Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les idées qui nous traversent ou nous habitent n'ont pas toutes la même importance – chacune a sa propre force, une ampleur et une portée particulière. Après avoir tant lu la plupart des œuvres de Sri Aurobindo traduites en français, je me suis demandé s'il y avait une idée qui revenait plus souvent que les autres, qui semblait plus importante que toutes les autres, plus essentielle, une idée qui rassemblerait à elle seule, les potentialités les plus larges. Jusqu'à preuve du contraire, la découverte de notre âme, de notre être psychique me paraît être cette idée centrale et décisive. 

En cela, je ne vous apprend rien, alors pourquoi revenir encore là-dessus ? Peut-être en raison de ce fameux proverbe qui nous invite, tant qu'une chose n'est pas réalisée, terminée, accomplie, à nous remettre cent fois sur notre ouvrage.

Il y aussi l'impression que chaque fois que nous lisons un passage de Sri Aurobindo ou de Mère qui insiste là-dessus, l'imprégnation du texte se fait plus profonde et que cela nous aide pour nous y rapprocher. Voici un paragraphe de La Vie Divine particulièrement intéressant :

La connaissance spirituelle du moi s’accomplit en trois étapes, qui sont en même temps trois parties de l’unique connaissance.

La première est la découverte de l’âme, non point l’âme extérieure de pensée, d’émotion et de désir, mais l’entité psychique secrète, l’élément divin en nous.

Quand elle domine notre nature, quand nous sommes consciemment l’âme et quand le mental, la vie et le corps prennent leur vraie place d’instruments de l’âme, nous devenons conscients d’un guide intérieur qui connaît la vérité, le bien, le vrai délice et la vraie beauté de l’existence, qui gouverne le cœur et l’intellect par sa loi lumineuse et conduit notre vie et notre être vers la plénitude spirituelle.

Même dans les obscures opérations de l’Ignorance, nous avons alors un témoin qui discerne, une lumière vivante qui illumine, une volonté qui refuse de se laisser fourvoyer et qui sépare la vérité mentale de l’erreur, fait la distinction entre la réponse intime du cœur et ce qui vibre en lui en réponse à un faux appel ou à une fausse demande qui lui est faite, ne confond pas l’ardeur véritable et le plein mouvement de la vie avec la passion vitale et les mensonges turbides de notre nature vitale et la recherche de ses obscures satisfactions égoïstes.

Telle est la première étape de la réalisation de soi : instaurer le règne de l’âme, l’individu psychique divin, à la place de l’ego.

Voilà, tout est dit, calmement, indiscutablement, comme si chaque mot était puissamment posé.

Notons que cette découverte de notre âme est donnée ici comme la première étape du véritable remède à la question du mal mais qu'elle aurait évidemment aussi ses bienheureuses conséquences en terme de santé, de guérison, de la joie de l'accomplissement de soi.

Pour l'instant, notre nature égocentrique fait que tout tourne autour de notre ego mental, égo vital, égo physique, nos pensées, nos émotions, nos sensations... et nous ne connaissons pas encore notre Centre Divin. Au lieu que l'égo soit le centre de notre être, il faut que le Divin devienne le centre de notre existence.

Tourner sur son axe n’est pas le seul mouvement pour l’âme humaine. Il y a aussi la gravitation autour du Soleil d’une illumination inépuisable.

Sri Aurobindo – Aperçus et Pensées

Trouver notre être psychique est notre première nécessité : nous savons cela depuis tant d'années ; alors pourquoi n'est-ce pas encore réalisé ? Si nous trouvions la réponse à cette question, ce serait un grand progrès. Peut-être que notre aspiration, notre BESOIN ne sont pas assez intenses, notre volonté pas assez forte, notre détermination pas assez enracinée, notre vigilance pas assez constante et que nous nous laissons distraire et entraîner par des choses sans importance, ou de moindre importance. À moins que cela soit notre connaissance qui fasse défaut et que nous n'avons pas encore vraiment compris que... c'est la seule solution, que toutes les autres solutions sont des à-peu-près. Peut-être que nous ne sommes pas assez intransigeants, que nous nous contentons de demi-mesures...

Les autres états d'être, le vital, le mental, peuvent se plaire aux contacts intermédiaires. Seul le Seigneur suprême peut me satisfaire.

La Mère – Agenda du 21 juillet 1965

À la limite, chaque chose en son temps, nous pourrions nous arrêter à cette première étape. Mais voyons tout de même la fin du paragraphe et les deux étapes suivantes afin d'avoir une vision complète de ce qu'il nous reste à accomplir.

L’étape suivante consiste à prendre conscience du moi éternel en nous, non né, un avec le moi de tous les êtres. Cette réalisation de soi libère et universalise ; même si notre action se poursuit encore selon la dynamique de l’Ignorance, elle ne nous enchaîne plus, ne nous égare plus, car notre être intérieur trône dans la lumière de la connaissance de soi.

La troisième étape nous amène à connaître l’Être divin qui est à la fois notre suprême Moi transcendant, l’Être cosmique, fondement de notre universalité, et le Divin intérieur dont notre être psychique, le vrai individu évolutif en notre nature, est une part, une étincelle, une flamme qui grandit en le Feu éternel où il fut allumé et dont il est le témoin toujours vivant en nous et l’instrument conscient de sa lumière, de son pouvoir, de sa joie et de sa beauté.

[Il me semble que si nous pouvions seulement ressentir, percevoir cette étincelle, cette flamme, la suite deviendait plus facile.]

Conscients que le Divin est le Maître de notre être et de notre action, nous pouvons apprendre à devenir les canaux de Sa Shakti, la Puissance divine, et à agir selon ses ordres ou la loi de sa lumière et de son pouvoir en nous. Notre action ne sera plus, dès lors, gouvernée par nos impulsions vitales ou soumise à une norme mentale, car la Shakti agit suivant la vérité permanente et néanmoins plastique des choses — non la vérité que construit le mental, mais celle plus haute, plus profonde et plus subtile de chaque mouvement et de chaque circonstance telle que la connaît la connaissance suprême et que l’exige la suprême volonté dans l’univers.

La libération de la volonté suit la libération de la connaissance, elle en est la conséquence dynamique. C’est la connaissance qui purifie, c’est la vérité qui libère ; le mal est le fruit d’une ignorance spirituelle et il ne disparaîtra que par la croissance d’une conscience spirituelle et la lumière de la connaissance spirituelle.

Notre être est séparé des autres êtres, et cette division ne peut disparaître qu’en annulant le divorce entre notre nature et la réalité intérieure de l’âme, qu’en supprimant le voile entre notre devenir et notre être essentiel, qu’en jetant un pont sur l’espace qui éloigne notre individualité dans la Nature de l’Être divin qui est la Réalité omniprésente dans la Nature et au-delà.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article