L'évolution spirituelle... inévitable
À défaut de lire La vie divine dans son intégralité, Sraddhalu explique dans une vidéo que la Mère conseillait de lire les six derniers chapitres qui ont été publiés à part sous le titre de L'évolution spirituelle, chapitre certainement très important à ces yeux car Mère les a traduit elle-même. En outre, ces six derniers chapitres touchent au cœur du problème de la transformation de l'homme et du monde.
Certains nient la réalité de la théorie de l'évolution, et apparemment à juste titre, car aucune espèce n'a jamais réussit à s'élever au-delà d'elle-même ; l'homme reste toujours tel qu'il est, avec les mêmes vicissitudes et turpitudes que ces ancêtres ; et dans la mesure où le Divin est parfait de toute éternité, il n'a aucun besoin d'évoluer. Dans le premier chapitre Sri Aurobindo répond de façon magistrale à ces objections légitimes.
Dans le deuxième chapitre, lorsque nous avons admis qu'il y avait bien une intention évolutive dans la Nature, que l'évolution était une manifestation progressive de l'esprit, Sri Aurobindo soulève deux questions fondamentales que nous devons résoudre si nous voulons participer consciemment à cette émergence de la conscience spirituelle :
"Mais si l’on admet que telle est bien l’intention de la Nature, deux questions se posent aussitôt qui exigent une réponse décisive. D’abord, quelle est la nature exacte de la transition de l’être mental à l’être spirituel, et, cette question résolue, quels sont le processus et la méthode qui rendent possible une évolution de l’homme spirituel à partir de l’homme mental ?"
Notons au passage que même ceux qui croient a cette ancestrale prophétie qu'il y aura de nouveaux cieux et une nouvelle terre, seraient probablement assez embarrassés s'ils devaient expliquer comment cela se fera et comment l'homme peut participer. C'est la raison pour laquelle ce livre revêt une importance particulière.
Une toute première étape pourrait consister à définir ce qu'est la spiritualité et ce qu'elle n'est pas.
"Au début, la vérité de l’esprit et de la spiritualité n’est pas évidente pour le mental. L’homme commence par percevoir mentalement son âme comme quelque chose d’autre que son corps, supérieur à son mental et à sa vie ordinaires ; mais il n’en a pas une perception claire, il n’a qu’une vague sensation de certains effets qu’elle produit sur sa nature. Et comme ces effets revêtent une forme mentale ou vitale, la distinction n’est pas rigoureusement marquée, la perception de l’âme n’a pas encore acquis un caractère distinct et bien établi.
D’une manière générale, en effet, on confond l’âme avec une formation complexe faite d’influences partielles provenant du psychique et de sa pression sur les parties mentales et vitales, formation qui est mélangée d’aspiration mentale et de désir vital ; de même, on confond l’ego séparé avec le moi, bien que le moi, en son être véritable, en son essence, soit universel aussi bien qu’individuel, et la spiritualité avec un mélange d’aspiration mentale, d’ardeur et d’enthousiasme vital, rehaussés par une croyance ou une consécration suffisamment intense ou élevée, ou par un élan altruiste.
Mais ce vague et cette confusion sont inévitables ; c’est une étape de l’évolution, qui, puisque l’ignorance est son point de départ et le sceau de notre nature primitive, doit nécessairement commencer par une perception intuitive imparfaite et par un élan instinctif ou une recherche qui ne s’appuie sur aucune expérience acquise, aucune connaissance claire.
Même les formations qui sont les premiers effets de cette perception ou de cet élan, ou les premiers indices de l’évolution spirituelle, ont inévitablement ce caractère incomplet et provisoire. Mais l’erreur qui en résulte est un obstacle sérieux, qui nous empêche de comprendre la vraie nature de la spiritualité.
Il faut donc insister sur le fait que celle-ci ne se réduit pas à une haute intellectualité ni à un idéalisme, à un penchant éthique du mental ou à une pureté et une austérité morales, ni à une religiosité ou une ferveur émotive ardente et exaltée, ni même à un composé de toutes ces excellentes choses.
Les croyances, les credo ou la foi du mental, l’aspiration du cœur, la réglementation de la conduite suivant une formule religieuse ou morale, ne sont pas l’expérience spirituelle ni la réalisation spirituelle. Ces choses ont une valeur considérable pour le mental et la vie ; elles ont de la valeur pour l’évolution spirituelle elle-même en tant que mouvements préparatoires qui disciplinent, purifient la nature et lui donnent une forme appropriée. Mais elles appartiennent encore à l’évolution mentale ; on n’y trouve pas le commencement d’une réalisation, d’une expérience et d’une transformation spirituelles.
Dans son essence, la spiritualité est l’éveil à la réalité intérieure de notre être, à l’esprit, au moi, à l’âme qui est autre que notre mental, notre vie et notre corps ;
c’est une aspiration intérieure pour connaître, sentir, être Cela, pour entrer en contact avec la Réalité plus vaste qui dépasse l’univers et le pénètre, et qui demeure également en notre être ;
c’est une aspiration pour entrer en communion avec cette Réalité et pour s’unir à elle, et, comme résultat de l’aspiration, du contact et de l’union, c’est un renversement, une conversion, une transformation de tout l’être, une croissance ou un éveil dans un nouveau devenir ou un nouvel être, un nouveau moi, une nouvelle nature."
Terminalia catappa – Amandier commun
Aspiration spirituelle
Monte en flèche sans se soucier des obstacles ni des retardataires.
Et quelque pages plus loin, Sri Aurobindo écrit ces paroles très fortes :
"L’établissement d’une pure conscience spirituelle est en effet le premier objectif dans l’évolution de l’homme spirituel ; et pour le chercheur spirituel, cette réalisation, ainsi que l’aspiration de cette conscience à entrer en contact avec la Réalité, le Moi ou l’Être Divin, doivent être la première et principale, et même l’unique préoccupation, jusqu’à ce que cet objectif soit pleinement réalisé. C’est la seule chose indispensable et chacun doit l’accomplir suivant la voie qu’il est capable de suivre, et suivant les capacités spirituelles qu’il a développées dans sa nature."
La bonne nouvelle est qu'à de multiples reprises Sri Aurobindo a répété le caractère inévitable de cette évolution spirituelle, en voici trois exemples issus des deux premiers chapitres :
Au cours des étapes précédentes de l’évolution, le premier soin et le premier effort de la Nature devaient porter sur un changement dans l’organisation physique, car c’est seulement ainsi que pouvait se produire un changement de conscience ; cette nécessité était imposée par le fait que la force de la conscience déjà formée était insuffisante pour effectuer un changement dans le corps. Mais avec l’homme un renversement devient possible ; il est même inévitable. C’est par sa conscience, en effet, par la transmutation de sa conscience, et non plus par un nouvel organisme corporel comme premier instrument, que l’évolution peut et doit s’effectuer. Dans la réalité intérieure des choses, le changement de conscience a toujours été le fait majeur. L’évolution a toujours eu une signification spirituelle et le changement physique a seulement servi d’instrument ; mais cette relation était tout d’abord cachée par l’équilibre anormal des deux facteurs, le corps de l’inconscience extérieure dépassant en importance et obscurcissant l’élément spirituel, l’être conscient.
[…]
Ce qu’il faut donc faire ressortir tout d’abord, c’est la nette distinction entre le spirituel et le mental, la nature de cette évolution et les facteurs qui rendent possible et inévitable une émergence de l’esprit avec son vrai caractère distinctif, en sorte que celui-ci ne reste pas un simple aspect subordonné ou dominant de notre mentalité — comme c’est surtout le cas dans son évolution actuelle, ou comme sa manifestation présente semble le suggérer —, et qu’il se définisse en tant que pouvoir nouveau qui finalement surpassera la partie mentale de notre être et prendra sa place comme guide de la vie et de la nature humaines.
[…]
De même, l’âme en l’homme n’apparaît pas tout d’abord comme entièrement distincte du mental et de la vie mentalisée ; ses mouvements sont mêlés aux mouvements mentaux, ses opérations semblent être des activités mentales et émotives ; l’être mental humain n’est pas conscient de l’existence en lui d’une âme qui se tient en arrière du mental, de la vie et du corps, et s’en détache, qui voit, dirige et modèle leur action et leur formation ; mais à mesure que progresse l’évolution intérieure, c’est précisément ce qui peut et doit arriver, et ce qui arrive en fait — c’est la prochaine étape, longtemps retardée mais inévitable, de notre destin évolutif.
La spiritualité ne peut venir que d'une ouverture du mental, du vital et du physique à l'âme profonde, au Moi supérieur, au Divin, et de leur subordination aux forces spirituelles, de leur utilisation comme des canaux de la Lumière intérieure, de la Connaissance et du Pouvoir supérieurs. Sri Aurobindo – Lettres sur le Yoga
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Toute la perfection dont l'homme extérieur est capable, n'est que la réalisation de l'éternelle perfection de l'Esprit qui est en lui. Nous connaissons le Divin et devenons le Divin parce que nous Le sommes déjà dans notre nature intime. Sri Aurobindo – La Synthèse des Yogas
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La préoccupation la plus ancienne de l'homme dans ses pensées conscientes et, semble-t-il, sa préoccupation inévitable et ultime ... est aussi la plus haute que sa pensée puisse envisager. Elle se manifeste dans le pressentiment de la Divinité, l'élan vers la perfection, la recherche de la Vérité pure et de la Béatitude sans mélange, le sens d'une immortalité secrète. Les anciennes aurores de la connaissance humaine nous ont laissé le témoignage de cette constante aspiration ; aujourd'hui, nous voyons une humanité rassasiée, mais non pas satisfaite par l'analyse victorieuse des caractères extérieurs de la Nature et se préparant à retourner à ses aspirations premières. La première formule de la Sagesse promet d'être la dernière : Dieu, la Lumière, la Liberté, l'Immortalité. Sri Aurobindo – La vie divine
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Mais l'esprit même du Yoga est de rendre normal l'exceptionnel et de changer ce qui est au-dessus de nous et plus grand que notre moi normal en un état constant de notre conscience. Par conséquent, nous ne devons pas hésiter à nous ouvrir plus continûment à notre expérience de l'Infini, quelle qu'elle soit, à la purifier, l'intensifier, à en faire l'objet constant de notre pensée et de notre contemplation. Sri Aurobindo – La Synthèse des Yogas