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Agenda du 20 septembre 1960 (Extrait)

Le début du texte concerne une expérience de Mère avec le gourou tantrique de Satprem qui reste sur une compréhension traditionnelle du travail spirituel. Ce décalage a entraîné quelques difficultés, et puis Mère en vient à dire ceci :

La nuit a été meilleure parce que j’étais concentrée, mais la tête était encore un peu pénible. Alors le lendemain, je me suis dit, ou plutôt je lui ai dit à part moi : «Que tu le veuilles ou ne le veuilles pas, moi, je fais descendre ce qui est là-haut ; c’est seulement comme ça que je suis à mon aise !»

Et je t’ai raconté ce qui s’est passé : dès que je me suis assise, j’ai été tellement étonnée qu’il ne fasse pas comme la veille ; parce que moi, j’ai fait la même chose, je me suis... associée si je puis dire, à sa volonté (pour savoir) mais avec la résolution de rester consciemment en contact avec la conscience la plus haute, comme je fais toujours, et de faire descendre.

Et alors, ça a été un flot merveilleux. Et lui était tout à fait content, il n’a pas protesté !... Tout le mal était parti, plus rien, c’était parfait. C’est seulement à la fin de la méditation qu’il a voulu recommencer son petit truc pour enfermer mon mental physique dans cette construction, mais ça n’a pas duré – je voyais cela d’en haut.

Et lui ne sent pas, n’est-ce pas, il ne sent pas. Si on lui disait cela, il protesterait absolument – pour lui, c’est l’ouverture sur l’Infini !... D’ailleurs c’est toujours comme cela : on est toujours enfermé, chacun – chacun est enfermé dans une certaine limite et ne le sent pas, car s’il le sentait, il en sortirait !

Moi, je sais bien, quand j’étais avec Sri Aurobindo, j’étais ouverte comme ça (geste vers te haut), et j’avais toujours l’impression que, «Oui mon enfant...», il me tolérait telle que j’étais et il attendait que ça change. C’est comme cela, n’est-ce pas. Et maintenant je sens ma limite, qui est la limite du monde tel qu’il est actuellement, et qu’il y a par-delà une immensité, une éternité, un infini non manifesté, et qu’on est fermé, comme ça.

Seulement ça entre par infiltrations – ce n’est pas la grande ouverture. Ce que j’essaye de faire, c’est la grande ouverture. Et c’est seulement quand la grande ouverture sera faite qu’il y aura là vraiment la chose... (comment dire) irréductible, et que toute la résistance du monde, toute son inertie, son obscurité même, ne pourra pas l’engloutir – la chose qui déterminera et qui transformera... Je ne sais pas quand ça viendra.

Mais cette expérience avec X. était vraiment intéressante. Ce jour-là j’ai appris beaucoup de choses, beaucoup... N’est-ce pas, sur n’importe quel point, si l’on se concentre suffisamment, on trouve l’Infini (et c’est cet infini-là qu’il a trouvé, dans son expérience propre), c’est ce que l’on pourrait appeler son propre Infini.

Mais ce que nous voulons, ce n’est pas cela : c’est le contact direct et intégral entre l’univers manifesté et l’Infini dont cet univers est sorti. Alors ce n’est plus un contact individuel ou personnel avec l’Infini : c’est un contact total.

Et Sri Aurobindo insiste là-dessus, il dit qu’il est tout à fait impossible d’avoir la transformation (pas le contact : la transformation supramentale) sans être universalisé, que c’est la condition première. On ne peut devenir supramental qu’après avoir été universalisé. Et universalisé, cela veut dire admettre tout, être tout, devenir tout – admettre tout, c’est cela. Et tous les gens qui sont enfermés dans un système, quand bien même serait-ce dans la partie la plus haute de la pensée, ce n’est pas ça.

Mais chacun son destin, chacun son travail, chacun sa réalisation, et vouloir changer le destin de quelqu’un ou la réalisation de quelqu’un, c’est très coupable. Parce que simplement ça le désaxe – c’est tout ce que l’on fait.

Quelques remarques :

1. La grange ouverture, le grand passage... aura des conséquences pour la terre entière, rien ne pourra résister...

2. Mère si ce qui est dit nous intéresse au plus haut point,  vouloir changer le destin de quelqu'un pose un problème sérieux. Donc nous ne pouvons inviter personne à suivre ce chemin, c'est à chacun de sentir ce qui est juste pour lui.

3. Si s'universaliser consiste à admettre tout, devenir tout, être tout... qu'est-ce que cela veut dire ? Comment concilier cette invitation avec l'aspect du yoga qui consiste à rejeter tous les mouvements faux ? S'agit-il de tout reconnaître dans sa conscience, y compris toutes les obscurités possibles, sans pour autant les laisser se manifester dans la vie ? Les admettre dans sa conscience, pour les tourner vers la Lumière et les offrir ? Cette parole peut aisément être mal comprise, il faut faire attention...

4. Et puis, si nous pouvons essayer de nous élargir, de nous universaliser, nous ne pouvons pas le dire, cela serait une vanité. Et il est tout aussi dangereux de croire que nous y sommes. Par contre, il est possible, dans un état méditatif ou dans la nature, en contemplant un paysage magnifique, qu'il y ait parfois une ouverture du sentiment (et peut-être des énergies) à une conscience infinie... ça c'est possible.

5. Sans doute qu'avant de s'universaliser, il faut commencer par s'élargir. Ces quelques citations nous rappellent, a minima, que... la chose est possible

🌸

Paroles de la Mère – Volume 1

Élargissez votre conscience à la dimension de la terre, et vous aurez une place pour tout. 20 septembre 1971

Paroles de la Mère – Volume 2

Et dans le silence parfait de la contemplation, tout s’élargit jusqu’à l’infini ; et dans la paix parfaite du silence, le Divin paraît dans la gloire resplendissante de Sa lumière. 27 octobre 1954

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L’ouverture est l’élargissement de la conscience grâce auquel celle-ci commence à laisser agir en elle la Lumière et le Pouvoir divins.

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Élargis-toi jusqu’à l’extrême limite de l’univers... et par-delà. Prends sur toi toujours toutes les nécessités de progrès, et résous-les dans l’extase de l’Unité. Alors tu seras divin. 13 novembre 1957

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S’élargir et s’ouvrir le plus largement que l’on peut est plus efficace que de faire descendre la force et d’essayer de la pousser dans l’étroitesse du petit être humain. 7 décembre 1964

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C’est par l’élargissement de la conscience et la concentration exclusive de l’aspiration que la réceptivité s’accroît. 22 décembre 1934

La synthèse des Yogas

Tout cela est en nous, prêt à emmurer l’Esprit dans les formes ; mais nous devons aller toujours au-delà, toujours renoncer au moindre pour le plus grand, au fini pour l’Infini — nous devons être prêts à avancer d’illumination en illumination, d’expérience en expérience, d’état d’âme en état d’âme, afin d’atteindre à la transcendance divine suprême et à sa suprême universalité.  

6. Pour nous universaliser, nous ouvrir aux divinités du surmental pourra peut-être nous aider car elles représentent des pouvoirs particuliers du Divin et œuvrent sur le plan cosmique. Dans le Véda cet aspect d'immensité est représenté par Varuna. Voici ce que j'ai pu retrouver :

Glossaire du Journal du Yoga

(Les passages entre guillemets sont des paroles de Sri Aurobindo lui-même, alors que le reste vient des traducteurs)

Varuna : « Le Seigneur des immensités », dieu védique qui « nous apporte l’espace océanique infini de l’âme divine et sa pureté éthérée, élémentale » ; l’un des Quatre qui représentent « l’opération de la Vérité dans le mental et le tempérament humain » ; le dieu de la mer dans la mythologie postvédique.

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Quatre (les) : identique au quadruple Ishwara ; les quatre dieux védiques (Varuna, Mitra, Aryaman et Bhaga) qui « développent l’état divin complet et l’amènent jusqu’à sa perfection par l’interaction naturelle de ses quatre éléments essentiels ».

Ces quatre dieux représentent respectivement « la pureté qui imprègne tout » de Sat (Varuna), « la lumière qui unifie tout » de Chit (Mitra), « le mouvement et la force qui discerne tout » de tapas (Aryaman), et « la joie qui embrasse tout » d’Ananda (Bhaga) – ils représentent donc « pratiquement, la trinité essentielle de Satchidananda – Existence, Conscience, Félicité la conscience en soi et la force en soi, Chit et Tapas, étant le terme double propre à la « Conscience ».

Le Secret du Véda

Les quatre Puissances, Varuna et Mitra, Aryaman et Bhaga, participent activement à cette création. Varuna représente le principe de l’Être pur et vaste, Sat dans Sat‑cit‑ananda ; Aryaman représente la lumière de la Conscience divine agissant en tant que Force ; Mitra, représentant lumière et connaissance, et utilisant l’Ananda comme principe de création, est cette loi d’Amour qui fait régner l’harmonie ; Bhaga représente l’Ananda en tant que joie créatrice ; il goûte le délice de la création, goûte le délice de tout ce qui est créé. (page 348)

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Varuna représente la grandeur, ce qui est juste et pur ; tout ce qui s’en écarte lui répugne et vaut au coupable le châtiment mérité par son péché. Tant que l’homme ignore cette Vérité majestueuse de Varuna, attaché comme une victime expiatoire dans le sacrifice du monde, il reste triplement prisonnier des liens du mental, de la vie et du corps, et ne possède ni ne jouit librement. C’est pourquoi vouloir être délivré des filets de Varuna, échapper au courroux de sa pureté offensée, est une prière qui revient fréquemment. (page 349)

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Pour les Rishis védiques il n’existait en effet qu’un seul Déva universel, dont Vishnu, Rudra, Brahmanaspati, Agni, Indra, Vayu, Mitra, Varuna sont tous également des formes et des aspects cosmiques. Chacun d’eux est lui‑même le Déva tout entier et contient tous les autres dieux. (page 399)

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Ce Brahman, l’unique Existence, mentionné impersonnellement au neutre, est aussi conçu comme le Déva, la Divinité suprême, le Père des choses, qui ici dans l’âme humaine prend l’apparence du Fils. Il est le Bienheureux vers lequel monte le mouvement des Dieux, révélé à la fois comme le Mâle et la Femelle, vriIan, dhenu. Les Dieux manifestent chacun un aspect, une personnalité du Déva unique. L’un quelconque de ses noms et de ses aspects, que ce soit Indra, Agni ou Soma, peut servir à Le réaliser puisque chacun d’eux, étant essentiellement tout le Déva et ne différant des autres que par le visage ou la forme qu’il adopte pour nous, contient en lui‑même tous les dieux.

Voici par exemple comment chez Agni on célèbre ce Déva suprême et universel. «   Tu es à ta naissance Varuna, seigneur du Vaste, ô Agni ; tu deviens Mitra, seigneur de l’Amour, quand ta flamme est parfaite ; en toi habitent tous les dieux, ô Fils de la Force ; tu es Indra, le Pouvoir dans le Mental, pour le mortel qui consent au sacrifice. Et tu deviens Aryaman, pouvoir de l’Aspiration, [ô toi, garant de la loi de la Nature], quand tu arbores le Nom secret des Vierges ; avec leurs rayons (les vaches, gobhih) elles te font resplendir comme Mitra, l’Amour, parfaitement établi, quand tu réconcilies chez eux le Seigneur et son Épouse. (page 405)

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