ne sais quel Canadien (j'ai dû garder cela dans un dossier rouge), Nolini a déclaré : "Avec le départ de Mère, la Transformation est arrêtée." Ils veulent tous adorer, mais surtout pas devenir, c'est trop fatigant1 !

 

1. C'est la "bataille de l'Agenda" après le départ de Mère, justement contre ces forces du Mensonge qui voulaient avaler l'Agenda et mettre "Krishna en or" sous clef pour bâtir leur nouvelle Église.

 

Carnet du 31 mars 1984

La dernière racine s'est retournée. Instantanément le corps a bu le Délice de la Pureté Divine. Le Nectar Blanc de la Pureté Suprême. La difficulté centrale est résolue. Mère est victorieuse. La Terre va changer. Mère LÀ physiquement. Le dernier cordon ombilical avec le vieux scaphandre est coupé. Nous y sommes. Le pont EST FAIT

 

Carnet du 17 septembre 1986

Le problème "central" c'est ce qui se passe ici, c'est cet effort désespéré pour qu'une matière humaine puisse faire le pont avec l'autre chose, le monde que nous voulons incarner. C'est cela le problème central. Et naturellement les forces cherchent férocement à désorganiser, ébranler ou détruire le travail. Sans t'en rendre compte, tout à fait involontairement ou inconsciemment, tu te fais l'instrument de ces forces de désordre qui n'attendent qu'une microscopique petite ouverture pour se précipiter ici et tout saccager. C'est ce qui s'est passé à l’Ashram, à Auroville et c'est ce qui se passe partout, tristement. Ceux qui veulent faire le travail ou qui tentent de le faire sont impitoyablement mis à l'épreuve. Je ne suis pas Mère et je ne peux pas prendre sur mes épaules toutes les difficultés et les problèmes et les vexations extérieures. Il faut, oh, il faut qu'un être humain puisse faire le pont. Il n'y a pas de moi là-dedans, il n'y a pas d'individu : il y a une tentative terrestre très désespérée.

 

Carnet du 20 août 1989

Il faut qu'il y ait un échantillon – au moins un – qui fasse le pas. C'est ça, "faire le pas". La Terre Nouvelle, elle ne va pas nous tomber sur la tête, n'est-ce pas, il faut que ça sorte d'un corps terrestre, c'est aussi simple que cela. Alors il faut qu'il y ait un de ces foutus échantillons humains qui consente à ... ou qui soit capable de suivre, de faire le trou ou de faire le chaînon, de faire le pont avec cette Nouvelle Terre. Ils ont fait le boulot, eh bien, il faut suivre, voilà, je n'ai pas arrêté de le dire. Mais le bout, moi je ne le connais pas. J'ai l'impression chaque jour et je pourrais dire à chaque seconde, de vivre le bout. Parce que chaque fois, c'est le bout.

 

Nuit du 14-15 février 1994

Au milieu de la nuit, une vision qui m'a singulièrement "émerveillé", alors qu'elle a l'air toute simple. J'ai vu un pont – pas un grand pont, peut-être pas plus grand qu'un pont de Paris, mais je ne sais pas car j'étais à une certaine distance, en bas (plus bas que le pont). Mais il n'y avait pas d'eau ou de fleuve, que je sache. Ce qui me frappait d'étonnement, c'était la beauté de ce pont, pourtant tout simple (il y avait peut-être une arche ou deux ?), mais d'une couleur ! d'une qualité ! c'était blanc mais comme mêlé de rose, d'orange très léger, nacré, avec le blanc qui dominait. Je ne sais pourquoi j'étais «émerveillé», même dans mon sommeil. Un pont qui reliait simplement deux côtés ou deux bords de terre.

J'ai raconté cela à Sujata, qui instantanément a pensé à ces vers de Sri Aurobindo [dans] Le Labeur d'un Dieu : Le gouffre entre les profondeurs et les hauteurs est comblé (et les eaux d'or se déversent). Ce poème continue avec ce vers si exactement signifiant : "Le feu du ciel est allumé dans la poitrine de la terre".

Commentaire

Le premier point à éclaircir est de comprendre comment Satprem peut nous parler, en 1982, de cette vision d’un pont inachevé, puis en 1984 d’un pont terminé, et malgré tout nous exhorter d’une façon si poignante, en 1986 et 1989, à faire le pont, avant de partager, en 1994, une nouvelle vision d’un pont magnifique.

Une hypothèse parmi d’autres est de partir d’une conversation avec Pavitra du 8 mai 1926, publiée dans les Entretiens de Mère du 20 mai 1953, dans laquelle Sri Aurobindo évoque 7 niveaux du plan physique : 5 correspondants aux 5 agrégats de la Matière, les 5 éléments : l’éther, l’air, le feu, l’eau et la terre ainsi que deux niveaux plus profonds, le physique-vital et le mental dans la matière. Par ailleurs, je me souviens avoir lu quelque part que Sri Aurobindo a parlé aussi des neuf états de la Matière.

Ainsi, Satprem a pu réaliser la jonction sur un plan subtil, et non sur tous. Le pont est fait, la jonction est établie… sans l’être totalement, et le travail doit continuer. Et puis, même si Satprem a terminé le pont vers le nouveau monde, la réalisation d’un individu isolé est évidement insuffisante pour faire passer la masse d’individus destinés à faire le passage. Chacun de nous doit trouver le moyen, doit trouver le passage… non pour lui-même, mais pour l’humanité, pour le Divin dans l’humanité.

Notons aussi que, depuis cette extraordinaire vision de 1982, les attaques adverses restent puissamment d’actualité. Toujours, nous sommes découragés d’emprunter ce pont et de faire ce yoga : "Sri Aurobindo, Mère, Satprem, tu n’as que ces mots-là à la bouche, et de toute façon, tu n’y arriveras pas, c’est trop difficile. Et tu te prends pour qui ? Ta quête du surhomme, c’est un truc pour magnifier ton ego et te croire supérieur. D’ailleurs, cette idée d’une nouvelle espèce est une folie, non seulement une folie prétentieuse, mais une folie dangereuse. Etc…" Ces petites voix ironiques et blessantes, parfois très habiles, nous ne les connaissons que trop… et nous les remercions de fortifier notre discernement, notre vigilance, et notre détermination à aller jusqu’au bout.

Le point le plus important de ces extraits est de fixer dans notre conscience l’idée que la jonction est faite. Si elle est faite, nous pouvons l’emprunter. Nous pouvons projeter notre conscience dans ce nouveau monde et y puiser toutes les forces, toutes les énergies, toutes les informations que nous pourrons contenir et ramener. À cet égard, l’Agenda du 2 juin 1962 est très intéressant. Mère raconte une expérience où elle devait traverser une rivière, et il suffisait qu’elle dise, avec sa "Volonté supérieure, une volonté cristalline, claire, impérative : "je veux aller là", et elle y était. Alors que les moyens traditionnels, par exemple avec un bateau, compliquaient tout : non seulement cela ne fonctionnait pas – Mère commençait à s’enfoncer dans l’eau – mais l’eau elle-même devenait trouble. L’utilisation des vieux moyens traditionnels ne nous permet pas de découvrir les nouveaux moyens de la conscience supérieure. Ainsi, nous avons là une occasion d’apprendre à nous servir de notre volonté consciente.

Dans un prochain article, nous aborderons un second point délicat, à savoir que c’est le corps qui est censé faire la jonction.

C'est le corps qui fera le pont. C'est dans le corps qu'est la clef.

Tout le mystère commence là. Satprem – L’espèce nouvelle

Pour le moment – chaque chose en son temps – rassemblons les informations à notre disposition. Satprem attire notre attention sur l’aspiration et Mère sur la volonté vraie. Si déjà, nous comprenions parfaitement bien comment mettre en pratique ces deux forces, nos vies changeraient sensiblement.

Pour le moment, savourons le délice d’être au bord du mystère, peut-être le plus grand des mystères. Reconnaissons la qualité si particulière de ce moment, lorsque nous sommes tout près (et tout prêt) de franchir une porte, la plus énigmatique et la plus merveilleuse des portes.

Pour le moment, souvenons-nous enfin que nos questions sont souvent plus intéressantes que nos réponses. Comment le corps pourrait-il faire le pont ? Comment le corps pourrait-il être la clef ? Laissons ces mystérieuses questions s’imprégner en nous, laissons décanter notre nature, mentale, émotive, sensorielle, et il est possible que nous recevions l’inspiration ou l’intuition de la réponse, avec la force nécessaire pour la mettre en pratique.

Puisse notre conscience devenir vaste et tranquille, claire et limpide, transparente et réceptive à la Lumière divine et à la Grâce de la Mère.

Avec tout mon amour

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
U
MERCI MERCI MERCI MERCI
Répondre