Révolution... spirituelle
Pour les autres parties du monde, je ne sais pas, mais en France, en Europe et aux États-Unis, le climat politique et social semble en pleine effervescence. Le moment est dont peut-être opportun de rappeler quelques paroles de Sri Aurobindo.
Sri Aurobindo – Aperçus et Pensées
Tout changerait si seulement l’homme consentait à être spiritualisé. Mais sa nature mentale, vitale et physique se révolte contre la loi supérieure. Il aime son imperfection.
L’Esprit est la vérité de notre être. Dans leur imperfection, le mental, la vie et le corps sont ses masques ; mais dans leur perfection, ils seraient ses formes. Être spirituel ne suffit pas ; cela prépare un certain nombre d’âmes au ciel mais laisse la terre exactement où elle est. Un compromis n’est pas non plus le chemin du salut.
Le monde connaît trois sortes de révolutions. Les révolutions matérielles ont de puissants résultats ; les révolutions morales et intellectuelles sont infiniment plus vastes dans leur horizon et plus riches dans leurs fruits ; mais les révolutions spirituelles sont les grandes semailles.
Si ces trois changements pouvaient coïncider en un parfait accord, une œuvre sans défaut serait accomplie. Mais le mental et le corps de l’homme ne peuvent pas contenir parfaitement la puissance du flot spirituel ; la plus grande partie en est gaspillée et beaucoup du reste, perverti. Dans notre sol, de nombreux labours intellectuels et physiques sont nécessaires pour obtenir une maigre récolte à partir de vastes semailles spirituelles.
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Les changements que nous voyons dans le monde aujourd’hui sont intellectuels, moraux, physiques dans leur idéal et leur intention. La révolution spirituelle attend son heure et, pendant ce temps, fait surgir ses vagues ici et là. Jusqu’à ce qu’elle vienne, le sens des autres changements ne peut pas être compris ; et jusqu’à ce moment-là, toutes les interprétations des événements présents et toutes les prévisions de l’avenir humain sont choses vaines. Car la nature de cette révolution, sa puissance et son issue sont ce qui déterminera le prochain cycle de notre humanité.
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Sri Aurobindo – Pensées et Aphorismes
197 — Athènes, et non Sparte, représente le type progressiste pour l’humanité. L’Inde ancienne, avec son idéal de vastes richesses et de vastes dépenses, était la plus grande parmi les nations. L’Inde moderne, avec sa tendance à un ascétisme national, est devenue totalement pauvre de vie et elle s’est enfoncée dans la faiblesse et la dégradation.
198 — Ne t’imagine pas que quand tu te seras débarrassé de la pauvreté matérielle, les hommes seront toujours heureux ou satisfaits ni que la société sera débarrassée de ses maux, ses difficultés et ses problèmes. C’est seulement une première nécessité et la plus basse. Tant que l’âme au-dedans reste imparfaitement organisée, il y aura toujours, au-dehors, de l’agitation, du désordre et des révolutions.
Ceci est tout à fait évident ; et c’est ce que nous essayons de faire comprendre aux gens. Une vie assurée et tranquille ne suffit pas à rendre les gens heureux. Il faut le développement intérieur, et la paix qui vient du contact conscient avec le Divin.
La Mère du 13 novembre 1969
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238 — Brise les moules du passé, mais garde intacts son génie et son esprit, sinon tu n’as pas d’avenir.
239 — Les révolutions mettent en pièces le passé et le jettent à la fonte dans le chaudron, mais ce qui en émerge est le vieil Éson avec un visage neuf.
240 — Le monde n’a eu qu’une demi-douzaine de révolutions réussies, et même parmi celles-là, la plupart ressemblaient surtout à des échecs ; cependant, c’est par de grands et nobles échecs que l’humanité progresse.
Douce Mère,
Qu’entend Sri Aurobindo par « de grands et nobles échecs » ?
La grandeur et la noblesse d’un événement ne dépendent pas de la réussite matérielle, mais des sentiments qui l’animent et du but que les hommes ont poursuivi. Ce n’est pas le succès qui confère la grandeur mais le mobile de l’action et la noblesse des sentiments qui l’animent.
La Mère Mère – 18 décembre 1969
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274 — Tu penses que l’ascète dans sa cave ou sur le sommet de sa montagne est une pierre et un fainéant. Qu’en sais-tu ? Peut-être emplit-il le monde des puissants courants de sa volonté et le change-t-il par la pression de son état d’âme.
275 — Ce que le libéré voit en son âme sur le sommet de sa montagne, les héros et les prophètes viennent le proclamer et l’accomplir dans le monde matériel.
276 — Les théosophes ont tort dans leur exposé, mais ils ont raison dans l’essentiel. La Révolution française a eu lieu parce qu’une âme sur les neiges de l’Inde a rêvé de Dieu comme liberté, fraternité et égalité.
Ceci veut simplement nous démontrer que la puissance de l’esprit est beaucoup plus grande que toutes les puissances matérielles. Mais toutes deux sont indispensables à la réalisation.
La Mère du 7 janvier 1970
277 — Toute parole et toute action jaillissent toutes prêtes du Silence éternel.
278 — Tout est tranquille dans les profondeurs de l’océan, mais, à la surface, gronde le tumulte joyeux de ses clameurs et de sa course au rivage ; il en est de même pour l’âme libérée au milieu d’une action violente. L’âme n’agit point ; simplement, elle exhale du fond d’elle-même une action irrésistible.
Ceci nous dit encore que Ce qui engendre l’action, la Conscience et la Puissance qui se manifestent dans l’action sont tout autres que les êtres qui l’accomplissent matériellement et qui, dans leur ignorance, pensent qu’ils en sont les auteurs.
La Mère – 8 janvier 1970
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Alors nous en venons à une question plus profonde et plus fondamentale. Même si nous admettons qu'une révolution spirituelle est en cours, une révolution de la conscience, nous pouvons nous demander pourquoi cette "révolution spirituelle-là" réussirait alors que toutes les précédentes ont échoué. Ce passage de l'Entretien de Mère du 21 avril 1951 nous donne une première réponse :
Sri Aurobindo écrit qu’il n’a « pas l’intention de donner sa sanction à une nouvelle édition du vieux fiasco ». Le mot « fiasco » s’applique-t-il à quelque chose de particulier ou de général ?
Cela s’applique à tous les Instructeurs qui sont venus dans le monde. L’un a dit : « J’apporte l’Amour », l’autre a dit : « J’apporte la Paix », l’autre a dit : « J’apporte la Libération », et puis, il y a eu un petit changement au-dedans, quelque chose s’est éveillé à l’intérieur des consciences, mais extérieurement tout est resté exactement le même. C’est cela qui fait le fiasco.
La réalisation et les expériences intérieures n’aident-elles pas au changement extérieur ?
Pas nécessairement. Cela n’aide que si on le veut ; autrement, au contraire, on se détache de plus en plus de la nature extérieure. C’est ce qui arrive à tous ces gens qui cherchent la mukti, la libération ; ils rejettent leur nature extérieure avec son caractère et ses habitudes comme quelque chose de tout à fait méprisable dont il ne faut pas s’occuper ; ils retirent toutes les énergies, toutes les forces de la conscience vers le haut et, s’ils le font avec une perfection suffisante, généralement ils quittent leur corps une fois pour toutes.
Mais dans l’immense majorité des cas, ils ne le font que partiellement et, quand ils sont sortis de leur méditation, de leur contemplation, de leur transe ou de leur samâdhi, ils sont généralement pires que les autres, parce qu’ils ont laissé la nature extérieure sans s’en occuper du tout.
Même les gens ordinaires, quand ils ont des défauts un peu trop voyants, ils essayent de les corriger ou de les contrôler un peu pour ne pas avoir trop de déboires dans la vie, tandis que ces gens qui pensent que la vraie attitude est d’abandonner complètement son corps et sa conscience extérieure et de se retirer entièrement sur les « hauteurs spirituelles » traitent cela comme un vieil habit que l’on jette de côté et que l’on ne raccommode pas — et quand on le reprend, il est plein de trous et de taches.
Cela n’aide pas. Cela n’aide que si l’on a sincèrement la volonté de changer ; si l’on a sincèrement la volonté de changer, c’est une aide puissante, parce que cela vous donne la force de faire le changement, le point d’appui pour faire le changement. Mais il faut sincèrement vouloir changer.
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Voyons maintenant une réponse de Sri Aurobindo
Sri Aurobindo – L’énigme de ce monde (Juin 1933)
Tant que la personnalité extérieure que nous appelons nous-même, est centrée dans les pouvoirs inférieurs de la conscience, l’énigme de notre existence, son but et sa nécessité, sont pour nous un problème insoluble ; si par hasard quelque lueur de vérité est transmise à cet homme mental extérieur, il la saisit imparfaitement et, peut-être, l’interprète mal, s’en sert mal et la vit mal. Le vrai soutien de sa marche est plus dans le feu de la foi que dans les connaissances vérifiées et indubitables.
C’est seulement en s’élevant à une conscience plus haute, au-delà de la ligne mentale, et donc supraconsciente pour lui maintenant, qu’il peut émerger de son incapacité et de son ignorance.
Sa pleine libération, sa complète illumination, viendront quand il aura traversé la ligne et sera entré dans la lumière d’une existence supraconsciente nouvelle.
Telle est la transcendance qui était le but de l’aspiration des mystiques et des chercheurs spirituels.
Mais ceci, en soi, ne changerait rien à la création ici-bas ; l’évasion d’une âme libérée du monde ne fait aucune différence pour ce monde.
Cependant, cette traversée de la ligne, si elle était utilisée à des fins non seulement ascendantes, mais descendantes aussi, amènerait la transformation de la ligne elle-même, de ce qu’elle est maintenant, une barrière, un couvercle, en un passage pour les hauts pouvoirs de conscience de l’Être qui sont à présent au-dessus d’elle.
Ce serait une nouvelle création sur la terre, l’intervention des puissances ultimes qui renverseraient les conditions de ce monde ; car ce serait une création fondée sur le plein flot de la lumière spirituelle et supramentale, au lieu d’une création sortie de l’inconscience matérielle et qui émerge dans la pénombre du mental.
C’est seulement dans le plein flot de l’esprit réalisé que l’être incarné peut savoir, avec tout ce que cela comporte, la signification et la nécessité temporaire de sa descente dans les conditions de l’obscurité, et qu’il peut, en même temps, les dissoudre par une transmutation lumineuse qui les changera en une manifestation ici-bas du Divin révélé et non plus voilé et déguisé, ni même apparemment déformé.
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C'est la raison pour laquelle cette "révolution spirituelle" n'est sans aucune mesure comparable aux spiritualités du passé. Car en effet, Sri Aurobindo-Mère ont brisé cette ligne, cette barrière, ce couvercle, et établi la jonction définitive entre la Conscience supramentale et la conscience terrestre. Et depuis, le Principe Supramental ne cesse de poursuivre son travail constant d'infiltration.
Première manifestation supramentale
(Pendant ta méditation en commun du Mercredi)
Ce soir, la Présence Divine était là, présente parmi vous, concrète et matérielle. J’avais une forme d’or vivant, aussi grande que l’univers, et je me trouvais devant une immense porte d’or massif – la porte qui séparait le monde du Divin.
Regardant la porte, j’ai su et voulu, dans un unique mouvement de conscience, que le temps est venu (the time has come) ; et soulevant un énorme marteau d’or que je tenais à deux mains, j’en assénais un coup, un seul, sur la porte, et la porte a été mise en miettes.
Alors la lumière, la force et la conscience supramentales se répandirent en flots ininterrompus sur la terre.
Agenda de l'Action supramentale sur la terre
29 février 1956