La question de l'argent
/image%2F7051723%2F20251006%2Fob_827286_asselineau-dette.png)
Notre dette colossale et ce post d'Asselineau sur X m'a donné envie de rechercher dans l’œuvre de Sri Aurobindo et de Mère quelques textes sur la question de l'agent.
Sri Aurobindo – La Mère – Chapitre 4
L’argent est le signe visible d’une force universelle qui, dans sa manifestation sur la terre, travaille sur les plans vital et physique et est indispensable à la plénitude de la vie extérieure. En son origine et son action vraie, il appartient au Divin. Mais, comme les autres pouvoirs du Divin, il est délégué ici-bas et, dans l’ignorance de la nature inférieure, il peut être usurpé pour les satisfactions de l’ego ou détenu par les influences âsuriques1 et détourné à leurs fins.
1. Titaniques, démoniaques.
C’est vraiment l’une des trois forces – le pouvoir, l’argent et le sexe – qui exercent la plus forte attraction sur l’ego humain et sur l’asura2, et qui sont le plus généralement mal possédées et mal employées par ceux qui les détiennent.
2. Le titan, la force d’obscurité.
Les chercheurs et les détenteurs de la richesse sont plus souvent possédés par elle qu’ils n’en sont les possesseurs ; bien peu échappent entièrement à une certaine influence déformante qui a été empreinte sur cette richesse par sa longue capture et sa perversion par l’asura. Pour cette raison, la plupart des disciplines spirituelles insistent sur le complet contrôle de soi, sur le détachement et le renoncement à tous les liens de la richesse et à tout désir personnel et égoïste de la posséder. Quelques-unes même bannissent l’argent et la richesse et déclarent qu’une vie pauvre et nue est la seule condition spirituelle. Mais c’est là une erreur qui laisse le pouvoir aux mains des forces hostiles. Reconquérir l’argent pour le Divin, à qui il appartient, et l’utiliser divinement pour la vie divine, telle est la voie supramentale pour le sâdhak.
Il ne faut ni vous détourner avec une répugnance ascétique du pouvoir de l’argent, des moyens qu’il donne et des objets qu’il apporte, ni entretenir un attachement râjasique1 pour ces choses ou un esprit de complaisance qui rend esclave des satisfactions qu’elles donnent. Regardez les richesses simplement comme une puissance qui doit être reconquise pour la Mère et mise à son service.
1. vital, passionné.
Toutes les richesses appartiennent au Divin, et ceux qui les détiennent en sont les dépositaires et non les possesseurs. Elles sont avec eux aujourd’hui ; demain elles peuvent être ailleurs. Tout dépend de la manière dont ils s’acquittent de leur charge tant qu’elle leur est confiée, et dans quel esprit, avec quelle conscience ils s’en servent et à quelles fins.
Dans votre usage personnel de l’argent, considérez tout ce que vous avez, gagnez ou apportez, comme appartenant à la Mère. Ne lui demandez rien, mais recevez ce qui vous vient d’elle et utilisez-le aux fins pour lesquelles cela vous est donné. Soyez entièrement désintéressé, entièrement scrupuleux, exact, soigneux dans les détails : un bon gardien. Souvenez-vous toujours que ce sont les possessions de la Mère et non les vôtres que vous administrez. D’autre part, tout ce que vous recevez pour elle, placez-le religieusement devant elle ; n’utilisez rien pour vous ni pour les desseins de quelqu’un d’autre.
N’ayez pas de respect pour un homme parce qu’il est riche et ne vous laissez pas impressionner par l’ostentation, le pouvoir ou l’influence. Quand vous demandez pour la Mère, vous devez sentir que c’est elle qui demande à travers vous un tout petit peu de ce qui lui appartient, et que celui à qui vous demandez sera jugé par sa réponse.
Si vous êtes libre de la souillure de l’argent, mais sans aucun recul ascétique, vous aurez un plus grand contrôle sur l’argent pour l’œuvre divine. L’égalité mentale, l’absence d’exigence et la complète consécration à la Shakti divine et à son œuvre, de tout ce que vous avez et recevez et aussi de votre pouvoir d’acquisition, sont les signes de cette liberté. Tout trouble de la pensée vis-à-vis de l’argent et de son usage, toute exigence, tout regret, est un sûr indice d’une imperfection ou d’un attachement quelconque.
En cette matière, le sâdhak idéal est celui qui peut vivre pauvrement si c’est nécessaire, sans qu’aucun sentiment de manque ne l’affecte ni ne dérange la plénitude du jeu intérieur de la conscience divine ; et si c’est nécessaire, vivre richement aussi sans jamais, à aucun moment, tomber dans le désir ou l’attachement à sa richesse ou aux choses dont il se sert, ni dans la servitude de la satisfaction de ses propres plaisirs, ni dans le lien de faiblesse des habitudes créées par la possession des richesses. La volonté divine et l’Ânanda divin sont tout pour lui.
Dans la création supramentale, la force de l’argent doit être restituée à la puissance divine et employée à l’organisation et à l’équipement vrais, beaux et harmonieux d’une existence vitale et physique nouvelle, divinisée, selon que la Mère Divine elle-même en décidera dans sa vision créatrice. Mais d’abord, il faut que la force de l’argent soit reconquise pour elle, et seront les plus forts pour cette conquête, ceux qui, en cette partie de leur nature, sont fermes, larges, libres de l’ego et consacrés sans la moindre revendication, réserve ni hésitation : de purs et puissants canaux de la Puissance suprême.
Agenda du 6 janvier 1955
Un jour viendra où, enfin libérées de la domination des forces antidivines, toutes les richesses de ce monde se donneront spontanément et totalement au service de l’Œuvre divine sur la terre.
/image%2F7051723%2F20251006%2Fob_85783b_premier-mouvement-des-richesses-vers-l.jpg)
Le signe certain de la conversion.
Agenda sans date de 1958
(A propos des Finances1)
L’argent est une force et ne devrait pas être une possession individuelle, pas plus que l’air, l’eau ou le feu. Abolition, pour commencer, de l’héritage.
La puissance financière est la matérialisation d’une force vitale qui se transforme en un des plus grands pouvoirs d’action : le pouvoir d’attirer, d’acquérir et d’utiliser.
Comme tous les autres pouvoirs, il doit être mis au service du Divin.
1. Note manuscrite de Mère. Ce titre a été donné par Mère.
🔥
Souvenons-nous du premier paragraphe de Sri Aurobindo sur l'argent :
L’argent est le signe visible d’une force universelle qui, dans sa manifestation sur la terre, travaille sur les plans vital et physique et est indispensable à la plénitude de la vie extérieure. En son origine et son action vraie, il appartient au Divin. Mais, comme les autres pouvoirs du Divin, il est délégué ici-bas et, dans l’ignorance de la nature inférieure, il peut être usurpé pour les satisfactions de l’ego ou détenu par les influences âsuriques et détourné à leurs fins. C’est vraiment l’une des trois forces – le pouvoir, l’argent et le sexe – qui exercent la plus forte attraction sur l’ego humain et sur l’asura, et qui sont le plus généralement mal possédées et mal employées par ceux qui les détiennent.
Et un peu plus loin, pour la troisième fois en quelques lignes, Sri Aurobindo établit le lien entre l'argent et l'Asura : bien peu échappent entièrement à une certaine influence déformante qui a été empreinte sur cette richesse par sa longue capture et sa perversion par l’asura.
Dans l'Agenda suivant, la Mère raconte une expérience qui montre cette relation occulte entre l'argent et les forces démoniaques.
Agenda du 6 juillet 1958
Je me suis posé la question ce matin : l’argent est-il vraiment sous le contrôle de la Nature ? Il faudra que je regarde... Parce que, pour moi personnellement, elle me donne toujours tout à profusion.
Quand j’étais jeune, j’étais tout à fait «dans la purée», tout ce qu’il y a de plus purée ! Artiste, quelquefois j’étais obligée d’aller dans le monde (les artistes sont obligés), j’avais des bottines vernies qui étaient craquées... et je les peignais pour que ça ne se voie pas ! C’est te dire l’état dans lequel on était : la vraie purée. Alors, un jour, à la devanture d’une boutique (c’était la mode des grandes jupes longues qui traînaient par terre, et je n’avais pas de jupon qui puisse aller avec des choses comme cela – je m’en moquais, cela m’était tout à fait égal, mais puisque la Nature m’avait dit que j’aurais toujours tout ce dont j’aurais besoin, je voulais faire une expérience). J’ai vu à la devanture d’un magasin un très joli jupon à la mode de ce temps-là, avec des dentelles, des rubans, etc., et j’ai dit : «Tiens, j’aimerais bien avoir un jupon pour aller avec ces robes.» J’en ai eu cinq ! C’est arrivé de tous les côtés !
C’est comme cela. Je ne demande jamais rien, mais si, par hasard, je me dis : «Tiens, ça, ce serait bien à avoir», ça arrive en montagnes ! Alors l’année dernière, j’ai fait l’expérience, j’ai dit à la Nature : «Écoute, mon petit, tu dis que tu collabores, tu m’as dit que je ne manquerais jamais de rien, eh bien, je me place sur le terrain du sentiment : j’aurais vraiment une espèce d’amusement, de joie (à la manière de la joie de Krishna) à avoir beaucoup d’argent pour pouvoir faire tout ce que j’ai envie de faire. Ce n’est pas que je veuille augmenter les choses pour moi, non, tu me donnes plus que je n’en ai besoin, mais c’est pour m’amuser, pour pouvoir donner librement, faire librement, dépenser librement – je te demande pour mon «birthday» (anniversaire) donne-moi un crore de roupies ! »1
1. Un crore = dix millions.
Elle n’a rien fait ! Rien, absolument rien : un refus complet. Est-ce qu’elle a refusé ou est-ce qu’elle ne peut pas ? Peut-être que... J’ai toujours vu que l’argent était sous le contrôle d’une force asourique (je parle des espèces, du «cash» ; je ne veux pas faire des affaires ; si j’essaie une affaire, généralement ça réussit très bien, mais ce n’est pas cela, je parle des espèces). Je ne lui ai jamais posé la question.
N’est-ce pas, c’était comme cela : il y a ce Ganesh2...
2. Ganesh: un dieu à tête d’éléphant, fils de Parvati, la Mère divine.
Nous avions une méditation (il y a de cela plus de trente ans) dans la salle où l’on fait la distribution de « Prospérité »3, nous étions huit ou dix, je crois ; on faisait des phrases avec des fleurs : je mettais des fleurs et chacun faisait une phrase avec les différentes fleurs que j’avais mises, et un jour qu’il était question de prospérité, ou de richesse ou de je ne sais quoi, j’ai pensé (on dit toujours que Ganesh est le dieu de l’argent, de la fortune, des biens de ce monde), j’ai pensé : « Ce dieu avec une trompe d’éléphant, toute cette histoire, est-ce que ce n’est pas de l’imagination humaine ?» Là-dessus, on médite, et voilà que je vois entrer et s’installer en face de moi un être vivant, absolument vivant et lumineux, avec la trompe comme ça... et souriant ! Alors moi, dans ma méditation, je dis : «Ah! c’est donc vrai que tu existes !» – «Naturellement que j’existe ! et tu n’as qu’à me demander tout ce que tu veux, au point de vue argent bien entendu, je te le donnerai.»
3. La salle où chaque mois Mère distribue aux disciples ce dont ils ont besoin pour le mois.
J’ai demandé, et pendant à peu près dix ans, c’est venu comme cela (geste à flots). C’était épatant. Je demandais, et au Darshan suivant, ou un mois après, ou quelques jours après (cela dépendait), ça venait.
Et puis la guerre est arrivée et toutes les difficultés, et cette augmentation formidable des gens et des dépenses (la guerre a coûté les yeux de la tête : n’importe quoi coûtait dix fois plus qu’avant), et tout d’un coup, fini, plus rien. Pas exactement plus rien, mais un petit filet maigrelet. Et quand je demandais, ça ne venait pas. Alors un jour, j’ai interviewé Ganesh à travers son image (!) et je lui ai dit : «Et ta promesse ?» – «Je ne peux pas faire ça, c’est trop pour moi, mes moyens sont très limités !» Ah! je me suis dit : (riant) ça, c’est de la déveine ! Et je ne comptais plus sur lui.
Une fois, quelqu’un a même demandé au Père Noël ! C’était une jeune fille qui était musulmane et qui avait une sympathie spéciale pour «Father Christmas» (je ne sais pas pourquoi, ça ne faisait pas partie de sa religion !) Sans rien me dire, elle a appelé le Père Noël et elle lui a dit : «Mère ne croit pas en toi, tu dois lui faire un cadeau pour lui prouver que tu existes. Pour Noël, tu lui donneras ça.» C’est arrivé !... Elle était très fière.
Mais c’était seulement une fois comme cela ; et Ganesh, fini. Alors, après, j’ai demandé à la Nature. Ça a été long jusqu’à ce qu’elle accepte de collaborer. Mais l’argent, il faudra que je lui pose la question. Parce que pour moi personnellement, ça continue. Je pense : «Tiens, si j’avais une montre comme ça, ce serait bien.» J’en ai vingt ! Je me dis : «Tiens, si j’avais ça là.» J’en ai trente ! Et ça vient de tous les côtés, sans que je parle – je ne demande pas : ça vient.
La première fois que je suis venue ici et que je parlais avec Sri Aurobindo de ce qu’il fallait faire pour l’Œuvre, il m’a dit (il me l’avait écrit aussi) que l’on devait avoir trois pouvoirs pour être sûr de réaliser l’Œuvre. L’un, c’était le pouvoir sur la santé ; le second, c’était le pouvoir sur le gouvernement; et le troisième, c’était le pouvoir sur l’argent.
La santé, naturellement cela dépend de la sâdhanâ ; et encore ce n’est pas sûr : il y a autre chose. Le second, le pouvoir sur le gouvernement, Sri Aurobindo a bien regardé, étudié, considéré, et finalement il m’a dit : «Il n’y a qu’une seule façon d’avoir ce pouvoir-là, c’est d’être le gouvernement. On peut influencer des individus, on peut leur passer la volonté, mais eux sont liés. Dans un gouvernement, il n’y a pas un individu, ni même plusieurs qui soient tout-puissants et qui puissent décider des choses. Il faut être soi-même le gouvernement et lui donner l’orientation voulue.»
Le dernier, l’argent, il m’a dit : «Je ne sais pas encore exactement de quoi cela dépend.» Alors un jour je suis entrée en transe avec cette idée, et après un certain voyage, je suis arrivée à un endroit qui était comme une grotte souterraine (c’est-à-dire au moins dans le subconscient, peut-être même dans l’inconscient), qui était la source, le lieu et le pouvoir sur l’argent. J’allais entrer dans cette grotte (une sorte de cave intérieure), lorsque je vois, lové devant et dressé comme ça, un immense serpent, comme un python tout noir, formidable, grand comme une maison à sept étages et qui me dit : «Tu ne peux pas passer !» – «Pourquoi, laisse-moi passer.» – «Moi je te laisserais passer, mais si je le faisais, “ils” me détruiraient immédiatement.» – «Qui est donc ce “ils”?» – «Ce sont les puissances asouriques4 qui dominent l’argent. Elles m’ont mis là pour garder l’entrée, justement pour que tu ne puisses pas entrer.»
4. Les asoura sont les démons ou forces obscures du plan mental.
– «Et qu’est-ce qui fait qu’on pourrait avoir le pouvoir ?»
Alors il m’a dit quelque chose qui reviendrait à ceci :
«J’ai entendu dire (c’est-à-dire que ce n’était pas une connaissance qu’il avait mais quelque chose qu’il avait entendu dire par ses maîtres, ceux qui le dominaient), j’ai entendu dire que celui qui aura le pouvoir total sur les impulsions sexuelles humaines (non pas en lui, mais un pouvoir général, c’est-à-dire qu’il pourra les contrôler partout, chez tous les hommes), celui-là aura le droit d’entrer.»
C’est-à-dire que ces forces ne pourront pas l’empêcher d’entrer.
Une réalisation personnelle, c’est très facile, ce n’est rien du tout ; mais entre la réalisation personnelle et le pouvoir qui contrôle ça chez tous les hommes, c’est-à-dire qu’à volonté on peut contrôler, dominer ces mouvements-là partout – je crois que ça... la condition n’est pas remplie.
Si ce que le serpent a dit était exact et si c’est vraiment la chose qui vaincra les forces adverses qui dominent l’argent, eh bien, ce n’est pas rempli.
Dans une certaine mesure, ce n’est pas tout à fait absent – mais ce n’est rien. C’est conditionné, c’est limité : dans un cas, ça fonctionne ; dans un autre cas, ça ne fonctionne pas. C’est tout à fait aléatoire. Et naturellement, quand ce sont des choses terrestres (je ne dis pas universelles, mais enfin terrestres), quand c’est une chose terrestre comme cela, il faut qu’elle soit complète ; il ne faut pas des à-peu-près.
Alors, dans ce cas, c’est une affaire entre les Asoura et l’espèce humaine. Se transformer, c’est la seule chose qu’elle puisse faire, c’est-à-dire enlever aux forces asouriques le pouvoir de la dominer.
N’est-ce pas, l’espèce humaine fait partie de la Nature, mais comme Sri Aurobindo l’a expliqué, à partir du moment où le mental s’est exprimé dans l’homme, cela l’a mis dans une relation avec la Nature très différente de la relation qu’ont avec elle toutes les espèces inférieures.
Toutes les espèces inférieures jusqu’à l’homme sont complètement sous la domination de la Nature ; elle leur fait faire tout ce qu’elle veut : ils ne peuvent rien faire sans sa volonté.
Tandis que l’homme commence à agir et vivre d’égal à égal ; d’égal à égal, pas dans la puissance mais au point de vue de la conscience (ça commence puisque l’homme est capable d’étudier et de trouver les secrets de la Nature). Il ne lui est pas supérieur, très loin de là, mais il est sur un plan d’égalité. Et alors il a eu – ça, c’est un fait –, il a eu un certain pouvoir d’indépendance qu’il a utilisé immédiatement pour se mettre sous l’influence des forces adverses, qui ne sont pas terrestres, qui sont extra-terrestres.
N’est-ce pas, je parle de la Nature terrestre, et par ce pouvoir mental, ils ont eu le choix et la liberté de faire des pactes avec les forces vitales qui sont extra-terrestres.
Il y a tout un monde vital qui n’a rien à voir avec la terre, qui est tout à fait indépendant, qui est antérieur à l’existence de la terre et qui a son existence propre, alors ils ont fait descendre ça ici ! Ils ont fait... ce que nous voyons ! Et dans ce cas-là... C’est ce que la Nature terrestre m’a dit, elle m’a dit : «Ça échappe à mon contrôle.»
Alors avec tout cela, Sri Aurobindo est arrivé à la conclusion qu’il n’y aurait que la puissance supramentale qui... (Mère abat ses mains), comme il le dit : qui dominera tout. Et alors là, c’est fini – y compris la Nature.
Pendant longtemps, n’est-ce pas, la Nature s’est révoltée (je l’ai écrit bien des fois) et elle disait : «Mais pourquoi es-tu si pressée pour ces choses ? Ça se fera un jour.» Mais alors l’année dernière, il y a eu cette expérience extraordinaire.5
5. Expérience de la collaboration de la Nature, 7 novembre 1957.
Et c’est parce qu’il y avait eu cette expérience que je lui ai dit : «Eh bien, maintenant que nous sommes d’accord, donne-moi une preuve, je te demande une preuve : fais ça.» Elle n’a pas bougé, absolument pas.
C’est peut-être une sorte de... on ne peut guère parler d’intuition, mais de divination de cela qui faisait dire : «Vendre son âme au diable pour de l’argent», et que l’argent était une force mauvaise, et qu’il y avait ce recul de tous les gens qui voulaient la vie spirituelle – mais ça, ils se reculaient de tout, pas seulement de l’argent !
Il faudrait, peut-être pas avoir ce pouvoir sur tous les hommes, mais qu’il soit suffisant en tout cas pour que cela agisse sur la masse.
Il est probable qu’il y a un degré de maîtrise d’un certain mouvement qui fait que ce que la masse fait ou ne fait pas (toute cette masse humaine qui est à peine, à peine émergée à la conscience mentale), cela n’a aucune importance. N’est-ce pas, c’est encore sous le grand gouvernement de la Nature.
C’est de l’humanité mentale qu’il s’agit, vraiment mentale, qui a développé le mental et qui s’en est mal servi, qui a commencé tout de suite par aller dans le mauvais chemin – première chose.
Il n’y a rien à dire puisque les forces divines émanées pour la Création, la première chose qu’elles aient faite est d’aller dans le mauvais chemin !6 C’est l’origine, le germe, de ce merveilleux esprit d’indépendance, c’est-à-dire la négation du surrender (soumission). L’homme a dit : «J’ai le pouvoir de penser, j’en fais ce que je veux et personne n’a le droit d’intervenir. Je suis libre, je suis un être indépendant, in-dé-pen-dant !» Alors voilà où l’on en est : nous sommes tous des êtres indépendants !
6. En effet, selon la tradition, les premières forces divines émanées pour la création furent les Asoura, qui devinrent les démons. Les dieux furent créés après pour réparer le désordre engendré par les démons.
Mais, n’est-ce pas, je regardais hier (avec tous ces mantra et ces prières et toute cette vibration qui est descendue dans l’atmosphère et qui fait que l’atmosphère est dans un état de constant appel), et je me souvenais d’anciens mouvements, et comme tout a changé maintenant ! Et je pensais aussi aux vieilles disciplines, dont l’une est : « Je suis Cela. »7 On faisait asseoir les gens en méditation et on leur faisait répéter : «Je suis Cela» pour arriver à l’identification.
7. So’ham, le mantra traditionnel de la voie védantique qui proclame l’illusion du monde.
Et tout cela me paraissait si périmé, et si enfantin ! et en même temps faisant partie du tout. Je regardais et il me semblait que c’était tellement ridicule de s’asseoir en méditation et de dire : «Je suis Cela» ! «Je», qu’est-ce que c’est que ce «je» qui est Cela ; qu’est-ce que c’est que ce «je», où est-il ?... Je le cherchais, et je voyais un tout petit point microscopique (il fallait presque des instruments formidables pour le voir), un tout petit point obscur, dans une immensité de Lumière, et ce petit point c’était ce corps.
En même temps – c’était tout à fait simultané –, je voyais la Présence du Suprême comme un Être très, très, très, très immense, n’est-ce pas, dans lequel j’étais dans une attitude de... («je», la sensation, n’est-ce pas), j’étais dans une attitude (geste d’abandon) comme ça. Il n’y avait pas de limites, et en même temps on avait la joie d’être pénétré, d’être enveloppé et de pouvoir s’élargir, s’élargir, s’élargir indéfiniment – s’élargir dans tout l’être, depuis la conscience la plus haute jusqu’à la conscience la plus matérielle.
Et puis, en même temps, regarder ce corps et voir vibrer dans chaque cellule, chaque atome, une Présence divine radiante, avec toute sa Conscience, tout son Pouvoir, toute sa Volonté, tout son Amour – tout, tout, n’est-ce pas –, et une joie ! une joie extraordinaire.
Et l’un ne dérangeait pas l’autre et rien n’était contradictoire et tout se sentait en même temps.
Et alors c’est là que j’ai dit : «Voilà ! il faut que ce corps ait eu l’entraînement qu’il a eu depuis quelque chose comme soixante-dix ans, même davantage, pour pouvoir supporter tout cela sans se mettre à crier, à danser, à sauter, à rire, à faire tout ça !» Non, il était tranquille (il était exultant mais il était très tranquille), et il avait encore le contrôle de ses gestes, de ses paroles. Et malgré le fait qu’il vivait vraiment dans un autre monde, il pouvait agir normalement, en apparence, à cause de ce dressage de contrôle de la raison – de la raison – sur tout l’être, qui l’a maté et qui lui a donné un pouvoir cohésif si grand que je surs dans l’expérience, je vis cette expérience, et en même temps je peux répondre avec le plus aimable des sourires à la plus imbécile des questions !
Et alors, ça se termine toujours comme cela, par un cantique d’action de grâce : «Ah ! Seigneur, Tu es vraiment merveilleux ! Toutes les expériences par lesquelles il était nécessaire que je passe, Tu me les as données, toutes les choses qu’il fallait que je fasse pour que ce corps soit prêt, Tu me les as fait faire, et toujours avec le sentiment que c’était Toi qui le faisait faire» – et avec la désapprobation générale de toute l’humanité bien pensante !
/image%2F7051723%2F20251006%2Fob_8c8568_argent.jpg)
Multiple et blanche, elle aspire à la spiritualité.
Agenda du 4 octobre 1958
(Vers la fin de l’entrevue, à propos de l’argent :)
L’argent appartient à celui qui le dépense, c’est une règle absolue. Vous pouvez entasser de l’argent, il ne vous appartient pas, jusqu’au moment où vous le dépensez. Alors vous avez le mérite, la gloire, la joie, le plaisir de le dépenser !
L’argent est fait pour circuler. Ce qui doit demeurer, c’est le mouvement progressif d’accroissement de la production terrestre – ce mouvement progressif qui va s’amplifiant, s’amplifiant, d’accroissement de la production terrestre et de progrès de l’existence terrestre. Le progrès matériel de vie terrestre et l’accroissement de production terrestre, c’est cela qui doit aller en s’amplifiant, en grossissant, mais pas cette espèce de papier ou de métal inerte qu’on entasse et qui ne vit pas.
L’argent ne doit pas produire de l’argent : l’argent doit produire un accroissement de production, une amélioration de condition de vie et un progrès humain de conscience. C’est à cela qu’il doit servir. Ce que l’on appelle amélioration de conscience, progrès de la conscience, c’est tout ce que peut donner toute l’éducation sous toutes ses formes – pas telle qu’on la comprend, mais telle que nous la comprenons : l’éducation d’art, l’éducation de... depuis l’éducation corporelle, de progrès le plus matériel, jusqu’à l’éducation spirituelle de progrès du yoga ; toute la ligne, tout ce qui conduit l’humanité vers sa réalisation future. L’argent doit servir à augmenter cela, et à augmenter la base matérielle de progrès de la terre, la meilleure utilisation de ce que la terre peut donner – l’utilisation intelligente, pas l’utilisation qui gaspille et qui perd les forces. L’utilisation qui permet aux énergies de se récupérer.
Il y a, dans l’univers, une source inépuisable d’énergies qui ne demandent qu’à se récupérer ; si vous savez faire les choses comme il faut, elles se récupèrent. Au lieu de drainer la vie et les énergies de votre terre et d’en faire quelque chose de desséché et d’inerte, il faut savoir faire l’exercice nécessaire pour que l’énergie se récupère, tout le temps. Et ce ne sont pas des mots : je sais comment il faut que ce soit fait, et la science est en train de le trouver parfaitement – elle l’a trouvé admirablement. Mais au lieu d’utiliser cela pour satisfaire les passions humaines, au lieu d’utiliser ce que la science a trouvé pour que les hommes puissent se détruire un petit peu mieux qu’ils ne le font, il faut utiliser cela pour enrichir la terre: enrichir la terre, rendre la terre de plus en plus riche, active, généreuse, productrice et que toute la vie aille croissant vers son maximum d’efficacité. Voilà à quoi sert l’argent. Et s’il n’est pas utilisé comme cela, c’est un vice – un «court-circuit» et un vice.
Mais combien savent l’utiliser comme cela ? Bien peu, et c’est pour cela qu’il faut leur apprendre. Ce que j’appelle apprendre c’est montrer, donner l’exemple. Nous voulons être l’exemple de la vraie vie dans le monde. C’est un défi que je lance à tous les grands financiers : je leur dis qu’ils sont en train de dessécher et de ruiner la terre avec leur système idiot, et qu’avec moins même qu’ils ne dépensent maintenant pour des choses inutiles – et surtout pour gonfler quelque chose qui n’a pas de vie propre, qui ne doit être qu’un instrument pour la vie, qui n’a pas de réalité en soi, qui n’est qu’un moyen et pas une fin (ils font une fin de quelque chose qui n’est qu’un moyen), eh bien, au lieu d’en faire une fin, il faut qu’ils en fassent un moyen, et avec ce qu’ils ont ils pourraient... oh ! si vite transformer la terre, la transformer, la mettre en rapport, vraiment en rapport avec les forces supramentales qui font que la vie sera généreuse et, n’est-ce pas, constamment renouvelée au lieu de se dessécher, de piétiner, de se recroqueviller – de devenir une lune future. Une lune morte.
On nous dit que dans quelques milliards de milliards d’années, la terre sera devenue une sorte de lune. Il faut que le mouvement soit opposé, que la terre devienne de plus en plus comme un soleil resplendissant, mais un soleil de vie. Pas un soleil qui brûle : un soleil qui éclaire – une gloire rayonnante.
🔥
Agenda du 11 septembre 1965
Auront-ils [les Indiens] le courage de résister à la pression des Américains, des Anglais, etc.? C'est cela, le plus difficile. Le plus difficile, ce n'est pas militairement, c'est politiquement de résister aux pressions de tous ces gens qui disent : «Il faut faire la paix.»
Mais ils ne sont pas sincères.
C'est cela, le malheur, il n'y a aucune de ces nations qui soit sincère. Ils prétendent, ils prennent une attitude, mais ce n'est pas vrai.
On dit (on dit beaucoup de choses, mais il y a toujours quelque chose de vrai qui est déformé), on dit que, extérieurement, l'Amérique prêche la paix, mais que, en dessous, elle offre de l'argent aux gens qui déclarent la guerre à certains gouvernements. Je ne sais pas si c'est vrai... Il doit y avoir quelque chose de vrai. Le nouveau Président de je ne sais plus quel pays (le Vietnam, je crois) a fait une déclaration publique disant que l'Amérique lui avait offert des sommes fantastiques pour qu'il prenne parti – est-ce vrai ? n'est-ce pas vrai ? on ne sait pas. Tout le monde dit des mensonges, mais derrière tous ces mensonges, il y a quelque chose.
🔥
Agenda du 15 avril 1967
Que la Force travaille, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, et que ce soit le résultat de l'action de cette Force, cela ne fait pas non plus l'ombre d'un doute.
Il y a d'autres exemples qui sont très intéressants. Il y a un Birman (peut-être le sais-tu ?) qui vient d'avoir un «prix de la paix» et il a écrit un article (c'est un Birman, je ne sais pas dans quelle langue il l'a écrit, mais ça a paru en français dans un journal suisse) où il dit la chose que tout le monde sait, mais enfin que tout le monde oublie aussi : que tout l'argent gaspillé à préparer des moyens de destruction, si on l'employait pour le progrès du bien-être humain, on pourrait réaliser des merveilles. Et alors, il ajoute (je ne peux pas le citer exactement) : pour que cela puisse se faire, il faudrait que les hommes – les nations et les hommes ? – cessent de se méfier les uns des autres, de se craindre, et que l'on vive dans le sens de l'unité. Et il dit : si, pour cela, il faut que la nature humaine change, il est grand temps qu'elle change et nous devons tous travailler à ce qu'il en soit ainsi.
Je suis extrêmement heureuse d'entendre cela. C'est un homme qui a attrapé la vraie chose1.
Et ça commence à se répandre. En Corée aussi, il y a un homme qui dit la même chose et qui est connu de milliers de gens. Ils demandent tous le changement de la nature, une «nouvelle conscience».
(long silence)
1. Il s'agit de U. Thant, le secrétaire général de l'O.N.U. : NATIONS UNIES, 10.4.67 –
«Le fait qu'une fraction des sommes qui vont être dépensées dans le monde pour les armements en 1967 pourrait financer les programmes économiques et sociaux, nationaux et mondial, dans une mesure jusqu'à présent inimaginable, est une notion à la portée de l'homme de la rue. Or, les hommes sont désormais en mesure, s'ils s'unissent, de prévoir et dans une certaine mesure de déterminer l'avenir du développement humain. Ce n'est toutefois possible que si nous cessons de nous craindre et de nous harceler les uns les autres et si, ensemble, nous acceptons, accueillons et préparons les changements qui doivent inévitablement se produire. Si cela signifie un changement de la nature humaine, eh bien il est grand temps d'y travailler ; ce qui doit certainement changer, ce sont certaines attitudes et habitudes politiques de l'homme.»
(Journal La Suisse, Genève, 10.4.67)
🔥
Agenda du 14 février 1968
(À propos de certains disciples qui justement, aujourd'hui, dirigent les affaires de l'Ashram.)
... Mais c'est très-très instructif. C'est-à-dire que ce n'est pas que cela m'apprenne quelque chose, mais c'est le tableau tout à fait clair, précis, évident, que c'est l'homme qui crée toutes ses difficultés. Les choses seraient simples et faciles s'il n'y avait pas toutes ces réactions d'ego : réactions d'ambition, réactions d'amour-propre – et alors la fourberie, quand elle vient (geste en dessous)...
Oui, ces trois choses-là : ambition, avec besoin de paraître, besoin de dominer ; amour-propre ou vanité (être vexé quand on n'est pas apprécié à sa vraie valeur, alors on se fâche et on se querelle, et on grince et on tire) ; et puis, la soif de l'argent, greed, le désir de posséder, la cupidité ; on veut «profiter», profiter de l'occasion : je veux gagner, je veux gagner... Avec ces trois-là, tout est embrouillé.
Tant que tout cela s'étale avec candeur et franchise, on sourit, mais quand ça devient de la duplicité : se servir de toutes sortes de trucs dans l'espoir de tromper, cacher son mobile, en faire croire à un autre et... des combinaisons. Alors, ça ne va plus. Et alors immédiatement, immédiatement tout se désorganise.
N'est-ce pas, des preuves, des preuves évidentes, il faut être absolument aveugle pour ne pas le voir. Et l'aveuglement est volontaire : on ne veut pas savoir la cause, on ne tient pas du tout à savoir... parce que si l'on savait, on serait obligé de changer.
Tout de suite, tout de suite tout se désorganise.
Ah ! (Mère lève les deux mains vers le haut en geste d'offrande.)
C'est beaucoup plus facile de dire et de croire que le monde ne peut pas être changé et qu'il faut le laisser à sa propre décomposition – s'en aller tranquillement. Comme c'est commode!... Comme c'est commode.
🔥
Agenda du 8 février 1969
(Le disciple lit :)
«À Auroville, on ne gagnera pas d'argent ; on ne travaillera pas pour gagner de l'argent...
C'est déjà descendu comme ça (geste par terre).
Alors :
«Si l'on monte une entreprise, les profits ou les productions de cette entreprise iront à la ville...
Ce n'est pas comme ça – ce n'est pas comme ça ! Non, ça ne sert à rien.
«... Chacun devra fournir un travail pour la collectivité selon ses possibilités et ses aspirations – jamais pour obtenir de l'argent, mais pour servir la collectivité. En échange, chacun recevra ce dont il a besoin pour vivre. Il n'est pas du tout question de donner à tous la même chose, chacun recevra ce dont sa vraie nature a besoin. Ce sera évidemment très difficile à déterminer et il faudra, au centre d'Auroville, une réunion de sages...
(Mère sourit)
«... pour décider des besoins de la vraie nature de chacun. Les travailleurs vivront dans un village conçu pour eux afin qu'ils se trouvent dans leur atmosphère. Selon le travail qu'ils auront fourni, ils recevront des bons avec lesquels ils devront obtenir... etc.»
🔥
Dans l'extrait suivant, Mère parle d'une Nouvelle Conscience descendue en 1969 sur terre pour aider les hommes et l'humanité à évoluer. Cette Conscience Nouvelle est entre autre servir d'intermédiaire entre la conscience des hommes et la Conscience Supramentale. En 1982, quand Saptrem commença lui-même le travail de transformation dans son corps, il évoqua lui aussi dans ses Carnets d'une Apocalypse cette Nouvelle conscience.
Agenda du 3 mai 1969
Cette Conscience est très intéressante. Elle a (souriant)... ce n'est pas un mépris, c'est une sorte d'indifférence lointaine pour toutes les idées humaines – toutes les conventions, tous les principes, toutes les moralités, tout cela... ça lui paraît absolument grotesque. De temps en temps, elle est mise en contact avec les idées humaines (Mère prend un ton étonné) : «Aah! ils pensent que...» C'est amusant !
Il y a deux choses. D'abord, elle ne comprend pas du tout ce que nous voulons dire, l'importance que nous donnons (ça, pas du tout) à l'argent ; pour cette conscience, c'est une bouffonnerie; l'argent, ce système, avoir inventé ce système-là, que l'on ne peut pas faire quelque chose sans tirer un billet, vraiment c'est pour elle une bouffonnerie.
C'est drôle, je m'aperçois tout d'un coup que l'être psychique (geste dominant, derrière)... l'être psychique, il est presque comme un témoin, il assiste à toute l'évolution des choses et il sait (il comprend les raisons profondes, il sait comment les choses sont) ; et c'est dans le corps que cette Conscience est tellement active, et alors chaque fois que le corps continue les petites habitudes du temps où il y avait un mental, un vital, vraiment ça lui paraît une bouffonnerie.
Et l'attitude vis-à-vis de l'argent, c'est comme...
La mort, la nourriture et l'argent, cette Conscience a l'impression que ce sont les trois choses qui sont «formidables» dans la vie humaine, que la vie humaine tourne autour de ces trois choses – manger, (riant) mourir et avoir de l'argent –, et les trois, pour elle, ce sont... ce sont des inventions passagères qui sont le résultat d'un état qui est tout à fait transitoire et qui ne correspond pas à quelque chose de très profond ni de très permanent.
Voilà son attitude. Et alors, elle apprend au corps à être autrement.
🔥
Agenda du 10 mai 1969
Tu n'as rien à dire ?... Moi, je crois que j'avais quelque chose ; je ne me souviens plus au milieu de tout cela.
Oh ! mais il y a vraiment une Grâce qui agit ici constamment pour garder... au moins une harmonie d'apparence, autrement il y a des choses...
Et alors, cette Conscience, il y a deux choses qui semblent la tirer : c'est l'argent et le... (Mère passe sa main sur son front comme si elle avait oublié)... Ah ! c'est parti – elle ne veut pas que je le dise.
La politique ?
Non. Ça, la politique, elle m'a fourrée dedans, en plein ! On m'a demandé de choisir le Président pour remplacer celui qui vient de mourir1! Et le plus beau de l'affaire, c'est qu'elle suggère immédiatement ce qu'il faut faire... On verra.
1. Zakir Hussain, décédé le 3 mai.
Mais vis-à-vis de l'argent, elle ne me dit pas comment elle le remplace. N'est-ce pas, elle veut que l'argent soit une force qui circule. C'est tout à fait vrai, mais...
(C'est fâcheux que la Nouvelle Conscience n'en ait pas dit davantage. D'un autre côté, cela nous oblige à chercher par nous-mêmes au lieu d'attendre une réponse toute cuite. En tout cas, il est très significatif que cette Nouvelle Conscience considère que dans l'histoire des hommes, l'argent soit une invention passagère (...) tout à fait transitoire et qui ne correspond pas à quelque chose de très profond ni de très permanent. "C'est-à-dire que, tôt ou tard, nous allons en sortir.
Parler de quelque chose transitoire, ni de très permanent pour quelque chose qui existe depuis des années... est le signe que cette Nouvelle Conscience doit avoir une certaine relation avec la conscience d'éternité qui voit le passé, le présent et le futur.
Le nouveau monde en gestation promet d'être sensiblement différent de ce que nous connaissons !
Voilà qui est fichtrement intéressant !
Si seulement nous pouvions ne pas nous accrocher à ce que nous connaissons !
🙏)
🔥
Agenda du 27 août 1969
L'argent ne doit pas servir à gagner de l'argent...
Je l'avais écrit en anglais, il y a très longtemps ; j'ai envoyé cela en Amérique : ça a fait une révolution ! – la majorité des gens : indignés que l'on puisse penser une chose pareille !
... L'argent doit servir pour préparer la terre à manifester la nouvelle création.
(L'Amérique, le pays du business, tu m'étonnes qu'ils soient indignés ! 😊)
🔥
Agenda du 29 juillet 1970
Les richesses de la terre doivent être utilisées pour la transformation de la terre1.
1. Rappelons Sri Aurobindo : «Toutes les richesses appartiennent au Divin, et ceux qui les détiennent en sont les dépositaires et non les possesseurs. Elles sont avec eux aujourd'hui; demain elles peuvent être ailleurs. Tout dépend de la manière dont ils gèrent ce qui leur a été confié, dans quel esprit, avec quelle conscience ils s'en servent et à quelles fins.» (La Mère, XXV. 12)
🔥
En conclusion
1. Dans les Entretiens, les Lettres sur le Yoga, L'idéal de l'Unité humaine ou d'autres œuvres il existe très certainement d'autres passages pertinents sur les questions économiques, financières... mais nous avons là – avec les éléments spirituels donnés par Sri Aurobindo, les éléments occultes donnés par Mère, les éléments donnés par l'exemple d'Auroville (la cité expérimentale, un laboratoire de l'évolution future de l'humanité) et les indications laissées par cette Nouvelle Conscience, je crois que nous avons déjà largement de quoi nourrir notre réflexion et nos méditations.
2. Les citations de Mère se situent entre les années 50 et 70, et il n'était pas encore beaucoup question du capitalisme financier qui s'est déchaîné depuis quelques années. Un premier regard pourrait regarder la situation actuelle et en conclure que Mère s'est lourdement trompée en affirmant qu'un jour toutes les richesses de ce monde se donneront spontanément et totalement au service de l’Œuvre divine sur la terre.
Pourtant, il me vient cette expression de pousser les choses dans le sens où elles vont tomber. Ou bien, dans la pensée chinoise, l'une des 4 caractéristiques de la relation yin-yang est de dire que tout mouvement parvenu a son apogée se transforme en son contraire.
La sagesse divine a peut-être trouvé qu'il était plus rapide de laisser le pouvoir financier aller au bout de ses folies et qu'il se détruirait lui-même par son hubris, l'ivresse de la démesure.
En cette vie, nous n'assisterons sans doute pas à la fin du processus de transformation supramentale sur terre, mais il est possible que sur le plan financier, nous assistions à des changements assez considérables.