La Flamme dans les Entretiens 1950/1951
Entretien du 8 janvier 1951
Un enfant peut-il devenir conscient de cette vérité intérieure, comme un adulte ?
Pour un enfant, c’est très clair, car c’est une perception sans les complications de la parole et de la pensée — il y a ce qui le met à l’aise et ce qui lui donne du malaise (ce n’est pas forcément de la joie ou du chagrin, qui ne viennent que quand la chose est très intense). Et tout cela est beaucoup plus clair chez l’enfant que chez l’adulte, car ce dernier a toujours un mental qui travaille et qui brouille sa perception de la vérité.
Donner des théories à un enfant ne sert absolument à rien, car dès que son mental s’éveillera, il trouvera mille raisons pour contredire vos théories, et il aura raison.
Cette petite chose vraie dans l’enfant, c’est la Présence divine dans le psychique — elle existe aussi chez les plantes et les animaux. Dans les plantes elle n’est pas consciente, chez les animaux elle commence à être consciente, et chez les enfants elle est très consciente. J’ai connu des enfants qui étaient beaucoup plus conscients de leur être psychique à cinq ans qu’à quatorze, et à quatorze qu’à vingt-cinq ; et surtout, à partir du moment où ils vont à l’école et où ils subissent cette espèce de culture mentale intensive qui attire leur attention sur la partie intellectuelle de leur être, ils perdent presque toujours et presque totalement le contact avec leur être psychique.
Si vous étiez un observateur expérimenté, si vous pouviez vous rendre compte de ce qui se passe dans un être, simplement en regardant ses yeux !... On dit que les yeux sont le miroir de l’âme ; c’est une façon populaire de parler, mais si les yeux ne vous expriment pas le psychique, c’est qu’il est très en arrière et voilé par beaucoup de choses. Regardez donc avec soin les yeux des petits enfants, et vous verrez une espèce de lumière — les gens disent candide — mais si vraie, si vraie, qui regarde le monde avec étonnement. Eh bien, cet étonnement, c’est l’étonnement du psychique, qui voit la vérité mais qui ne comprend pas grand-chose au monde, car il est trop loin de lui. Les enfants ont cela, mais à mesure qu’ils apprennent, qu’ils deviennent plus intelligents, plus instruits, cela s’efface, et vous voyez dans les yeux toutes sortes de choses : des pensées, des désirs, des passions, des méchancetés, mais cette espèce de petite flamme très pure n’y est plus. Et vous pouvez être sûr que c’est le mental qui est entré là-dedans, et que le psychique est parti très loin derrière.
Même un enfant qui n’a pas un cerveau assez développé pour comprendre, si vous lui passez simplement une vibration de protection, ou d’affection, ou de sollicitude, ou de consolation, vous verrez qu’il répond. Mais si vous prenez un garçon de quatorze ans par exemple, qui est au collège, qui a des parents ordinaires et qui a été maltraité, son mental est très en avant ; il y a quelque chose de dur en lui, l’être psychique est en arrière. Les garçons comme cela ne répondent pas à la vibration. On dirait qu’ils sont faits de bois ou de plâtre.
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Entretien du 12 février 1951
Au moment où la conscience se sent « emprisonnée » dans son moule extérieur trop étroit, que faut-il faire ?
Il faut surtout ne pas être violent, car si vous êtes violent, vous sortirez de là fatigué, épuisé et sans résultat.
Il faut concentrer toutes les puissances d’aspiration.
Si vous êtes conscient de la flamme intérieure, il faut mettre dans cette flamme tout ce que vous pouvez avoir de plus fort comme aspiration, comme appel, et vous tenir aussi tranquille que vous pouvez, avec un appel, dans une très grande confiance que la réponse viendra ; et quand vous êtes dans cet état, avec votre aspiration et votre force concentrées, avec votre flamme intérieure, doucement faites une pression sur cette espèce de croûte extérieure, sans violence, mais avec insistance, aussi longtemps que vous pouvez, sans être agité, irrité ou excité. Il faut être parfaitement tranquille et pousser dans un appel.
Cela ne réussira pas la première fois. Il faut recommencer autant de fois qu’il est nécessaire, mais tout d’un coup, un jour... vous êtes de l’autre côté ! Alors, vous émergez dans un océan de lumière.
Si vous vous battez, si vous vous agitez, si vous vous débattez, vous n’aurez rien du tout ; et si vous vous énervez, vous aurez seulement mal à la tête, et c’est tout.
C’est cela, rassembler tout votre pouvoir d’aspiration, en faire quelque chose d’intensément concentré, dans une tranquillité absolue, être conscient de votre flamme intérieure et y mettre tout ce que vous pouvez pour qu’elle brûle de plus en plus, de plus en plus, et alors faites un appel avec conscience, et, lentement, poussez. Voilà. Vous êtes sûr de réussir un jour.
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Constante, régulière, organisée, douce et patiente en même temps, résiste à toutes les oppositions, surmonte toutes les difficultés.
(Mère poursuit sa lecture) « Il arrive que certaines personnes perdent, dès qu’elles se tournent vers le Divin, tout appui matériel et tous les objets qu’elles aiment. Si elles ont une affection quelconque, elle leur est également retirée. »
Nous entrons là dans un grand problème... La notion de ce qui est bon et de ce qui ne l’est pas pour un être, n’est pas la même pour sa conscience évoluée que pour la Conscience divine. Ce qui vous paraît bon, favorable, n’est pas toujours ce qui est le meilleur pour vous d’un point de vue spirituel. C’est cela qu’il faut apprendre dès le commencement, que la perception divine de ce qui vous mènera le plus vite au but, est absolument différente de la vôtre, et que vous ne pouvez pas la comprendre. C’est pourquoi il faut se dire dès le commencement : « C’est bon. J’accepterai tout et je comprendrai après. »
Si souvent, on voit des êtres, avant de commencer le yoga, qui avaient une vie relativement facile, et dès qu’ils viennent au yoga, toutes les circonstances auxquelles ils étaient tout particulièrement attachés se détachent d’eux d’une façon plus ou moins brutale. Alors ils se troublent ; ils n’ont peut-être pas la candeur de se l’avouer à eux-mêmes, ils prennent peut-être d’autres pensées et d’autres mots, mais cela revient à ceci : « Quoi ? Je suis bon et on n’est pas gentil avec moi ! » Toute la notion humaine de la justice est là. « On essaye de devenir bon et voilà les cataclysmes qui arrivent ! Toutes les choses que vous aimiez s’en vont de vous, tous les plaisirs que vous aviez s’en vont de vous, tous les gens que vous aimiez vous quittent ; ce n’est vraiment pas la peine d’être sage et d’avoir fait un effort. » Et si vous suivez votre raisonnement assez loin, tout d’un coup vous tombez sur le ver rongeur — alors, vous vouliez faire le yoga par intérêt, vous vouliez être sage par intérêt, vous pensiez que votre position serait meilleure et que l’on vous donnerait un bonbon pour votre sagesse ! Et cela ne vient pas !... Eh bien, ce refus est la meilleure leçon qui puisse jamais vous être donnée. Car tant que votre aspiration cachera un désir et tant que dans votre cœur il y aura un marchandage avec le Divin, les choses viendront vous donner des coups jusqu’à ce que vous vous éveilliez à la vraie conscience au-dedans de vous, sans conditions et sans marchandage. Voilà.
(…/...)
Quand peut-on dire que l’on est vraiment entré sur le chemin spirituel ?
Le premier symptôme (ce n’est pas le même pour tout le monde, mais par ordre chronologique), je crois, c’est que tout le reste vous paraît absolument sans importance. Toute votre vie, toutes vos activités, tous vos mouvements continuent, si les circonstances sont telles, mais ils vous semblent tout à fait sans importance, ce n’est plus cela la raison de vivre. Je crois que c’est le premier symptôme.
Il peut y avoir autre chose ; par exemple, le sentiment que tout est différent, de vivre différemment, d’une lumière dans l’esprit que l’on n’avait pas auparavant, d’une paix dans le cœur que l’on n’avait pas auparavant. Cela fait un changement ; mais le changement positif, d’habitude, vient après, c’est rare qu’il vienne d’abord, sauf dans un éclair au moment de la conversion, quand on a décidé d’adopter la vie spirituelle. Quelquefois, cela commence comme une grande illumination, une grande joie entre en vous ; mais généralement, après, cela passe à l’arrière-plan, car il y a trop d’imperfections qui persistent en vous... Ce n’est pas un dégoût, ce n’est pas un mépris, mais tout vous paraît si peu intéressant que cela ne vaut vraiment pas la peine que l’on s’en occupe. Par exemple, quand vous vous trouvez dans certaines conditions matérielles, désagréables ou agréables (les deux extrêmes se touchent), vous vous dites : « C’était pour moi si important tout cela ? Mais cela n’a aucune importance ! » Vous avez l’impression que vraiment vous vous êtes tourné de l’autre côté.
Certains s’imaginent que le signe de la vie spirituelle est la capacité de s’asseoir dans un coin et de méditer ! C’est une idée très, très courante. Sans vouloir être sévère, la plupart des gens qui font état de leur capacité de méditation, je ne crois pas que sur une heure ils méditent une minute ! Ceux qui méditent vraiment n’en font jamais état ; pour eux c’est une chose tout à fait naturelle. Quand c’est devenu une chose naturelle et sans gloire, vous pouvez commencer à vous dire que vous faites des progrès. Ceux qui en parlent et qui pensent que cela leur donne une supériorité sur le reste des êtres humains, vous pouvez être sûr que la plupart du temps ils sont dans un état d’inertie complet.
Il est très difficile de méditer. Il y a toutes sortes de méditations... On peut prendre une idée et la suivre pour arriver à un résultat quelconque — c’est une méditation active ; les gens qui cherchent un problème ou qui veulent écrire, méditent ainsi sans savoir qu’ils sont en train de méditer. D’autres s’assoient et essayent de se concentrer sur quelque chose, sans suivre d’idée ; simplement, se concentrer sur un point pour intensifier le pouvoir de concentration ; et il arrive ce qui arrive généralement quand vous vous concentrez sur un point : si vous réussissez à rassembler votre capacité de concentration suffisamment, que ce soit sur un point mental, vital ou physique, à un moment donné vous passez au travers et vous entrez dans une autre conscience. D’autres aussi essayent de chasser de leur tête tous les mouvements, toutes les idées, tous les réflexes, toutes les réactions et d’arriver à une véritable tranquillité silencieuse. C’est extrêmement difficile ; certaines gens ont essayé pendant vingt-cinq ans et n’y ont pas réussi, car c’est un peu comme de prendre le taureau par les cornes.
Il y a un autre genre de méditation qui consiste à être aussi tranquille que l’on peut, mais sans essayer d’arrêter toutes les pensées, car il y en a qui sont purement mécaniques et si vous essayez d’arrêter tout cela, il faut des années et, par-dessus le marché, vous ne serez pas sûr du résultat ; au lieu de cela, vous rassemblez toute votre conscience et vous restez aussi tranquille et paisible que possible, vous vous détachez des choses extérieures comme si elles ne vous intéressaient pas du tout, et, tout d’un coup, vous avivez cette flamme d’aspiration et vous mettez dedans tout ce qui peut venir à vous, afin que la flamme monte de plus en plus, de plus en plus ; vous vous identifiez à elle et vous allez jusqu’au point extrême de votre conscience et de votre aspiration, en ne pensant à rien d’autre — simplement, une aspiration qui monte, qui monte, qui monte, sans songer une minute au résultat, à ce qui peut arriver, surtout pas, et surtout ne pas avoir le désir qu’il vous arrive quelque chose — simplement, la joie de l’aspiration qui monte, monte, monte en s’intensifiant de plus en plus dans une concentration constante.
Et là, je peux vous assurer que ce qui arrive est le mieux qui puisse arriver. C’est-à-dire que c’est le maximum de vos possibilités qui s’accomplit quand vous faites cela.
Ces possibilités peuvent être très différentes suivant les individus. Mais alors, tous ces soucis de vouloir se taire, de passer derrière les apparences, d’appeler une force qui réponde, d’attendre une réponse à vos questions, tout cela s’évanouit comme une vapeur irréelle.
Et si vous arrivez à vivre consciemment dans cette flamme, dans cette colonne d’aspiration qui monte, vous verrez que si vous n’avez pas un résultat immédiat, au bout de quelque temps, quelque chose vous arrivera.
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Entretien du 17 février 1951
La concentration que nous faisons ici1 et la méditation que nous avions dans le temps, sont-elles la même chose ?
1. L’époque des « méditations » à l’Ashram a été suivie d’une époque de « concentrations » au Terrain de Jeux.
Non, je vous l’ai dit l’autre jour, la concentration que nous faisons maintenant est l’opposé de la méditation. Dans la méditation que nous avions en commun, j’essayais d’unifier toutes les consciences présentes et de les soulever dans une aspiration vers les régions supérieures ; c’était un mouvement d’ascension, d’aspiration. Tandis que ce que nous faisons ici, dans la concentration, c’est un mouvement de descente. Au lieu d’une aspiration qui s’élève, on demande une réceptivité qui s’ouvre pour que la Force entre en vous. Il y a beaucoup de manières de le faire ; chacun selon sa nature propre doit trouver la meilleure méthode. Ce que l’on demande ici, c’est une offrande réceptive, non d’un corps, d’un mental ou d’un vital, d’un morceau de son être, mais de l’être tout entier. On ne vous demande pas autre chose, seulement de vous ouvrir ; le reste du travail, je m’en charge.
[Voilà qui devait être sacrément pratique 😊]
Dans la méditation là-bas, je voulais que chacun allume en soi une flamme d’aspiration et monte aussi haut que possible.
Naturellement, les deux sont nécessaires ; mais la méditation du matin, tous ceux qui avaient de la bonne volonté pouvaient y assister, à n’importe quel moment de leur croissance, tandis qu’ici, la règle est que seuls ceux qui veulent vraiment le perfectionnement de leur corps physique peuvent venir, pas ceux qui veulent s’échapper de la vie, s’échapper d’eux-mêmes, s’échapper de leur corps et entrer dans les hauteurs.
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Le premier pas vers la transformation du physique.
C’est pour cela qu’au début, la sélection était très étroite — elle s’élargit peu à peu, j’espère avec profit. Nous voulions seulement ceux qui avaient vraiment mis dans leur tête qu’ils voulaient le perfectionnement de leur corps physique, qui comprenaient que leur corps avait sa valeur propre et qui voulaient le perfectionner, qui voulaient essayer d’en faire le réceptacle d’une vérité supérieure, pas une vieille loque que l’on jette de côté en disant : « Ne m’embête pas. » Au contraire, le prendre et en faire le meilleur instrument possible, le faire croître, le perfectionner autant qu’il se prêtera au procédé.
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Entretien du 22 février 1951
Quelle est la différence entre l’aspiration et une demande ?
Quand on a éprouvé les deux, on peut facilement faire la distinction. Il y a dans l’aspiration ce que je pourrais appeler une flamme désintéressée, qui n’existe pas dans le désir. Votre aspiration n’est pas un retour sur soi — le désir est toujours un retour sur soi. Du point de vue purement psychologique, l’aspiration est un don de soi, toujours, tandis que le désir est toujours quelque chose que l’on tire à soi ; l’aspiration est quelque chose qui se donne, pas nécessairement dans la forme de la pensée, mais dans le mouvement, dans la vibration, dans l’élan vital.
L’aspiration vraie ne vient pas de la tête ; même quand elle se formule par une pensée, elle s’élance comme une flamme du cœur. Je ne sais pas si vous avez lu les articles que Sri Aurobindo a écrits sur les Védas. Quelque part il explique que ces hymnes n’avaient pas été écrits avec la tête, qu’ils n’étaient pas, comme on le pense, des « prières », mais l’expression d’une aspiration qui était un élan, comme une flamme qui venait du cœur (bien que ce ne soit pas le « cœur », mais le centre psychologique de l’être, pour employer les mots exacts). Ce n’était pas « pensé », les mots n’étaient pas mis sur l’expérience ; l’expérience venait toute formulée, avec les mots précis, exacts, indiscutables — ils ne pouvaient pas être changés. C’est le caractère même de l’aspiration : vous ne cherchez pas à la formuler, elle jaillit de vous comme une flamme toute prête. Et s’il y a des mots (parfois il n’y en a pas), ils ne peuvent pas être changés : on ne peut pas remplacer un mot par un autre, chaque mot est celui qui convient. Quand l’aspiration est formulée, elle l’est catégoriquement, absolument, sans possibilité de changement. Et c’est toujours quelque chose qui s’élance et qui se donne, tandis que le caractère même du désir est de tirer à soi.
La différence essentielle entre l’amour dans l’aspiration et l’amour dans le désir, est que l’amour dans l’aspiration se donne entièrement et ne demande rien en échange — il ne réclame pas ; tandis que l’amour dans le désir se donne aussi peu que possible, demande autant que possible, il tire à soi et il réclame toujours.
L’aspiration donne toujours de la joie, n’est-ce pas ?
Plutôt un sentiment de plénitude — « joie » est un mot qui trompe ; un sentiment de plénitude, de force, de flamme intérieure qui vous remplit. L’aspiration peut vous donner de la joie, mais une joie très spéciale, qui n’a rien d’excité.
Est-ce que l’âme et l’être psychique sont une seule et même chose ?
Cela dépend de la définition que l’on donne aux mots. Dans la plupart des religions, et peut-être aussi des philosophies, on appelle « âme » l’être vital, car on dit que « l’âme quitte le corps », alors que c’est l’être vital qui quitte le corps ; on parle de « sauver les âmes », de « mauvaises âmes », de « racheter les âmes »..., mais tout cela s’applique à l’être vital, car l’être psychique n’a pas besoin d’être sauvé !... il ne participe pas aux fautes de la personne extérieure, il est libre de toute réaction.
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Entretien du 26 mars 1951
Quelle est la différence entre la soumission et l’offrande ?
Les deux mots sont presque synonymes : « Je fais l’offrande de moi et je me soumets », mais dans le geste de l’offrande, il y a quelque chose de plus actif que dans le geste de la soumission. Malheureusement, « soumission » n’est pas le vrai mot. En anglais on dit surrender ; entre les mots « surrender » et « offrande » il n’y a guère de différence. Mais le mot français « soumission » donne l’impression de quelque chose de plus passif : on accepte ; tandis que l’offrande est un don — un don volontaire.
Quel est le sens exact du mot « consécration » ?
« Consécration » a généralement un sens plus mystique, mais ce n’est pas absolu. Une consécration totale signifie un don total de son être ; c’est donc l’équivalent du mot « surrender », non surrender », non du mot « soumission », qui donne toujours l’impression que l’on « accepte » d’une façon passive. On sent une flamme dans le mot « consécration », une flamme plus grande même que dans le mot « offrande ». Se consacrer, c’est « se donner à une action »; donc au sens yoguique, c’est se donner à une œuvre divine avec l’idée d’accomplir l’Œuvre divine.
(.../...)
Quel est le miroir qui peut refléter le Suprême ?
La Conscience Elle-même. C’est parce qu’Elle est là ; sans cela, on n’arriverait jamais à rien. Si la Conscience suprême n’était pas au centre de toute création, jamais la création ne pourrait prendre conscience de la Conscience.
Pour transformer le vital, il faut avoir de la volonté, de la persévérance, de la sincérité, etc. Mais dans quelle partie de l’être se trouvent toutes ces choses ?
L’origine de la sincérité, de la volonté, de la persévérance est dans l’être psychique, mais cela se traduit différemment suivant les personnes. Généralement, c’est dans la partie supérieure du mental que cela commence à prendre forme, mais pour que ce soit effectif, il faut qu’au moins une partie du vital réponde, parce que l’intensité de votre volonté vient de là, le pouvoir réalisateur de la volonté vient du contact avec le vital. S’il n’y avait que des éléments réfractaires dans le vital, vous ne pourriez rien faire du tout. Mais il y a toujours quelque chose, quelque part, qui veut bien — c’est peut-être peu de chose, mais il y a toujours quelque chose qui veut bien.
Il suffit qu’il y ait une fois une minute d’aspiration et une volonté, même très fugitive, de prendre conscience du Divin, de réaliser le Divin, pour que cela fasse comme un éclair à travers tout l’être — il y a même des cellules du corps qui répondent. On ne s’en aperçoit pas tout de suite, mais il y a une réponse partout. Et c’est en rassemblant soigneusement, lentement, toutes ces parties qui ont répondu, ne serait-ce qu’une fois, que l’on peut constituer quelque chose qui sera cohérent et organisé, et qui permettra de continuer son action avec volonté, sincérité et persévérance.
Même une idée fugitive chez un enfant, à un moment donné dans l’enfance, quand l’être psychique est le plus en avant, quand il est arrivé à traverser la conscience extérieure et à lui donner simplement l’impression de quelque chose de beau qu’il faut réaliser, cela fait un petit noyau et c’est avec cela que vous fondez votre action.
Il y a une immense masse d’humanité à qui l’on ne dirait jamais : « Il faut que vous réalisiez le Divin » ou « Faites un yoga pour trouver le Divin ». Si vous regardez, vous verrez que c’est une infime minorité à qui l’on peut le dire. Ce qui fait que cette minorité d’êtres est « préparée » à faire un yoga, c’est cela. C’est qu’il y a eu un commencement de réalisation — un commencement suffit.
Chez d’autres, c’est peut-être une chose ancienne, un éveil qui peut venir de vies antérieures. Mais nous parlons de ceux qui sont moins prêts ; ce sont ceux qui ont eu un éclair à un moment donné, qui a traversé tout l’être, qui a créé une réponse, mais ça suffit. Cela n’existe pas chez beaucoup de gens. Ceux qui sont prêts à faire un yoga ne sont pas nombreux si vous les comparez à la masse humaine inconsciente.
Mais une chose est certaine, c’est que le fait que vous soyez tous ici prouve qu’au minimum vous avez eu cela — il y en a qui sont très loin sur le chemin (parfois ils ne s’en doutent pas), mais au minimum vous avez eu cela, cette espèce de contact spontané, intégral, qui est comme un choc électrique, un éclair qui vous traverse et qui vous éveille à quelque chose : il y a quelque chose à réaliser.
Il se peut que l’expérience ne se traduise pas par des mots, seulement par une flamme. Cela suffit.
Et c’est autour de ce nucléus que l’on s’organise lentement, lentement, progressivement. Alors une fois que c’est là, cela ne disparaît jamais. Ce n’est que si vous avez fait un pacte avec les forces adverses et que vous fassiez un effort considérable pour éloigner le contact et ne pas en apercevoir l’existence, que vous pouvez croire qu’il a disparu. Et encore, il suffit d’un seul éclair pour que cela revienne.
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Est toute-puissante même quand nous ne le savons pas.
Entretien du 23 avril 1951
Comment rester conscient dans l’inconscient ?
On doit être vigilant.
Et quand on dort ?
On peut rester conscient dans le sommeil, nous avons déjà expliqué cela. Il faut travailler.
Alors on ne dort pas !
Pas du tout, on dort beaucoup mieux, on dort d’un sommeil tranquille au lieu d’un sommeil agité. La plupart des gens font tant de choses dans leur sommeil qu’ils se réveillent plus fatigués qu’avant. Nous avons déjà dit cela une fois. Naturellement, si tu t’empêches de dormir, tu ne dormiras pas. Je dis toujours à ceux qui se plaignent de ne pas pouvoir dormir : « Méditez donc et vous finirez par vous endormir. » Il vaut mieux s’endormir sur une concentration que « comme ça », éparpillé et répandu sans savoir même où l’on est.
Pour bien dormir il faut apprendre à dormir.
Si l’on est très fatigué physiquement, il vaut mieux ne pas s’endormir tout de suite, autrement on tombe dans l’inconscience. Si l’on est très fatigué, il faut s’étendre sur son lit, se délasser, détendre tous les nerfs l’un après l’autre jusqu’à ce que l’on devienne comme un chiffon sur son lit, comme si l’on n’avait ni os ni muscles.
Quand on y est arrivé, il faut faire la même chose dans la tête. Se détendre, ne pas se concentrer sur une pensée ou essayer de résoudre un problème ou remâcher des impressions, des sensations ou des émotions que l’on a eues dans sa journée. Tout cela, il faut le laisser tomber tranquillement : on s’abandonne, on est vraiment comme un chiffon.
Quand on a réussi cela, il y a toujours une petite flamme, là — cette flamme-là ne s’éteint pas et vous en devenez conscient quand vous avez réussi ce relâchement. Et tout d’un coup, cette petite flamme s’élève lentement dans une aspiration vers la vie divine, la vérité, la conscience du Divin, l’union avec l’être intérieur, elle se surpasse elle-même, elle monte, monte, comme ça, tout doucement.
Alors tout se rassemble là, et si, à ce moment-là, vous tombez dans le sommeil, vous avez le meilleur sommeil que vous puissiez avoir. Je réponds que si vous faites cela soigneusement, vous êtes sûr de dormir, et vous êtes sûr aussi qu’au lieu de dormir dans un trou noir, vous dormez dans une lumière, et quand vous vous levez le matin, vous êtes frais, dispos, content, heureux et plein d’énergie pour la journée.
Quand on est conscient dans le sommeil, est-ce que le cerveau dort ou non ?
Quand est-ce que le cerveau dort ? Quand dort-il ? C’est de toutes choses la plus difficile. Si vous arrivez à faire dormir votre cerveau, c’est admirable ! Quelle marche ! C’est un vagabondage. C’est ce que je voulais dire quand je parlais de détente dans le cerveau. Si vous le faites tout à fait bien, votre cerveau entre dans un repos silencieux et cela, c’est admirable ; quand on arrive à cela, cinq minutes de ça, et vous êtes tout frais après, vous pouvez résoudre un tas de problèmes.
Si le cerveau travaille toujours, pourquoi ne se souvient-on pas de ce qui s’est passé pendant la nuit ?
Parce que vous n’avez pas attrapé la conscience dans son travail. Et peut-être que si vous vous souveniez de ce qui se passe dans votre cerveau, vous seriez horrifié ! C’est vraiment comme un déménagement, toutes ces idées qui s’entrechoquent, tout cela qui fait une sarabande dans la tête ; c’est comme si l’on jetait des balles dans tous les sens. Alors, si l’on observait cela, on serait un peu troublé.
Sri Aurobindo écrit ici : « Rares sont les Êtres de Lumière qui consentent ou qui sont autorisés à intervenir. » Pourquoi ?
Il faut aller le leur demander ! Mais il y a une conclusion, les dernières phrases donnent une explication très claire. Il est dit : « En vérité, l’immortalité est-elle un jouet que l’on donne légèrement à un enfant, la vie divine, un prix reçu sans effort, une couronne pour l’homme débile ? »...
Cela revient à demander pourquoi les forces adverses ont le droit d’intervenir, de vous harceler ?
Mais c’est justement l’épreuve nécessaire à votre sincérité. Si le chemin était très facile, tout le monde s’embarquerait sur le chemin, et si l’on arrivait au bout sans obstacle et sans effort, tout le monde arriverait au bout, et quand on serait arrivé au bout, la situation serait la même que quand on est parti, il n’y aurait pas de changement. C’est-à-dire que le nouveau monde serait exactement ce qu’a été l’ancien. Ce n’est vraiment pas la peine !
Il faut évidemment un procédé d’élimination pour qu’il reste seulement ce qui est capable de manifester la vie nouvelle. C’est pour cela, il n’y a pas d’autre raison, c’est la meilleure des raisons. Et, n’est-ce pas, c’est une trempe, c’est l’épreuve du feu, il n’y a que ce qui peut résister qui reste absolument pur ; quand tout est flambé, il n’y a que le petit lingot d’or pur qui reste.
Et c’est comme cela. Ce qui dérange beaucoup dans tout cela, ce sont les idées religieuses de faute, de péché, de rachat. Mais il n’y a aucune décision arbitraire ! C’est au contraire, pour chacun, les conditions les meilleures et les plus favorables qui sont données. Nous disions l’autre jour que ce sont seulement ses amis que Dieu traite avec sévérité ; vous avez cru à une plaisanterie, mais c’est la vérité.
Ce sont seulement ceux qui sont pleins d’espoir, ceux qui passeront à travers cette flamme purificatrice, à qui les conditions sont données pour arriver au maximum de résultat.
Et le mental humain est construit de telle manière que vous pouvez en faire la preuve ; quand quelque chose d’extrêmement désagréable vous arrive, vous pouvez vous dire : « Tiens, c’est la preuve que je vaux la peine de recevoir cette difficulté, c’est la preuve qu’il y a quelque chose en moi qui peut résister à la difficulté », et vous vous apercevrez qu’au lieu de vous tourmenter, vous vous réjouissez — vous serez tellement content et tellement fort que même les choses les plus désagréables vous paraîtront tout à fait charmantes! C’est une expérience très facile à faire. N’importe quelle circonstance, si votre mental est habitué à la regarder comme une chose favorable, ne vous sera plus désagréable.
C’est très connu, tant que la pensée se refuse à accepter une chose, qu’elle lutte contre elle, qu’elle essaye de l’empêcher, il y a des tourments, des difficultés, de l’orage, des luttes intérieures et toutes les souffrances. Mais de la minute où la pensée dit : « Bon, c’est ce qui doit arriver, c’est comme cela que ça doit arriver », quoi qu’il arrive, vous êtes satisfait. Il y a des êtres qui sont arrivés à un tel contrôle de leur mental sur leur corps qu’ils ne sentent rien ; je l’ai dit l’autre jour à propos de certains mystiques : s’ils pensent que la souffrance qu’on leur impose va leur faire franchir les étapes en un moment et leur donner une sorte de marche-pied pour atteindre la Réalisation, le but qu’ils se sont donné, l’union avec le Divin, ils ne sentent plus la souffrance, du tout. Leur corps est comme galvanisé par la conception mentale. C’est arrivé très souvent, c’est une expérience très courante parmi ceux qui ont vraiment de l’enthousiasme.
Et après tout, s’il est nécessaire pour une raison quelconque de quitter son corps et d’en avoir d’autres, ne vaut-il pas mieux faire de sa mort une chose magnifique, joyeuse, enthousiaste, que d’en faire une défaite dégoûtante ? Ces gens qui s’accrochent, qui essayent par tous les moyens possibles de retarder la fin d’une minute ou deux, qui vous donnent l’exemple d’une angoisse épouvantable, c’est qu’ils n’ont pas conscience de leur âme... Après tout, c’est peut-être un moyen, n’est-ce pas ?
On peut changer cet accident en un moyen ; si l’on est conscient, on peut en faire une belle chose, une très belle chose, comme de tout. Et notez, les gens qui n’en ont pas peur, qui ne la craignent pas, qui peuvent mourir sans sordidité, ce sont ceux qui n’y pensent jamais, qui ne sont pas tout le temps hantés par cette « horreur » qui est en face d’eux et à laquelle il faut échapper et qu’ils essayent de repousser aussi loin d’eux qu’ils peuvent. Ceux-là, quand l’occasion se présente, peuvent lever la tête, sourire et dire : « Me voilà. »
Ce sont ceux qui ont la volonté de faire de leur vie le maximum de ce que l’on peut en faire, ce sont ceux qui disent : « Je resterai ici tant qu’il faudra, jusqu’à la dernière seconde, et je ne perdrai pas une minute pour réaliser mon but », ceux-là, quand la nécessité vient, font la plus belle figure. Pourquoi ? C’est très simple : parce qu’ils vivent dans leur idéal, dans la vérité de leur idéal, que c’est la chose réelle pour eux, c’est leur raison d’être, et en toutes choses ils peuvent voir cet idéal, cette raison d’être, et jamais ils ne descendent en bas dans la sordidité de la vie matérielle.
Alors, conclusion :
Il ne faut jamais souhaiter la mort.
Il ne faut jamais vouloir mourir.
Il ne faut jamais avoir peur de mourir.
Et il faut en toute circonstance vouloir se surpasser soi-même.
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