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Extraits du 3e chapitre du Yoga de la Perfection de Soi

Cette divine perfection de soi représente donc essentiellement une conversion de la nature humaine à l’image de la nature divine et une union fondamentale avec cette nature, un rapide modelage de l’image de Dieu en l’homme et l’ultime finition de cette ébauche idéale. C’est ce que d’ordinaire on appelle sâdrishya-mukti, une libération à la ressemblance divine qui nous libère de l’esclavage à l’apparence humaine. La Gîtâ appelle cela sâdharmya-gati, «   devenir un   » en la loi de notre être avec le Divin suprême, universel et immanent.

Pour avoir une perception claire du chemin qui conduit à cette transformation, il faut d’abord se faire une idée pratique de cette réalité complexe qu’est la nature humaine actuelle et du mélange confus de ses divers principes, afin de saisir la nature exacte de la conversion que chacune de ces parties doit accomplir et les moyens les plus efficaces d’y parvenir.

Comment ce nœud de matière pensante, mortelle, va-t-il se défaire et libérer l’Immortel qu’elle retient, comment extraire de cet homme-animal vital, mentalisé, cette lueur de Divinité submergée, et l’extraire entièrement sans rien perdre de sa joie ?

Tel est le vrai problème qui se pose à l’être humain et à son existence. La Vie fait souvent apparaître de premières lueurs de la divinité, mais sans les dégager complètement ; le yoga défait le nœud de la difficulté de la Vie.

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Il nous faut tout d’abord saisir le secret central de cette complexité psychologique qui crée le problème et toutes ses difficultés.

Ensuite Sri Aurobindo nous explique que la psychologie ordinaire et la psychologique ne nous serons d'aucune utilité et en vient à nous donner une première clef :

le mental se révèle être une énergie supérieure qui échappe aux limitations de la formule vitale et physique de l’être. Mais cela même ne constitue pas la totalité de ce que l’homme est ou peut devenir ; il a le pouvoir de développer et de libérer une énergie idéale (1) plus grande encore, qui à son tour échappe aux limitations de la formule mentale de sa nature et révèle la forme supramentale, le pouvoir idéal de l’être spirituel.

Par le yoga, nous devons nous libérer de la nature physique et de l’homme de surface et découvrir le fonctionnement de la nature intégrale de l’homme vrai. Autrement dit, nous devons découvrir et mettre en pratique une connaissance psycho-physique d’inspiration spirituelle.

(1) «   La pensée supramentale présente toujours l’idée comme une substance d’être lumineuse, une substance de conscience lumineuse, qui prend telle ou telle forme de pensée significative ; par conséquent, elle ne donne pas cette impression d’un gouffre entre l’idée et le réel comme nous pouvons le sentir dans le mental ; au contraire, c’est une réalité en soi, c’est une “idée réelle”, c’est le corps même de la réalité. Quand elle fonctionne dans sa pureté naturelle, elle suscite un phénomène de lumière spirituelle qui est tout différent de la clarté intellectuelle et elle s’accompagne d’une grande force réalisatrice, d’un ravissement lumineux. C’est une vibration intensément sensible d’être, de conscience et d’Ânanda.   »

(Sri Aurobindo, La Synthèse des Yogas, tome II, p. 345.)

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En sa nature réelle, l’homme est un esprit qui se sert du mental, de la vie et du corps pour une expérience individuelle et collective et pour se manifester dans l’univers. Si obscure cette vérité puisse-t-elle paraître à notre compréhension et notre conscience actuelles, nous devons y ajouter foi aux fins du yoga ; alors nous découvrirons que notre foi est justifiée par une expérience croissante et par une plus vaste connaissance de soi.

Cet esprit est une existence infinie qui se limite dans un être apparent pour une expérience individuelle. C’est une conscience infinie qui se définit en des formes de conscience finies pour la joie d’une connaissance et de pouvoirs d’être variés. C’est une félicité d’être infinie qui se dilate et se contracte elle-même et ses pouvoirs, qui se cache et se révèle, formule les innombrables degrés de la joie de son existence, fût-ce jusqu’à l’obscurcissement et à l’apparente négation de sa propre nature.

En soi, cet esprit est le Satchidânanda éternel, mais cette complexité, cette façon de nouer et de dénouer l’infini dans le fini est l’aspect qu’il assume à nos yeux dans la nature universelle et individuelle. Découvrir ce Satchidânanda éternel, ce moi essentiel de notre être et vivre en lui, tel est le solide fondement ; révéler sa vraie nature pour qu’il puisse créer une divine manière de vivre en chaque partie de l’être — le supramental, le mental, la vie et le corps —, est le principe actif de la perfection spirituelle.

Hedychium – Gingembre (Famille du)

Satchidânanda

Forte et pure, elle se dresse dans son pouvoir créateur.

Chapitre 3 : page 98-108

Ensuite, Sri Aurobindo nous dit que "le supramental, le mental, la vie et le corps sont les quatre instruments que l’esprit utilise pour se manifester dans les œuvres de la Nature" et décrit comment le Supramental fonctionne et agit au sein des autres instruments. Il en arrive petit à petit à la clef décisive :

Mais pour comprendre [les opérations de l'esprit] et parvenir à une connaissance qui nous donnera le levier, le pouvoir de tirer ces instruments de l’ornière établie où tourbillonne notre vie, nous devons percevoir que l’Esprit a fondé toutes ses opérations sur deux aspects jumeaux de son être   : l’Âme et la Nature, Purusha et Prakriti.

Nous sommes obligés de les considérer comme différents l’un de l’autre et possédant des pouvoirs différents, car dans la pratique, pour notre conscience, cette différence est valable ; mais ce sont seulement deux côtés d’une même réalité, deux pôles de l’être conscient unique.

Le Purusha est l’esprit qui perçoit les opérations de sa nature, les soutient par son être, jouit d’elles en sa félicité d’être ou rejette leur jouissance. La Nature est le pouvoir de l’esprit, et elle est aussi l’opération et le processus du pouvoir de l’esprit formulant les noms et les formes de l’être, façonnant l’action de la conscience et de la connaissance, se projetant dans la volonté et l’impulsion, dans la force et l’énergie, s’accomplissant dans la jouissance. La Nature est Prakriti, Mâyâ, Shakti.

[...]

Par ce pouvoir de sa nature, le Purusha est capable de prendre à volonté n’importe quelle position, comme il lui plaît, et de suivre la loi et la forme d’existence appropriées à toute formule qu’il choisit de se donner.

Il est l’âme, il est l’esprit éternel doué de son propre pouvoir d’existence, qui se tient au-dessus de sa manifestation et la gouverne ;

il est l’âme, il est l’esprit universel qui se déroule dans le pouvoir de devenir de sa propre existence, infini dans le fini ;

il est l’âme, l’esprit individuel absorbé dans le développement de quelque cours particulier de son devenir, en apparence un être fini en évolution dans l’infini.

Il peut être toutes ces choses à la fois   : l’esprit éternel universalisé dans le cosmos, et l’esprit individualisé dans ses êtres ; il peut aussi établir sa conscience en n’importe laquelle de ces positions — rejetant, gouvernant ou acceptant l’action de la Nature —, repousser les autres positions à l’arrière-plan ou les écarter et se percevoir lui-même en tant qu’éternité pure, universalité se soutenant elle-même, ou en tant qu’individualité exclusive.

Quelle que soit la formule que suit sa nature, l’âme semble s’identifier à elle, se voir sous cette forme, mais seulement dans la partie frontale et active de sa conscience, car jamais elle n’est seulement ce qu’elle paraît être   : elle est secrètement tout le reste, elle est cette totalité d’elle-même encore cachée.

Elle n’est pas irrévocablement limitée par une formule particulière d’elle-même dans le temps, elle peut passer au travers et au-delà de cette formule, la briser ou la développer, sélectionner, rejeter, recréer, révéler au sein d’elle-même une plus large formule.

Ce qu’elle croit être de par la volonté active de sa conscience dans ses instruments, elle l’est ou tend à le devenir, yo yatchraddah sa eva sah ; sa foi en elle-même et ce qu’elle est certaine de devenir un jour, elle le développe ou le découvre, et en cela elle transforme sa nature.

🌸

Ce pouvoir de l’âme sur sa nature a une importance capitale pour le yoga de la perfection de soi ; s’il n’existait pas, nous ne pourrions jamais, par l’aspiration et l’effort conscients, nous extraire des ornières de notre être humain actuel imparfait ; si quelque perfection plus grande était prévue, nous devrions attendre que la Nature la réalise à son rythme, tantôt lent, tantôt rapide, au cours de son évolution.

Dans les formes inférieures de l’être, l’âme accepte cette soumission complète à la Nature, mais à mesure qu’elle s’élève dans l’échelle évolutive, elle s’éveille à la perception de quelque chose en elle-même qui peut commander à la Nature ;

mais c’est seulement quand elle arrive à la connaissance de soi que ce libre arbitre et cette libre maîtrise deviennent tout à fait réels.

Ce changement s’effectue suivant un processus naturel, et non par quelque magie capricieuse ; il suit un développement méthodique, un processus intelligible.

Quand on parvient à la maîtrise totale, il se peut que le processus, par sa rapidité et son efficacité, apparaisse comme un miracle à l’intelligence, mais il n’en suit pas moins la loi de la vérité de l’Esprit   : le Divin en nous, par l’étroite union de notre volonté et de notre être avec lui, prend la charge du yoga et œuvre comme le maître omnipotent de la nature, car le Divin est notre Moi suprême et le moi de toute la Nature, le Purusha éternel et universel.

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Le Purusha peut s’établir sur n’importe quel plan de l’existence, prendre n’importe quel principe d’existence comme sommet immédiat de son pouvoir, et vivre selon le fonctionnement de ce mode particulier d’action consciente.

Ensuite Sri Aurobindo décrit ce qui se passe lorsque l'âme prend position "dans le principe d’unité infinie de l’existence en soi [...], dans le principe de l’énergie consciente infinie, [...], dans le principe de félicité infinie existant en soi [...], dans le principe supramental,[...], dans le principe mental [...], dans le principe de vie [...], dans le principe matériel et quand elle retombe dans l’ignorance [et] se perçoit comme un ego qui s’identifie à la nature du mental, de la vie et du corps, c’est-à- dire comme une création de la Nature."

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Le Purusha universel demeure sur tous ces plans avec une certaine simultanéité, et sur chacun de ces principes il édifie un monde ou une série de mondes où les êtres vivent selon la nature propre à chaque principe. [...]

Par le pouvoir transformateur du yoga, il peut prendre conscience de ces mondes cachés, voilés à ses sens et à son mental physiques matérialisés qui ne perçoivent que le monde matériel ; alors il s’aperçoit que son existence matérielle [...] est en relation constante avec des plans supérieurs dont les pouvoirs et les êtres agissent sur elle. Il peut s’ouvrir à ces plans supérieurs, les rendre plus actifs en lui et participer dans une certaine mesure à la vie des autres mondes. [...]

Mais sa capacité la plus importante est qu’il peut développer en lui-même les pouvoirs des principes supérieurs   : un pouvoir de vie plus vaste, une lumière mentale plus pure, l’illumination supramentale, l’existence, la conscience et la félicité infinies de l’esprit. Par un mouvement ascendant, il peut porter son imperfection humaine vers cette plus grande perfection.

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Mais quel que soit son but, si haute soit son aspiration, il est obligé de partir de la loi de son imperfection présente, obligé d’en tenir pleinement compte et de voir comment elle peut se convertir en la loi d’une éventuelle perfection.

La loi présente de son être part de l’inconscience de l’univers matériel, d’une involution de l’âme dans les formes, d’une sujétion à la nature matérielle, et, bien que dans cette matière la vie et le mental aient développé leurs énergies propres, ils n’en sont pas moins limités et liés à l’action de la matière inférieure qui, pour l’ignorance de sa conscience pratique de surface, représente son principe originel.

Bien que l’homme soit un être mental incarné, le mental en lui est obligé d’accepter l’autorité du corps et de la vie physique, et il ne peut maîtriser consciemment la vie et le corps que par une dépense d’énergie et un effort de concentration assez considérables.

C’est seulement en perfectionnant cette maîtrise qu’il peut s’acheminer vers la perfection ; et c’est seulement en développant le pouvoir de l’âme qu’il peut atteindre la perfection.

Le pouvoir de la Nature en lui doit devenir de plus en plus complètement un acte conscient de l’âme, une expression consciente de la volonté et de la connaissance totales de l’esprit.

Prakriti doit se révéler comme la Shakti du Purusha.

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