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Après le sujet des religions qui a été abondamment traité, bien qu'il y aurait encore des choses à dire et des textes à partager, je commence maintenant une nouvelle compilation de textes sur le sujet de la transformation. À vrai dire, je ne sais pas moi-même où cette exploration va nous conduire, si ce n'est que ce seront des jolies choses, des choses intéressantes. Mon idée de base est seulement de ne pas nécessairement entrer dans des aspects très précis du yoga des cellules par exemple, mais plutôt de trouver les textes qui donnent une vision plus générale, qui posent les conditions de base.

Voici le premier, de la Mère :

TRANSFORMATION

Nous voulons une transformation intégrale, la transformation du corps et de toutes ses activités. Mais il est un premier pas, tout à fait indispensable, qui doit être accompli avant que rien d’autre ne puisse être entrepris ; c’est la transformation de la conscience.

Le point de départ est, cela va sans dire, l’aspiration vers cette transformation et la volonté de la réaliser, sans cela rien ne peut se faire ; mais si à l’aspiration on ajoute une ouverture intérieure, une sorte de réceptivité, on peut pénétrer d’un seul coup dans cette conscience transformée et s’y maintenir.

Ce changement de conscience est, pour ainsi dire, brusque ; lorsqu’il se produit c’est de façon soudaine, quoique la préparation puisse en avoir été longue et lente. Je ne parle pas ici d’un simple changement dans le point de vue mental, mais d’un changement de la conscience elle-même. C’est un changement complet et absolu, une révolution de l’équilibre de base ; le mouvement est le même que celui de retourner une balle du dedans au dehors.

Pour la conscience transformée tout paraît non seulement nouveau et différent, mais presque l’opposé de ce que cela paraissait à la conscience ordinaire.

Dans la conscience ordinaire, vous avancez lentement, par des expériences successives, de l’ignorance vers une connaissance très éloignée et souvent douteuse. Dans la conscience transformée votre point de départ est la connaissance et vous avancez de connaissance en connaissance. Cependant ceci n’est qu’un commencement, car la conscience extérieure, les différents plans et parties de l’être extérieur et actif ne se transforment que lentement et graduellement comme une conséquence de la transformation intérieure.

Il y a un changement partiel de la conscience qui vous fait perdre tout intérêt dans les choses que l’on considérait autrefois comme désirables ; mais ce n’est qu’un changement de conscience, et non pas ce que nous appelons la transformation, car celle-ci est fondamentale et absolue ; ce n’est pas seulement un changement, c’est un renversement de la conscience, l’être se retourne, pour ainsi dire, et se place dans une position entièrement différente.

Dans la conscience ainsi retournée, l’être se tient au-dessus de la vie et des choses et de là s’occupe d’elles ; il est au centre de tout et de là dirige son action vers le dehors.

Tandis que dans la conscience ordinaire l’être se tient au-dehors et en dessous ; du dehors il s’efforce d’atteindre le centre ; d’en dessous, écrasé sous le poids de son ignorance et de son aveuglement, il lutte désespérément pour s’élever au-dessus d’eux. La conscience ordinaire ignore ce que les choses sont en réalité, elle ne voit que leur coquille. Mais la vraie conscience se trouve au centre, au cœur de la réalité et a la vision directe de l’origine de tous les mouvements. Située au-dedans et au-dessus, elle connaît la source, la cause et l’effet de toutes les choses et de toutes les forces.

Et je le répète, ce renversement est subit. Quelque chose s’ouvre en vous et vous vous trouvez tout d’un coup dans un nouveau monde.

Le changement peut ne pas être dès le début final et définitif, il demande parfois du temps pour s’installer de façon permanente et devenir votre nature normale.

Mais une fois que le changement a pris place, il est là en principe, une fois pour toutes ; et ensuite ce qui est nécessaire est de l’exprimer graduellement dans les détails de la vie concrète.

La première manifestation de la conscience transformée semble être toujours brusque. Vous ne vous sentez pas changer lentement et graduellement d’un état à un autre ; vous vous sentez soudain comme éveillé, ou nouvellement né.

Aucun effort de la pensée ne peut vous y amener, car vous ne pouvez pas vous imaginer avec la pensée ce que c’est, pas plus qu’aucune description mentale ne peut être adéquate.

Et tel est le point de départ de toute transformation intégrale.

La Mère – Bulletin, août 1950

🌸

Voilà qui me ramène à l'une de mes paroles préférée :

Les conditions dans lesquelles les hommes vivent sur la terre sont le résultat de leur état de conscience. Vouloir changer les conditions sans changer la conscience est une vaine chimère.

Continuons un moment de suivre la piste du changement de conscience, puisque tout doit commencer par là, et voyons où cela nous mène :

Œuvres intégrales de la Mère
Tome 2 : Entretiens 1929-1931

Renoncement

De tous les renoncements, le plus difficile est de renoncer à ses bonnes habitudes.

Dans les livres, on trouve beaucoup de choses écrites sur le renoncement ; il y est dit que vous devez renoncer à toute possession, à tout attachement, à tout désir. Et moi, je vous dis que tant que vous avez à renoncer à quelque chose, vous n’êtes pas encore sur ce chemin. Car, tant que vous n’êtes pas complètement dégoûté des choses telles qu’elles sont et que vous avez à faire un effort pour les rejeter, vous n’êtes pas prêt pour la réalisation supramentale. Si les constructions du Surmental, si le monde qu’il a érigé et l’ordre existant qu’il soutient, vous satisfont encore, vous ne pouvez pas espérer prendre part à la nouvelle réalisation. C’est seulement quand vous trouverez le monde actuel dégoûtant, insupportable et inacceptable que vous serez mûr pour le changement de conscience. C’est pourquoi je ne donne aucune importance à l’idée de renoncement.

Si vous renoncez à quelque chose, cela veut dire que vous devez abandonner ce que vous appréciez, que vous devez rejeter ce qui vous paraît digne d’être gardé. Ce que vous devez sentir, au contraire, c’est que ce monde est laid, stupide, brutal et plein d’une souffrance intolérable ; et quand vous sentez de cette manière, toute la conscience physique et matérielle qui ne veut pas qu’il en soit ainsi et travaille pour que cela change, s’écrie   : «   Je veux quelque chose d’autre, quelque chose qui soit vrai et beau, plein de félicité, de connaissance et de conscience. Ici tout flotte sur un océan de sombre inconscience.   » Mais quand vous voulez le Divin de toute votre volonté, toute votre résolution, toute votre aspiration et votre intensité, Il vient sûrement.

Cependant, il ne s’agit pas seulement d’améliorer le monde. Bien des gens réclament un changement de gouvernement, une réforme sociale, des œuvres philanthropiques, dans l’illusion qu’ils pourront ainsi rendre le monde meilleur. Mais nous, nous voulons un monde nouveau, un monde vrai, l’expression de la Vérité-Conscience. Ce monde sera réalisé ; il doit l’être ; et le plus tôt sera le mieux.

Mais ce ne doit pas être seulement un changement subjectif. La vie physique tout entière doit être transformée. Ce que demande le monde matériel, ce n’est pas un simple changement de conscience en nous ; il dit, en effet   : «   Vous vous retirez dans votre béatitude, vous devenez lumineux, vous avez la connaissance divine ; mais cela ne me change pas, moi. Et je reste toujours l’enfer que je suis pratiquement !   » Le vrai changement de conscience est celui qui changera les conditions physiques du monde et en fera une création entièrement nouvelle.

Entretien de Mère du 4 janvier 1951

Mère lit, puis commente un article du Bulletin d’août 1950, intitulé «   Transformation   ».

Nous voulons une transformation intégrale, la transformation du corps et de toutes ses activités. Autrefois, quand on parlait de transformation, on voulait dire uniquement la transformation de la conscience intérieure. On essayait de découvrir en soi la conscience profonde et on rejetait le corps et ses activités comme une chose encombrante et inutile, pour ne s’occuper que du mouvement intérieur. Sri Aurobindo a déclaré que ce n’était pas suffisant ; la Vérité voulait que le monde matériel, lui aussi, participe à cette transformation et devienne une expression de la Vérité profonde.

Mais quand on a dit cela aux gens, beaucoup ont pensé qu’il était possible de transformer le corps et ses activités sans s’occuper le moins du monde de ce qui se passait au-dedans — naturellement ce n’est pas tout à fait vrai. Avant de pouvoir entreprendre ce travail de transformation physique qui de toutes choses est le plus difficile, il faut avoir sa conscience intérieure fermement établie, solidement établie dans la Vérité, de façon que cette transformation soit une ultime expression de la Vérité — «   ultime   » pour cette fois-ci.

Le point de départ de cette transformation est la réceptivité, nous en avons déjà parlé. C’est la condition indispensable pour pouvoir obtenir la transformation.

Puis vient le changement de conscience. On a souvent comparé ce changement de conscience et sa préparation à la formation du poussin dans l’œuf   : jusqu’à la dernière seconde l’œuf reste semblable à lui-même, il n’y a aucun changement, et c’est seulement quand le poussin est complètement formé, absolument vivant, qu’il fait lui-même, avec son petit bec, un trou dans l’œuf, et il sort. C’est quelque chose d’analogue qui se produit au moment du changement de la conscience. Pendant longtemps, vous avez l’impression que rien ne se passe, que votre conscience est comme d’habitude, et même, si vous avez une aspiration intense, vous sentez une résistance, comme si vous vous cogniez contre un mur qui ne veut pas céder. Mais quand vous êtes prêts au-dedans, un dernier effort, le coup de bec dans la coquille de l’être, et tout s’ouvre et vous êtes projeté dans une autre conscience.

J’ai dit que c’était une «   révolution de l’équilibre de base   », c’est-à-dire un renversement total de conscience, comparable à ce qui arrive à la lumière quand elle passe par un prisme. Ou bien c’est comme si vous retourniez une balle du dedans au-dehors, ce qui ne peut se faire que dans la quatrième dimension. On sort de la conscience ordinaire de la troisième dimension pour entrer dans la conscience supérieure de la quatrième dimension, et dans un nombre infini de dimensions. C’est le point de départ indispensable. À moins que votre conscience ne change de dimension, elle restera telle qu’elle est avec la vision superficielle des choses, et toutes les profondeurs vous échapperont.

Est-ce qu’il y a quelqu’un, ici, qui a déjà eu l’expérience de ce renversement de conscience et qui peut expliquer en français ce qu’il a éprouvé ?

X – C’était comme une douleur dans le cœur, qui a duré pendant un jour. Le lendemain, quand je me suis levée, c’était comme si je sortais d’une méditation profonde et toutes mes pensées, toutes mes actions, semblaient être dirigées par quelque chose ou quelqu’un qui veillait à côté de ma tête. Toutes les paroles qui sortaient de ma bouche étaient justes.

Comment était cette douleur ? une pression ? un déchirement ? une tension ?

X – C’était comme si quelque chose n’était pas heureux en moi, mais tout cela a changé pendant la nuit ; le lendemain, le malaise était parti.

C’était sans aucun doute une ouverture mentale à la conscience supérieure, une ascension de la conscience mentale vers la conscience supérieure. Et c’était probablement une résistance dans le vital émotif qui a causé la douleur, cette sensation désagréable qui a disparu pendant la nuit avec la libération de la conscience dans un domaine supérieur.

Y – Quand j’étais devant Sri Aurobindo, j’ai senti comme une douleur aiguë. J’ai prié Sri Aurobindo pour qu’il me donne quelque chose. Et tout d’un coup, la douleur s’est changée en une joie intense. C’était un contact avec votre être psychique.

Z – On a souvent l’expérience d’une ascension de la conscience au-dessus de la terre. On semble entrer dans une région où tous les problèmes, toutes les questions disparaissent plutôt qu’ils ne reçoivent une réponse. Ils semblent n’avoir plus aucune importance. Mais ce n’est pas, quand même, «   aller de connaissance en connaissance   ».

C’est une ouverture de l’être intérieur à la Présence divine dans le centre psychique, et là, vous savez à chaque moment non seulement ce qu’il faut faire, mais pourquoi il faut le faire et comment il faut le faire, et vous avez la vision de la vérité des choses derrière les apparences.

Au lieu de voir les choses de la façon ordinaire, c’est-à-dire du dehors, et tellement du dehors que, sauf quelque rares cas, on est incapable même de savoir ce que pense une autre personne (il faut faire un grand effort, vous voyez seulement la surface des choses et rien de ce qui se passe derrière), eh bien, après cette ouverture intérieure et cette identification à la Présence divine dans le centre psychique, vous voyez les choses du dedans au-dehors, et le dehors devient une expression plus ou moins déformée de ce que vous voyez au-dedans   : vous êtes conscient de l’existence intérieure des êtres, et leur forme, leur existence extérieure n’est qu’une expression plus ou moins déformée de cette vérité intérieure.

Et c’est pour cela que je dis que l’équilibre de base est complètement changé. Au lieu d’être en dehors du monde et de le regarder comme quelque chose d’extérieur à vous, vous êtes au-dedans du monde et vous voyez les formes extérieures qui expriment d’une façon plus ou moins maladroite ce qui est à l’intérieur, qui est pour vous la Vérité.

🌸

Entretien de Mère du 12 octobre 1955 (Extrait)

Mère, ce que vous venez de dire, ça veut dire que la transformation de la conscience et de la vie vont ensemble, n’est-ce pas? Parce que dans le texte, il est dit : «Il faut d’abord transformer la conscience, puis la vie...»

À dire vrai, on ne demande pas grand-chose pour la vie pour le moment : une petite chose — moi, ce que j’appelle des petites choses. Il est évident, oui... n’est-ce pas, si on vous demande de ne pas vivre comme un animal tout à fait — tout à fait, parce que partiellement, pour le moment c’est difficile, mais enfin, de ne pas vivre complètement comme un animal —, ça c’est un changement dans la vie. Mais ça ne va pas plus loin que ça. On ne vous demande pas de vivre comme des esprits éthérés ; pour le moment on va doucement, progressivement.

Mais cette animalité...

Non, pardon ! vous voulez dire qu’on pense qu’on peut amener son animalité dans la conscience nouvelle ?

Non, mais jusqu’à ce que ce soit prêt...

Mais les choses ne sont pas taillées comme ça au couteau. Pour que l’animalité disparaisse complètement, la forme doit être transformée totalement. Tant que le fonctionnement corporel, par exemple, sera ce qu’il est, eh bien, nous participerons d’une façon plus que suffisante à l’animalité, n’est-ce pas ; et ça, ça ne peut disparaître que lorsque, eh bien, nous n’aurons plus de cœur, de poumons, d’estomac, et tout le reste. Ça, nous disons que ça viendra longtemps après.

Au fond, la seule chose qui soit très importante pour le moment, c’est le changement de conscience.

Et ne croyez pas que ce soit si facile. Si vous vous observez attentivement, vous vous apercevrez que vous pensez, sentez, éprouvez et construisez comme un animal humain, c’est-à-dire comme un être infrarationnel et aux trois quarts subconscient, pendant presque toute la totalité de votre journée. Il se peut qu’à certains moments vous échappiez à ça ; mais il vous faut encore un effort pour y échapper. Cela peut arriver spontanément, comme une grâce, à certains moments ; mais la plupart du temps, il vous faut un effort pour arriver à attraper quelque chose qui ne soit pas purement ça. À n’importe quel moment de votre journée, si vous faites juste un petit pas en arrière et que vous vous regardiez faire, vous vous attraperez, vous verrez ça. Quand est-ce que...

Tout d’un coup, n’est-ce pas, si je disais soudainement, là, maintenant : «Regardez-vous !» comme ça, sans prévenir à l’avance, qu’est-ce qui était là dans le champ de votre conscience ? Si vous attrapez ça, vous verrez ; certainement, au moins quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, c’est l’animal qui est là ; un animal qui est un petit peu perfectionné, n’est-ce pas, pas tout à fait un chien, pas tout à fait un singe, mais enfin pas très loin de ça.

Il y a beaucoup de choses que les hommes ont transformées en vertus merveilleuses, que moi j’ai trouvées chez les animaux comme des mouvements spontanés — et ils avaient au moins l’avantage de ne pas être fiers et de ne pas avoir de vanité. Ils faisaient spontanément des choses qui, ma foi, étaient très remarquables — très remarquables de dévouement, d’abnégation, de prévision, de sens éducatif. Ils le faisaient spontanément et sans écrire des livres dessus et sans s’en vanter comme d’une chose merveilleuse. Par conséquent, il faut beaucoup pour sortir de l’animal, beaucoup plus qu’on ne croit.

🌸

Pour le texte intégral et l'enregistrement audio de cet Entretien, voici le lien :

Entretien de Mère du 16 avril 1958

[Cet Entretien commence par la lecture d'un extrait de Sri Aurobindo d'une très grande importance pour notre sujet ; ce sont des choses que nous ne devrions jamais oublier.]

«Au cours des étapes précédentes de l’évolution, le premier soin et le premier effort de la Nature devaient porter sur un changement dans l’organisation physique, car c’est seulement ainsi que pouvait se produire un changement de conscience ; cette nécessité était imposée par l’insuffisance de la force de la conscience déjà formée, pour effectuer un changement dans le corps.

Mais avec l’homme un renversement devient possible ; il est même inévitable.

Car c’est par sa conscience, par la transmutation de sa conscience et non plus par un nouvel organisme corporel comme premier instrument, que l’évolution peut et doit s’effectuer.

Dans la réalité intérieure des choses, un changement de conscience a toujours été le fait majeur.

L’évolution a toujours eu une signification spirituelle et le changement physique a seulement servi d’instrument ; mais cette relation était au début cachée par l’équilibre anormal des deux facteurs, le corps de l’inconscience extérieure dépassant en importance et obscurcissant l’élément spirituel, l’être conscient.

Mais dès que cet équilibre est rectifié, ce n’est plus le changement du corps qui doit précéder le changement de conscience, c’est la conscience elle-même qui, par sa mutation, imposera et opérera toute mutation nécessaire au corps.

Il est à remarquer que le mental humain a déjà prouvé qu’il pouvait aider la Nature dans l’évolution de nouveaux types de plantes et d’animaux. L’homme a créé de nouvelles formes dans son milieu ; par la connaissance et la discipline il a fait apparaître des changements considérables dans sa propre mentalité. Il n’est pas impossible que, dans son évolution propre et sa propre transformation spirituelle et physique, l’homme apporte aussi une aide consciente à la Nature. Cette impulsion est déjà là partiellement efficace, bien qu’elle soit encore imparfaitement comprise et acceptée par le mental de surface ; mais un jour le mental peut comprendre, aller plus profondément en lui-même et découvrir le moyen, l’énergie secrète, l’opération intentionnelle de la Conscience- Force intérieure qui est la réalité cachée de ce que nous appelons la Nature.

[...]

«Si un épanouissement spirituel sur la terre est la vérité cachée de notre naissance dans la Matière, si fondamentalement c’est une évolution de la conscience qui a pris place dans la Nature, alors l’homme tel qu’il est, ne peut pas être le dernier terme de cette évolution. Il est une expression trop imparfaite de l’Esprit ; le mental lui-même est une forme et un instrument trop limité, ce n’est qu’un terme intermédiaire de la conscience ; l’être mental n’est qu’un être de transition.

Si donc l’homme est incapable de dépasser le mental, il doit être dépassé ; le Supramental et le surhomme doivent se manifester et prendre la tête de la création.

Mais si son mental est capable de s’ouvrir à ce qui le dépasse, alors il n’y a pas de raison pour que l’homme lui-même n’arrive pas au Supramental et à la surhumanité, ou, tout au moins, qu’il ne prête pas son mental, sa vie et son corps à l’évolution de ce terme plus grand de l’Esprit et à sa manifestation dans la Nature.»

(L’Évolution spirituelle, p. 25, 28-29)

[Pour rappel, à défaut de lire la totalité de La vie divine de Sri Aurobindo, la Mère conseillait au moins de lire les 6 derniers chapitres qui ont été publiés à part sous ce titre : L'Évolution spirituelle. Le sujet est si important, si décisif pour l'évolution de l'humanité, que la Mère consacra une bonne partie de l'année 1958 à en commenter de larges extraits. 

Ces six chapitres aux titres si évocateurs sont :

  1. L’homme et l’évolution

  2. L’Évolution de l’homme spirituel

  3. La triple transformation

  4. L’ascension vers le Supramental

  5. L’être gnostique

  6. La vie divine

Voyons maintenant le court commentaire de Mère :

En tout cas, nous sommes arrivés maintenant à une certitude puisqu’il y a déjà un commencement de réalisation. Nous avons la preuve que dans certaines conditions l’état ordinaire de l’humanité peut être dépassé et qu’un état de conscience nouveau peut s’élaborer, qui permette tout au moins une relation consciente entre l’homme mental et l’homme surmental.

On peut avec certitude affirmer qu’il y aura un spécimen intermédiaire entre l’être mental et l’être supramental, une sorte de surhomme qui aura encore les qualités et partiellement la nature de l’homme, c’est-à-dire qui appartiendra encore par sa forme la plus extérieure à l’être humain d’origine animale, mais qui transformera sa conscience suffisamment pour que, dans sa réalisation et dans son activité, il appartienne à une race nouvelle, une race de surhommes.

On peut considérer cette espèce comme une espèce de transition, parce qu’il est à prévoir qu’elle découvrira le moyen de produire des êtres nouveaux sans passer par l’ancienne méthode animale, et ce sont ces êtres-là — qui auront une naissance vraiment spirituelle — qui formeront les éléments de la race nouvelle, la race supramentale.

On pourrait donc appeler surhommes ceux qui, par leur origine, appartiennent encore à l’ancienne méthode de génération mais qui, par leur accomplissement, sont en rapport conscient et actif avec le nouveau monde de réalisation supramentale.

Il semble — il est même certain — que la substance même qui constituera ce monde intermédiaire qui est déjà en train de s’élaborer, est une substance plus riche, plus puissante, plus lumineuse, plus résistante, avec certaines qualités nouvelles, plus subtiles, plus pénétrantes, et une sorte de capacité innée d’universalité, comme si son degré de subtilité et de raffinement permettait la perception des vibrations d’une façon beaucoup plus étendue sinon tout à fait totale, et elle enlève cette sensation de division que l’on a avec la substance ancienne, la substance mentale ordinaire. Il y a une subtilité de vibration qui fait que la perception globale, universelle, est une chose spontanée et naturelle. Le sens de la division, de la séparation, disparaît tout à fait naturellement et spontanément avec cette substance-là. Et cette substance est à présent à peu près universellement répandue dans l’atmosphère terrestre.

Elle est perceptible à l’état de veille, simplement avec une petite concentration et une sorte d’absorption de la conscience, si on la rétracte, si on la retire de l’extériorisation ordinaire, qui paraît de plus en plus artificielle et fausse. Cette extériorisation, cette perception qui était auparavant naturelle, paraît fausse, irréelle et tout à fait artificielle ; elle ne répond pas du tout aux choses telles qu’elles sont, elle appartient à un mouvement qui ne correspond à rien de vraiment vrai.

Cette nouvelle perception s’impose de plus en plus, elle devient de plus en plus naturelle, et la vieille manière d’être est quelquefois même difficile à rattraper, comme si elle s’évanouissait dans un passé brumeux — quelque chose qui est sur le point de cesser d’être.

On peut en conclure que du moment qu’un corps, qui a été évidemment formé selon l’ancienne méthode animale, est capable de vivre cette conscience d’une façon naturelle et spontanée, sans effort, sans sortir de lui-même, cela prouve que ce n’est pas un cas exceptionnel et unique mais simplement l’avant-coureur d’une réalisation qui, si elle n’est pas absolument générale, peut être en tout cas partagée par un certain nombre d’individus, qui, d’ailleurs, dès qu’ils la partageront, perdront cette perception d’être des individus séparés et deviendront une collectivité vivante.

Cette nouvelle réalisation se poursuit avec ce que l’on peut appeler une rapidité foudroyante, parce que, si nous considérons le temps à la manière ordinaire, il ne s’est passé que deux années (un peu plus de deux années) entre le moment où la substance supramentale a pénétré l’atmosphère terrestre et le moment où ce changement dans la qualité de l’atmosphère terrestre s’est produit.

Si les choses continuent à avancer avec cette rapidité, il devient plus que possible, presque évident, que ce que Sri Aurobindo a écrit dans une lettre devient une annonce prophétique : la conscience supramentale entrera dans une phase de puissance réalisatrice en 19671.

1. «4.5.67 est l’année de la réalisation complète.» (Sri Aurobindo – Lettres sur le Yoga)

Ce commentaire de Mère devrait nous laisser sans voix... on est en plein au cœur de notre sujet de la transformation de l'homme et du monde. Maintenant, s'il y a des gens en ce monde qui disent : "non, non tout va bien, ce n'est pas la peine de nous transformer...", je suppose qu'il y en a tout de même de moins en moins.

Le constat que les choses ne tournent pas rond en notre monde est unanime. L'étape suivante est de comprendre ce n'est tout de même pas si compliqué , que le problème est si profond, qu'aucun moyen extérieur n'en viendra a bout.

Tout seul, livrés à nous mêmes avec notre petite intelligence humaine tâtonnante et trébuchante nous n'aurions jamais pu trouver les vrais leviers intérieurs et spirituels qui nous permettent de nous transformer. Mais Sri Aurobindo et la Mère ont fait ce travail avant nous et ils ont abondamment partagés le fruit de leur expérience.

Revenons sur ce passage du commentaire de Mère :

On peut considérer cette espèce comme une espèce de transition, parce qu’il est à prévoir qu’elle découvrira le moyen de produire des êtres nouveaux sans passer par l’ancienne méthode animale, et ce sont ces êtres-là — qui auront une naissance vraiment spirituelle — qui formeront les éléments de la race nouvelle, la race supramentale.

Cela me rappelle un texte de la Mère de 1920, du temps où elle était au Japon – d'ailleurs ce texte s'intitule Aux femmes du Japon – mais à l'évidence sa portée est absolument universelle. Ce texte m'a beaucoup touché, il est très beau, et par endroit très puissant aussi. Il commence par évoquer un sujet rarement abordé qui pourrait se résumer par... je ne sais comment dire... disons... "l'art de faire des bébés". La Mère évoque le fait de faire des enfants "comme des petits lapins", sans conscience en fait.

Et alors, j'ai trouvé cela vraiment très touchant, elle évoque l'importance décisive du moment de la conception, et puis, redonne en quelque sorte, la gloire de la maternité, qu'il faudrait que pendant toute la grossesse, la mère vit dans une atmosphère de paix, de beauté, d'harmonie... ce genre de choses. Nous sommes très éloigné de cet état de conscience qui pourtant, devrait aller de soi, être naturel, c'est presque du bon sens.

Quand on lit ça, il y a une telle douceur, un tel raffinement, qu'on a un peu l'impression que nous sommes encore à l'état de brutes...

Mère ne développe pas beaucoup le sujet, mais je suis certain, qu'en Inde, il y a des enseignements qui parlent de cela. Nous sommes tellement ignorants de ces choses, qu'un jour, à mon avis, il faudrait retrouver ces textes et les diffuser.

Et dans ce texte Mère explique bien l'importance, en quelque sorte, de ces enfants du nouveau monde. Et puis elle en vient à évoquer le sujet décisif et polémique du surhomme  polémique parce que les gens pensent tout de suite au surhomme de Nietzsche. Alors Mère clarifie la question. C'est un texte très intéressant et très important que je vous laisse découvrir par vous-mêmes.

Notre article touche à sa fin, voyons encore un dernier texte.

Entretien de Mère du 8 octobre 1958

Douce Mère, est-ce qu’il ne peut pas y avoir des états intermédiaires entre l’homme et le surhomme ?

Il y en aura probablement beaucoup.

Homme et surhomme ? Tu ne parles pas de la nouvelle espèce supramentale ? Tu parles vraiment de ce que nous appelons, nous, le surhomme, c’est-à-dire l’homme qui est né de la manière humaine et qui essaye de transformer son être physique tel qu’il l’a reçu par sa naissance humaine ordinaire ? S’il y a des échelons ? Il y aura certainement une quantité innombrable de réalisations partielles. Suivant la capacité de chacun, le degré de la transformation différera, et il est certain qu’il y aura un nombre considérable d’essais plus ou moins infructueux, ou plus ou moins fructueux, avant d’arriver à quelque chose qui ressemblera au surhomme, et ceux-là mêmes seront des tentatives plus ou moins réussies.

Tous ceux qui s’efforcent de surmonter la nature ordinaire, tous ceux qui essayent de réaliser matériellement l’expérience profonde qui les a mis en rapport avec la Vérité divine, tous ceux qui, au lieu de tourner le regard vers l’Au-delà ou le Haut, essayent de réaliser physiquement, extérieurement, le changement de conscience qu’ils ont réalisé au-dedans d’eux-mêmes, sont tous des apprentis-surhommes...

Et là, il est des différences innombrables dans le succès de leur effort. Chaque fois que nous essayons de ne pas être un homme ordinaire, de ne pas vivre la vie ordinaire, d’exprimer dans nos mouvements, nos actions, nos réactions, la Vérité divine ; quand nous sommes gouvernés par cette Vérité au lieu d’être gouvernés par l’ignorance générale, nous sommes des apprentis surhommes, et suivant le succès de nos efforts, eh bien, nous sommes des apprentis plus ou moins bons ou plus ou moins avancés sur le chemin.

Tout cela ce sont des étapes, alors...

Au fond, la question est de savoir, dans cette course vers la Transformation, lequel des deux arrivera le premier : celui qui veut transformer son corps à l’image de la Vérité divine ou la vieille habitude de ce corps d’aller en se décomposant jusqu’à ce qu’il soit tellement déformé qu’il ne puisse plus continuer à vivre dans son intégralité extérieure. C’est une course entre la Transformation et la Déchéance. Parce qu’il n’y a que deux choses qui puissent être des points d’arrêt et dire jusqu’à quel point on a réussi : ou le succès, c’est-à-dire devenir un surhomme (alors naturellement on peut dire : maintenant je suis arrivé au résultat)... ou bien la mort. Jusque-là, normalement, on est «en route».

C’est l’une de ces deux choses — ou le but atteint ou la rupture brusque de la vie — qui met une fin provisoire à la marche en avant. Et sur la route, chacun est plus ou moins loin, mais jusqu’à ce qu’on arrive au bout, on ne pourra pas dire à quel échelon on est. C’est l’échelon final qui comptera. Alors c’est seulement celui qui viendra dans quelques centaines ou quelques milliers d’années et qui regardera en arrière, qui pourra dire : «Il y a eu tel échelon, tel autre échelon, telle réalisation, telle autre réalisation.» C’est de l’Histoire, cela, ce sera une perception historique de l’événement. Jusque-là, nous sommes tous dans le mouvement et dans le travail.

Où en sommes-nous et jusqu’où arriverons-nous ?... Il vaut mieux ne pas trop y penser parce que ça vous coupe les jarrets et on ne peut pas bien courir. Il vaut mieux penser seulement à courir, et pas à autre chose. C’est la seule manière de bien courir. On regarde là où on veut aller et on met tout son effort dans le mouvement pour avancer. Où on en est, ça ne nous regarde pas. Je dis «c’est de l’Histoire», ça viendra après. Les historiens de notre effort nous diront (parce que peut-être nous serons là encore), nous diront ce que nous avons fait, comment nous l’avons fait... Pour le moment, ce qu’il faut, c’est le faire — c’est la seule chose importante.

En conclusion :

Prenons tout de même la mesure de tout ce qui a été partagé ici, de l'immense richesse de ce que Mère nous dit, de l'immense potentiel de transformation que cela représente...

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