Faire face à l'impossible
Agenda du 20 septembre 1960
A plusieurs reprises, X. m’a dit son peu d’estime pour la plupart des gens de l’Ashram : "Pourquoi Mère garde-t-elle tous ces "empty pots" (1) dit-il.
S’il s’imagine un instant que je crois que tous les gens ici font la sâdhanâ, il se trompe grossièrement !
L’idée, c’est qu’il faut préparer le monde tout entier, sous toutes ses formes, même celui qui est le moins prêt à la transformation. Il faut qu’il y ait une représentation symbolique de tous les éléments de la terre, sur laquelle on puisse travailler pour établir la connexion. (2) La terre est une représentation symbolique de l’univers, et le groupe une représentation symbolique de la terre.
C’était ce que nous avions dit avec Sri Aurobindo en 1914 (il y a longtemps de cela) ; parce que nous avions vu les deux possibilités: ce que nous faisons maintenant, ou se retirer jusqu’à ce que l’on ait non seulement atteint le Supramental mais commencé la transformation matérielle, dans la solitude et l’isolement. Et Sri Aurobindo disait avec raison qu’on ne peut pas s’isoler, parce que, à mesure qu’on croît soi-même, on s’universalise, et par conséquent... you take the burden upon yourself. (3) n’est-ce pas, de toutes façons.
Et la vie a répondu elle-même en amenant les gens et en formant un noyau. Nous avons bien vu naturellement que cela rendait le travail un peu plus complexe et difficile (cela me fait une grosse responsabilité, un gros travail matériel), mais au point de vue général, pour l’Œuvre, c’est indispensable, inévitable même. Malgré tout, comme on l’a constaté après, chacun représente à la fois une possibilité et une difficulté spéciale qu’il faut résoudre. J’avais même dit, je crois, que chacun ici était une impossibilité. (4)
Notes
1. Ces "pots vides".
2. Avec le monde supramental.
3. "On prend le fardeau sur soi."
4. Entretiens suivis de Quelques Paroles, p. 251-52.
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Paroles de la Mère – Volume 2
La justice est le déterminisme rigoureusement logique des mouvements de la nature universelle. Les maladies sont ce déterminisme appliqué au corps matériel. L’esprit médical, se basant sur cette justice inéluctable, s’efforce de produire les conditions qui doivent amener logiquement la bonne santé.
La morale agit de même dans le corps social, et la tapasyâ dans le domaine spirituel.
La Grâce divine seule a le pouvoir d’intervenir et de changer le cours de la justice universelle.
La grande œuvre de l’Avatâr est de venir manifester la Grâce divine sur la terre. Être le disciple de l’Avatâr, c’est devenir un instrument de la Grâce divine. La Mère est la grande dispensatrice — par identité — de la Grâce divine dans une parfaite connaissance — par identité — du mécanisme absolu de la justice universelle.
Et par son intermédiaire chaque mouvement de sincère et confiante aspiration vers le Divin appelle en réponse l’intervention de la Grâce.
Qui peut se tenir devant toi, Seigneur, et dire en toute sincérité : « Je ne me suis jamais trompé ? » Combien de fois dans une journée nous faisons des fautes contre ton œuvre et toujours ta Grâce vient les effacer !
Sans l’intervention de ta Grâce, qui ne serait passé maintes fois sous le couperet inéluctable de la loi de justice universelle ?
Chacun représente ici une impossibilité à résoudre, mais comme pour ta divine Grâce tout est possible, ton œuvre ne sera-t-elle point, dans le détail comme dans l’ensemble, l’accomplissement de toutes les impossibilités transformées en divines réalisations ?
15 janvier 1933
(Mère commentera ce texte dans l’entretien du 19 novembre 1953)
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Lorsqu'on lit les Lettres à Dilip, et que l'on réalise combien ce fut difficile pour lui, alors qu'il avait une relation directe avec Sri Aurobindo...
Lorsqu'on lit les lettres de Satprem de 1959, et que l'on réalise combien ce fut difficile pour lui aussi, alors qu'il avait l'aide personnelle et directe de son gourou tantrique et de Mère...
La pensée se présente parfois que pour nous qui n'avons pas la chance d'avoir un contact si fort et constant, c'est peine perdue, mais presque aussitôt se dresse quelque chose à l'arrière plan de la conscience qui nous dit qu'il ne faut pas penser comme cela, que cette pensée n'est pas correcte...
Quelquefois, lorsque nous plongeons à l'intérieur de nous-mêmes... pour y amener quelque chose, une paix, une lumière, une joie... il vient le sentiment que... c'est impossible ! Et curieusement, ce sentiment peut venir, même quand il n'y a pas de sensations inconfortables particulières.
Pourtant, nous pouvons faire face à ce sentiment que c'est impossible, le regarder plus attentivement, comme si, connaître mieux notre obstacle fondamental pouvait aider à le résoudre, servir de levier.
Nous pouvons constater aussi que l'impossibilité peut rendre l'aspiration, l'appel, l'invocation plus intense, et qu'en réponse, une force, quelque chose peut descendre dedans. L'obstacle ne disparaît pas nécessairement complètement, définitivement, mais un travail se fait, à la mesure de ce qui est possible dans l'instant.
Impossible n'est pas français...
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Entretien du 27 mai 1953
Est-ce que le Divin peut se retirer de nous ?
C’est une impossibilité. Parce que si le Divin se retirait de quelque chose, immédiatement cela s’écroulerait, parce que cela n’existerait pas. Pour dire plus clairement : Il est la seule existence.
Si le Divin se retirait, cela voudrait dire qu’Il se retirerait de l’univers, il n’y aurait plus d’univers (c’est une image pour faire comprendre la chose : je parle d’une impossibilité). Les êtres humains peuvent se retirer du Divin, et ils le font assez souvent.