Guérison du mal (2)
Dans l'article Des nazis... aux démons qui pleurent de joie Jean-Dominique Michel termine sa vidéo avec l'épineuse question du mal, et nous pouvons supposer que tant que l'humanité n'aura pas trouvé la solution vraie, la question continuera de se reposer.
Nous pouvons tous par ailleurs aisément remarquer que nombre de journalistes citoyens sont particulièrement doués pour faire une description magistrale des actions perverses des forces obscures, mais lorsqu'il s'agit d'aller plus en profondeur et d'expliquer la véritable nature de ces forces, et d'aborder le remède, les paroles se font singulièrement rares.
Une première possibilité nous est offerte de lire ou relire le chapitre 14 du Livre 2 de La vie divine intitulé "Origine et remède du mensonge, de l’erreur, de l’injustice et du mal".
Livre 2 – Chapitre 14 – Page 637 à 674
Maintenant, si cette lecture d'une haute intellectualité nous rebute, la Mère a trouvé des proposé des réponses très profondes tirées de son expérimentation, et que nous pouvons mettre en pratique.
Je partage ici trois extraits, mais j'invite à lire les textes dans leur intégralité avec les liens dans les sources.
1) Dans l'Agenda du 10 janvier 1961, Mère parle de deux méthodes, négative et positive. La méthode négative se résume par le fait que parler du mal perpétue les vibrations du mal.
Dans la méthode positive, Mère nous invite à "être conscient positivement de la Bonté et de la Beauté suprêmes qui sont derrière toutes choses et qui supportent toutes choses, leur permettent d’exister. Quand vous Le voyez, vous êtes capable de Le percevoir derrière ce masque et cette déformation – même cette laideur, même cette méchanceté, même ce mal est un déguisement de Quelque chose qui est essentiellement beau ou bon, lumineux, pur. Et alors vient la vraie collaboration, parce que, quand vous avez cette vision, cette perception, que vous vivez dans cette conscience, cela vous donne aussi le pouvoir de tirer Ça dans la manifestation, sur la terre, et de Le mettre en contact avec ce qui, pour le moment, déforme et déguise, de telle sorte que, petit à petit, cette déformation et ce déguisement sont transformés par l’influence de la Vérité qui est derrière."
Pour le dire avec d'autres mots, tour l'air autour de nous, tout l'espace autour de nous, c'est l’Omniprésence du Divin, c'est le Brahman, un unique champ d'énergie, une conscience unique, universelle. Peut importe les mots que nous choisissons pour décrire cette Suprême Réalité. Et quoi que nous fassions, le bien ou le mal, nous baignons littéralement dans cet état de conscience infinie qui est aussi pure bonté. Ce n'est que parce que notre organe de perception n'est pas ajusté que nous ne nous en apercevons pas. Mais si au lieu de focalisé notre attention sur le déroulement des événements, nous regardions au-delà et percevions cette pureté infinie, d'après Mère, nous aurions le pouvoir d'attirer cette pureté suprême dans les événements.... et donc d'agir sur eux, de les pacifier, de les purifier. Cela ne vaut-il pas le coup d'essayer ?
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2) Dans l'Agenda du 13 décembre 1969, un autre aspect de la question est proposé, avec une autre solution. Satprem pose cette question :
Alors je voudrais savoir quelle est la clef de la guérison SANS REFOULEMENT ? Parce que, justement, d'habitude, on met la Lumière, et puis le faux mouvement s'enfonce en dessous.
Et Mère de répondre :
Ah ! ça, oui, c'est la règle générale. C'est le contraire qu'il faut ! au lieu de repousser, c'est de l'offrir. C'est de mettre la chose, le mouvement lui-même, de le projeter dans la Lumière... Généralement, il se tortille et il refuse ! Mais... (riant) c'est la seule façon.
[...]
N'est-ce pas, ce qui a produit le refoulement, c'est l'idée du bien et du mal – une espèce de mépris, de honte de ce qui est considéré comme mal –, et alors, on fait comme cela (geste de repousser), on ne veut pas le voir, on ne veut pas le laisser être.
Il faut... La première chose – la première chose à réaliser, c'est que c'est l'infirmité de notre conscience qui fait cette division, et qu'il y a une Conscience (maintenant j'en suis sûre), il y a une Conscience où ça n'existe pas, où ce que nous appelons «mal» est aussi nécessaire que ce que nous appelons «bien», et que si nous pouvons projeter notre sensation – ou notre activité ou notre perception –, la projeter dans cette Lumière-là, c'est ça qui guérit. (1)
Au lieu de refouler ou de rejeter comme une chose que l'on veut détruire (ça ne peut pas se détruire !), il faut le projeter dans la Lumière. Ça, j'ai eu plusieurs jours d'une expérience très intéressante à cause de cela ; justement, au lieu de vouloir rejeter loin de soi certaines choses (que l'on n'admet pas, qui produisent un déséquilibre dans l'être), au lieu de cela : les accepter, les prendre comme une partie de soi-même et... (Mère ouvre les mains) les offrir – elles ne veulent pas être offertes, mais il y a un moyen de les obliger. Un moyen de les obliger : la résistance est diminuée d'autant que nous pouvons diminuer en nous le sens de désapprobation. Si nous pouvons remplacer ce sens de désapprobation par une compréhension supérieure, alors on arrive. C'est beaucoup plus facile.
(1) Note de Satprem :
Lorsque nous avons publié cette partie de la conversation dans les Notes sur le Chemin, Mère a ajouté le commentaire suivant :
"Dans cette Conscience où les deux contraires, les deux opposés, sont joints, tous les deux changent de nature. Ils ne restent pas ce qu'ils sont. Ce n'est pas qu'ils soient joints et qu'ils restent les mêmes : tous les deux changent de nature. Et ça, c'est tout à fait important. Leur nature, leur action, leur vibration sont tout à fait différentes, de la minute où ils sont joints. C'est la séparation qui en fait ce qu'ils sont. Il faut supprimer la séparation, et alors leur nature même change : ce n'est plus le "bien" et le "mal", mais quelque chose d'autre, qui est complet. C'est complet."
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3) L'extrait suivant issu de l'Agenda du 21 janvier 1962 est tout à fait... édifiant !
"Au fond, les hommes se sont toujours pris pour des espèces de victimes harcelées par les forces adverses, et ceux qui sont courageux se battent, les autres se lamentent. Mais de plus en plus, il y a eu une vision très concrète du rôle que jouent les forces adverses dans la création, de leur nécessité pour ainsi dire absolue pour qu'il puisse y avoir le progrès nécessaire afin que la création redevienne son Origine.
Et la vision si claire qu'au lieu de demander la conversion ou l'abolition des forces adverses, c'est sa propre transformation qu'il faut accomplir, pour laquelle il faut prier, qu'il faut effectuer.
Ceci, au point de vue terrestre, je ne me place pas au point de vue individuel ; le point de vue individuel, on le sait, n'est-ce pas, c'est au point de vue terrestre.
[...]
Et ça correspond à un état où l'on s'identifie si parfaitement à tout ce qui est, qu'on devient tout ce qui est anti-divin, d'une façon concrète, et qu'on peut l'offrir – qu'on peut l'offrir, qu'on peut vraiment le transformer par l'offrande.
Au fond, dans les hommes, c'est cette espèce de volonté de pureté, de Bien (qui se traduit dans la mentalité ordinaire par le besoin d'être vertueux) qui est le grand obstacle au vrai don de soi. C'est à l'origine du Mensonge, et surtout c'est la source même de l'hypocrisie : le refus d'accepter de prendre sur soi sa part du fardeau des difficultés. Et c'est cela que Sri Aurobindo a touché dans cet aphorisme, tout droit, d'une façon très simple.
N'essayez pas d'être vertueux. Voyez à quel point vous êtes uni, UN avec tout ce qui est anti-divin, prenez votre part du fardeau, acceptez d'être, vous-même, impur et mensonger, et, comme cela, vous pourrez prendre l'Ombre et la donner. Et dans la mesure où vous êtes capable de la prendre et de la donner, alors les choses changeront. (1)
N'essayez pas d'être parmi les purs. Acceptez d'être avec ceux qui sont dans l'obscurité, et dans un amour total, donnez tout ça.
1. Note de Satprem :
Lorsque nous avons publié partiellement cette conversation dans le Bulletin de l'Ashram, en avril 1962, Mère nous a fait modifier (malgré nos protestations) cette phrase : au lieu de «N'essayez pas d'être vertueux», Elle a mis : «N'essayez pas d'avoir l'air vertueux», et Elle a ajouté : « Il y a un inconvénient. Les gens ne comprennent jamais rien, ou plutôt ils comprennent à leur manière. Ils prendraient ça pour un encouragement à faire des bêtises, à être mauvais, à avoir de mauvais sentiments, et ils diraient : « Nous sommes les préférés du Seigneur ! »...
Tu le souviens, il y a une lettre de Sri Aurobindo comme cela, à des gens qui voulaient faire sortir tout ce qu'il y a de mauvais en eux – il leur a dit que ce n'était pas du tout la manière ! » (Voir en addendum (dans le lien ci-dessous) deux lettres de Sri Aurobindo sur la psychanalyse.)
Sources :
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Face à cette question du mal qui afflige tant l'humanité, nous nous sentons souvent extrêmement dépourvus et désemparés. Nous restons globalement encore très ignorants de ces choses. C'est la raison pour laquelle je voulais attirer l'attention sur ces Agendas, et j'insiste : que nous pouvons apprendre à mettre en pratique.
Tout en rappelant qu'il existe encore d'autres propositions, notamment par rapport à la vibration d'Ordre et d'Harmonie si souvent évoquée (invoquée) par Mère, capable de rétablir bien des désordres.
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Deux jours plus tard, je trouve cet aphorisme de Sri Aurobindo où il est de nouveau question du fardeau du mal :
132 — Quand je ne savais rien, j’abhorrais le criminel, le pécheur et l’impur, parce que j’étais moi-même plein de crimes, de péchés et d’impuretés ; mais quand je fus nettoyé et que mes yeux furent dessillés, alors je m’inclinai en mon esprit devant le voleur et le meurtrier, et j’adorai les pieds de la prostituée ; car je vis que ces âmes avaient accepté le fardeau terrible du mal et drainé pour nous tous la plus grande part du poison bouillonnant de l’océan du monde.
Commentaire de Mère du 14 août 1969:
Pour celui qui a pleinement réalisé que le monde n’est pas autre chose que l’Un Suprême dans Sa manifestation, toutes les notions morales humaines disparaissent nécessairement pour faire place à une vision d’ensemble où toutes les valeurs sont changées — ô combien changées !