Cycle de vie des peuples et des nations
Destruction de la France, fin de la civilisation occidentale sont des thèmes récurrents de l'actualité. Ce texte de Sri Aurobindo nous donne un aperçu du cycle de vie des peuples et des nations et nous donne par ailleurs les clefs de notre survie collective.
Un peuple, une grande collectivité humaine, est en fait un organisme, une être vivant qui possède une âme, un mental et un corps collectifs, ou plutôt – car le terme collectif est trop mécanique pour représenter fidèlement la réalité intérieure – communs ou communautaires.
La vie de la société, comme la vie physique de l’être humain individuel, passe par un cycle de naissance, croissance, jeunesse, maturité et déclin, et si cette dernière étape se poursuit assez longtemps sans que rien ne vienne interrompre sa chute, cette société peut périr, comme périrent tous les anciens peuples et nations hormis l’Inde et la Chine, et comme meurt un être humain, de vieillesse.
Mais l’être collectif est également capable de se renouveler, de se rétablir et de commencer un nouveau cycle.
Car en chaque peuple existe une idée d’âme, ou une idée de vie, moins mortelle que son corps, et si cette idée est suffisamment puissante, vaste, dynamique, et si le mental et le tempérament de ce peuple ont suffisamment de force, de souplesse et de vitalité pour allier en son être la stabilité à un élargissement constant, ou à une application nouvelle du pouvoir de l’idée d’âme ou de l’idée de vie, ce peuple peut traverser de nombreux cycles avant d’arriver à une extinction complète.
De surcroît, l’idée elle-même n’est que le principe de manifestation de l’âme en l’être collectif, et chaque âme collective est à son tour une manifestation et un véhicule de l’être spirituel supérieur qui s’exprime dans le Temps et cherche sur terre, en quelque sorte, son propre accomplissement dans l’humanité, à travers les vicissitudes des cycles humains.
Dès lors, un peuple qui apprend à vivre consciemment non seulement en son être physique extérieur – pas même seulement en le pouvoir de l’idée-vie, ou de l’idée-âme qui gouverne les changements de son développement et constitue la clef de sa psychologie et de son tempérament –, mais en l’âme et l’esprit qui sont à l’arrière-plan, ce peuple peut fort bien ne pas s’épuiser, ne pas finir par disparaître ou se désintégrer, ne pas être absorbé par d’autres peuples ni céder la place à une nouvelle race ou une nouvelle population.
Après avoir embrassé en son sein maintes sociétés originales plus petites, et atteint à sa croissance naturelle maximale, il pourra passer sans mourir par de nombreuses renaissances ; et même si, à un moment donné, il semble à bout de forces et sur le point de se désintégrer, le pouvoir de l’esprit pourra lui rendre sa vigueur.
Alors commencera pour lui un autre cycle, plus glorieux encore peut-être que les précédents. L’histoire de l’Inde est l’histoire d’un tel peuple.
Sri Aurobindo – Fondements de la culture indienne (page 415)