La voie droite
En français, nous n'avons qu'un seul mot pour la vérité alors que dans la connaissance védique, il y avait Satyam (le Vrai), Ritam (le Droit) et Brihat (le Vaste). Cet article a pour but de rassembler quelques citations sur le sujet, et quelques réflexions personnelles.
Agenda du 18 avril 1961
J’ai eu cette expérience, elle a duré même pendant quelques jours, je me souviens: je voyais toutes les circonstances matérielles comme un absolu – un absolu que nous percevons comme un déroulement, mais qui est un absolu éternellement existant. J’ai eu cette expérience-là. Et j’ai eu en même temps la perception très claire de ce qu’était la fausseté, le mensonge (ce que Sri Aurobindo a appelle crookedness [3] en traduisant du sanscrit) au point de vue psychologique, mental.
[3]. Note de Satprem :
Littéralement : ce qui est tordu. Les Rishis distinguaient la conscience «droite» (au sens optique presque : qui laisse passer droit le rayon) et la conscience tordue.
N’est-ce pas, nous attribuons le cours des circonstances à ces réactions psychologiques (et de fait, elles sont utilisées pour le moment, parce que tout collabore consciemment ou inconsciemment à ce que les choses soient comme elles doivent être), mais les choses pourraient être ce qu’elles doivent être sans l’intervention de ce mensonge. Ça, j’ai vécu pendant plusieurs jours dans cette conscience-là; et alors on voyait que c’était cela qui séparait le mensonge de la vérité. Dans cet état de conscience-connaissance, on était capable de faire la distinction entre le mensonge et la vérité. Et les circonstances matérielles, vues dans la vérité, changeaient de caractère.
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Ainsi, le tortueux que nous devrions éviter apparaît cependant parfois en nous, par exemple lorsque nous suivons les raisonnements alambiqués du mental qui tentent de justifier nos incohérences. Cette idée de voie droite, de droiture, de rectitude est un point de repère, presque sensoriel, pour nous aider à nous aligner.
Je me souviens d'une parole de de Gaulle qu'Asselineau reprend quelques fois et que je cite de mémoire : "Nous n'avons pas choisi la voie la plus facile, mais la seule voie possible, la voie droite." Hélas, je n'ai trouvé nulle trace de cette citation – qu'importe puisque nous pouvons la faire nôtre. Quelqu'un retrouvera peut-être la citation exacte.
l'Agenda de Mere. Volume 2. 18 avril 1961
Attention! To view this cite properly, please, enable JavaScript! How to do it Mère l'Agenda Vol. 1 18 avril 1961 Le subconscient est en grande ebullition... Nous verrons. Et toi? Je suis tombé sur
https://aurobindoru.auromaa.org/workings/ma/agenda_02/1961-04-18-01_f.htm
Version texte et audio
Nous avons aussi ce fameux dessin – si parlant – dans lequel Mère explique à un enfant la différence entre le chemin interminable et sinueux de la vie ordinaire et la voie directe du yoga.
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L'homme est en bas, le Divin est en haut. La ligne sinueuse est le chemin de la vie ordinaire, la ligne droite est celle du yoga.
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Et puis, dans une vidéo récente, Sraddhalu évoque l'invocation d'Agni pour qu'il éloigne de nous les chemins tortueux. Selon Grok, cette idée est particulièrement développée dans l'Isha Upanishad.
« Ô Agni, toi qui connais tous les chemins, guide-nous par le bon chemin vers la richesse (spirituelle ou matérielle). Éloigne de nous le mal tortueux. À toi, nous offrons nos salutations répétées. »
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Secret du Véda – Chapitre 6. Agni et la Vérité. Page 83
Cette conception psychologique est celle d’une vérité qui est vérité d’essence divine, non vérité des sensations et des apparences mortelles.
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Elle est satyam, vérité de l’être ;
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elle est dans son action rtam, ce qui est juste — vérité de l’être divin, déterminant une activité juste à la fois du mental et du corps ;
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elle est brhat, la vérité universelle procédant directement et sans déformation de l’Infini.
Pour approfondir cette trinité vraie, les liens ci-dessous proposent quelques citations à méditer.
En anglais
Traduction automatique en ligne
Ligne droite dans l'Agenda
[L'avantage est de nous montrer différents aspect de la question]
Agenda sans date de février 1958
Satprem : L’autre jour aussi, dans ton expérience supramentale, tu disais que les valeurs morales avaient perdu tout leur sens.
Mais nos conceptions du Bien et du Mal sont tellement dérisoires! tellement dérisoire notre idée de ce qui est proche du Divin ou loin du Divin! L’expérience de l’autre jour (3 février), a été pour moi révélatrice, j’en suis sortie complètement changée. J’ai compris tout d’un coup quantité de choses du passé, des actes, des parties de ma vie qui restaient inexplicables – en vérité, le plus court chemin d’un point à un autre n’est pas la ligne droite que les hommes imaginent !
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Agenda du 18 avril 1961
[À propos d'une question de Satprem sur la le libre arbitre et le déterminisme, voici un extrait de la réponse de Mère :]
Une fois, j’avais essayé d’expliquer cela (c’était du temps où je parlais au Terrain de Jeu), un jour où j’étais en présence de ce même problème: qu’est-ce que c’est réellement? Et il est très clair qu’il est impossible, il est impossible avec le mental de comprendre. Mais j’avais eu une vision comme cela, d’une sorte d’Éternité infinie dans laquelle la Conscience se promène [7] ; et le chemin de cette Conscience, c’est ce que nous appelons «la manifestation». Et cette vision expliquait la liberté absolue – elle expliquait que les deux choses puissent être ensemble d’une façon absolue: la liberté absolue et le déterminisme absolu. L’image de ma vision, c’était un Infini éternel dans lequel la Conscience se promène – on ne peut même pas dire «librement», parce que «librement» impliquerait que cela puisse être autrement.
Tous ceux qui ont cette expérience disent que le premier mouvement de la manifestation, ou de la création (création, manifestation, objectivation: tous les mots sont imparfaits), le premier mouvement, c’est CHIT, c’est-à-dire Conscience qui devient Pouvoir. Par conséquent c’est la Conscience qui se promène dans SAT, dans l’Être – statique, éternel, infini, et forcément sans espacé et sans temps. Et c’est ce mouvement de la Conscience qui produit le temps et l’espace dans cet Infini et cette Éternité [8]. Et là, on comprend – on comprend que ça puisse être à la fois absolument libre et absolument déterminé.
Notes de Satprem :
[7]. Voir Entretien du 5 février 1958 (le «grand voyage du Suprême»).
[8]. Une fois de plus, l’expérience de Mère recoupe la science moderne qui commence à découvrir que l’espace et le temps ne sont pas des quantités fixes et indépendantes comme les Grecs nous avaient habitués à le penser, jusqu’à Newton, mais un système à 4 dimensions (3 coordonnées d’espace + une de temps) dépendant des phénomènes physiques qui s’y développent. Tel est l’«espace de Riemann» dont se sert Einstein dans sa Théorie de la Relativité Généralisée.
Ainsi, une trajectoire (c’est-à-dire une distance en principe fixe, un espace à parcourir) dépend du temps mis à parcourir cette trajectoire : il n’y a pas de ligne droite entre deux points, ou la ligne «droite» dépend de la vitesse à laquelle on se déplace. Il n’y a pas de quantité «fixe» d’espace, mais des vitesses qui déterminent leur propre espace (ou leur propre mesure de l’espace).
L’espace-temps n’est donc plus une quantité fixe mais, dit la Science, le produit... de quoi? – D’une certaine vitesse de déroulement ? Mais qu’est-ce qui se déroule ? La fusée, un train, des muscles ?... ou un certain cerveau qui a mis au point des instruments de plus en plus perfectionnés adaptés à son propre mode d’être, comme le poisson-volant qui peut voler de plus en plus loin (vite) mais qui finalement retombe dans son propre bocal marin ?
Mais que serait cet espace-temps pour un autre mode de bocal, ou un autre mode de conscience : une conscience supramentale, par exemple, qui peut se trouver instantanément à n’importe quel point de l’«espace» – il n’y a plus d’espace ! et plus de temps. Il n’y a plus de «trajectoire» : la trajectoire est au-dedans d’elle-même. Le bocal est brisé, et tous les petits bocaux successifs de l’évolution.
Ainsi, comme le dit Mère, l’espace et le temps sont un «produit du mouvement de la conscience». Un espace-temps variable qui change non seulement selon nos moyens mécaniques mais selon la conscience qui utilise les moyens mécaniques, et qui finalement n’utilise plus qu’elle-même : la conscience, au bout de la courbe évolutive, est devenue son propre moyen et la seule mécanique de l’univers.
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Agenda du 9 janvier 1962
[À propos des Aphorismes 67, 68 et 69 sur le sens du péché, voici un extrait du commentaire de Mère :]
Justement, l'une des choses dont je me suis aperçue, c'est que, toute petite, j'avais déjà cette conscience de ce que Sri Aurobindo appelle «vivre divinement», c'est-à-dire en dehors de ce sens du Bien et du Mal.
C'était compensé par un censeur terrible qui ne m'a jamais quittée1. C'est seulement Sri Aurobindo qui l'a écarté de mon chemin. Mais je n'avais pas le sens du péché, du Bien et du Mal, du péché et de la vertu – surtout pas ça, surtout pas ça ! Plutôt, ma conscience était centrée autour de right action and wrong action, c'est-à-dire « ça n'aurait pas dû être fait, ça aurait dû être fait », sans Bien et Mal, au point de vue travail, action, dans l'action – ma conscience a toujours été centrée sur l'action.
C'était la vision de la perfection de la ligne à suivre, ou de toutes les lignes à suivre, pour que l'action s'accomplisse. Et alors, chaque fois qu'il y avait quelque chose qui était une déviation de ce qui me paraissait la ligne lumineuse, la ligne droite (pas droite au sens géométrique : la ligne lumineuse, la ligne qui est l'expression de la Volonté divine), une toute-toute petite déviation de ça, oh ! c'était... c'était la seule chose qui me tourmentait.
Et le tourment ne venait pas de moi : le tourment venait de cet individu-là qui était agrippé à ma conscience et qui me fouettait, me talonnait, me maltraitait, tout le temps – ce que les gens appellent généralement « la conscience », mais ça n'a rien à voir avec la conscience ! C'est un être adverse, c'est-à-dire qu'il change en mauvais tout ce qu'il peut changer. Tout ce qui est susceptible d'être changé en contraire au Divin, il le change. Et alors tout le temps il répète : «Ça, c'est contraire, ça c'est contraire, ça c'est contraire... »
Mais c'était la seule chose. Jamais-jamais l'idée qu'on est vertueux ou l'idée qu'on est un pécheur – jamais, jamais. Ce n'est pas ça : c'est faire la vraie chose ou ne pas faire la vraie chose. C'est tout. Pas que l'on est vertueux, pécheur – rien-rien de tout ça ! Je n'ai jamais eu ce sens-là, jamais.
Alors j'ai de la difficulté à attraper le sentiment que Sri Aurobindo décrit ici [«chérir en secret le péché»], ça ne correspond pas à quelque chose en moi. Je comprends bien, n'est-ce pas ! Je comprends très bien ce qu'il veut dire, mais attraper ce sentiment-là...
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Agenda du 31 mai 1962
(Puis il est à nouveau question de ce livre sur Sri Aurobindo comme un «conte de fées»:)
Il n'y a pas eu d'effet de notre méditation ? Tu n'as rien senti ?
(geste négatif)
Rien. Bon.
Nous essaierons.
Oh ! après t'avoir quitté l'autre jour, pendant longtemps, pendant plus d'une heure, je continuais à raconter l'histoire! Et je me voyais comme ça, debout, avec toute une foule d'enfants. C'était quelque chose qui descendait sur moi (ce n'est pas que je tirais ou que j'y pensais : je n'y pensais pas du tout), mais j'étais debout et je racontais et je racontais et je racontais, et ça venait, c'était amusant comme tout !
Je te l'ai passé, mais (riant) je ne sais pas si tu l'as reçu.
Quelque chose qui est fait très légèrement, sans y attacher d'importance, mais qui provient justement d'un nouveau monde – oh! maintenant, je fais une distinction constante entre... (comment dire ?) la vie en lignes droites et en angles droits, et la vie ondulatoire.
Je pourrais dire : il y a une vie qui est comme ça (Mère fait des gestes hachés, avec des lignes qui s'entrecoupent) où tout est coupant, dur, angulaire, et puis on se cogne partout ; et il y a une vie ondulatoire, très douce, très charmante – très charmante – mais pas... pas trop solide. C'est curieux, c'est tout à fait un autre genre de vie. Eh bien, mon histoire appartenait à ce monde-là : il n'y avait rien là (Mère touche son front) et même rien là (au-dessus de la tête), c'était quelque chose comme... comme des vagues. Et c'était très joyeux, très joyeux, et sans souci.
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Agenda du 4 janvier 1964
[À propos de la visite à l'Ashram d'un gourou tantrique :]
C'est un très brave homme, mais il est très ignorant – ça semble drôle de dire cela d'un pandit, qui est un grand pandit, qui sait mieux le sanscrit que celui qui est à la tête des Maths [monastères] du Sud, mais je dis qu'il lui manque ça : l'ouverture là-haut. Il a une connexion en ligne droite (geste en flèche vers le haut), et c'est vrai, c'est très haut, mais c'est une pointe – une pointe aiguë qui lui donne une expérience à lui tout seul : il ne peut pas la passer aux autres. N'est-ce pas, ce n'est pas une immensité qui se lève : c'est une pointe.
La dernière fois qu'il est venu méditer, juste avant qu'il monte, tout d'un coup j'ai senti le Seigneur qui venait (il a une façon de se concrétiser quand II veut que je fasse quelque chose), et II s'est concrétisé avec la volonté que je profite de la bonne volonté de cet homme pour élargir sa conscience. C'était très clair. Et il s'est concrétisé avec un Pouvoir, tu sais, de ces Pouvoirs débordants... et un Amour merveilleux. Et c'est venu comme cela, et il a été pris dans ce Mouvement – de quoi a-t-il été conscient ? je ne sais pas. Mais quand il est sorti, il a dit qu'il avait eu une expérience. Et cette fois-ci, il était tout à fait sincère, spontané, naturel, n'essayant pas de... to make a show [bluffer]. C'était très bien.
Non, tu aurais pu gagner quelque chose (auprès de X), mais c'est un quelque chose qui t'aurait paru très petit; si tu l'avais senti, tu aurais dit : «Oh! quoi, c'est ça !?»
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Agenda du 9 février 1972
L’unification complète de tout l’être autour du centre psychique est la condition essentielle pour réaliser une sincérité parfaite.
Oui, je me suis aperçue que les gens sont insincères simplement parce qu’une partie de l’être dit une chose et une autre partie de l’être dit une autre. C’est cela qui fait l’insincérité. C’est venu clairement : tu comprends, une vision – une vision intérieure. Alors j’ai essayé de mettre ça sur le papier, je ne sais pas si c’est clair.
Satprem : Mais il est très difficile d’avoir un état de conscience permanent : que ce soit toujours la même conscience qui domine tout le temps.
Mais ça, c’est quand on n’est pas unifié, mon petit. Pour moi, il y a des années et des années que c’est t-o-u-j-o-u-r-s (Mère fait un geste rectiligne) la même chose. Ça vient de là, c’est la conscience psychique, et c’est CONSTANT.
J’ai eu ces temps derniers pendant quelques instants, l’expérience [de la conscience non unifiée], mais il y a des années que ce n’est plus comme cela – des années, au moins trente ans. Dès que l’être psychique est devenu le maître, a gouverné l’être, c’était FINI – c’est fini, et c’est comme cela (même geste rectiligne). Ça, c’est le signe certain. Toujours comme cela, toujours le même. Et c’est toujours la même chose : «Ce que Tu veux, ce que Tu veux.» Et pas un «Tu» qui est là-haut au diable vauvert et qu’on ne connaît pas : Il est partout, Il est en tout, Il est constamment là, Il est au-dedans de l’être – et on est accroché. C’est la seule solution. Si tu crois que ça se comprend ?
Ah ! oui, ça se comprend !