Devenir le maître de sa santé
Notre système de santé est dans un état si détestable qu'il est peut-être temps pour nous d'apprendre sur quoi repose réellement notre santé. Cet Agenda n'est pas le seul sur le sujet, loin de là, mais il donne pourtant des indications très importantes.
Agenda du 25 octobre 1960
J’ai regardé, j’ai vu quel était le domaine qui dépend de la pensée – le pouvoir de la pensée sur le corps – , c’est formidable ! On n’imagine pas à quel point c’est formidable. Même une pensée qui est subconsciente et quelquefois inconsciente, ça agit, ça provoque des résultats fantastiques !... J’ai étudié cela. Depuis deux ans, je suis à étudier cela en détail – c’est incroyable ! Si un jour j’ai le temps d’expliquer tout cela, ce sera intéressant...
Des toutes-toutes petites réactions mentales ou vitales, toutes petites, qui dans notre conscience ordinaire paraissent n’avoir aucune espèce d’importance – ça agit sur les cellules du corps, et ça peut créer un désordre... N’est-ce pas, quand on observe attentivement, on s’aperçoit tout d’un coup d’un tout petit malaise, trois fois rien (si on est occupé, on ne s’en rend même pas compte), et alors si on suit le malaise, pour voir, on s’aperçoit que ça venait de quelque chose qui, dans notre conscience active, est imperceptible et «sans importance» – ça suffit à créer un malaise dans le corps.
C’est pour cela que, à moins qu’on ne soit à volonté et constamment dans ce qu’ils appellent ici la conscience du Brahman, c’est pratiquement impossible à contrôler. Et c’est cela qui donne l’impression que certaines choses arrivent dans le corps, qui sont indépendantes de... non seulement de notre volonté mais de notre conscience – ce n’est pas vrai.
Seulement il y a tout ce qui vient du dehors – ça, c’est le plus dangereux. Constamment, constamment : on mange, on attrape... quelle masse de vibrations ! Vibrations de la chose que l’on mange, quand elle était vivante (il en reste toujours), vibrations de la personne qui l’a cuite, vibrations de... N’est-ce pas, tout le temps, tout le temps, ça n’arrête pas – on respire, ça rentre.
Naturellement, quand on se met à parler à quelqu’un ou à se mêler aux gens, là on devient un peu plus conscient de ce qui vient, mais même quand on est assis comme ça, immobile, sans s’occuper des autres – ça vient ! C’est une interdépendance presque absolue, l’isolement est une illusion... On peut, en forçant son atmosphère (Mère fait le geste de dresser un rempart autour d’elle), on peut tenir ces choses en partie à distance, mais rien que cet effort pour les éloigner, cela crée aussi des (je suis en train de penser en anglais et de parler en français !) ça crée des «disturbances» (dérangements). Enfin, tout cela maintenant, c’est vu.
Mais je sais d’une façon absolue que si on peut maîtriser toute cette masse du Mental physique et y apporter la conscience du Brahman d’une façon continue, on peut, on est le maître de sa santé.
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Et c’est pour cela que je dis aux gens (non pas que j’espère qu’ils pourront le faire, en tout cas maintenant, mais il est bon de le savoir), je leur dis que ce n’est pas une fatalité, que ce n’est pas une chose qui échappe complètement à notre contrôle, que ce n’est pas une sorte de «Loi de la Nature» sur laquelle nous n’avons aucun pouvoir – ce n’est pas ça. Nous sommes vraiment les maîtres de tout ce qui a été rassemblé pour créer notre individualité passagère; et le pouvoir de contrôle nous est donné, si nous savons nous en servir.
C’est une discipline, une tapasya (8) formidable.
Mais c’est bon de le savoir pour ne pas avoir cet écrasement que l’on a quand les choses sont encore tout à fait en dehors de votre contrôle, cette espèce de sens de la Fatalité qu’ont les gens : ils naissent, ils vivent, ils meurent et c’est la Nature écrasante et nous sommes les jouets de quelque chose qui est beaucoup plus grand, beaucoup plus fort que nous – ça, c’est le Mensonge.
En tout cas, pour moi, pour mon yoga, c’est seulement quand j’ai su que je suis le Maître de tout (si je sais être ce Maître et je me laisse être ce Maître, si l’imbécillité extérieure consent à se tenir à sa place), alors j’ai su qu’on pouvait maîtriser la Nature.
Il y a aussi cette vieille idée des religions d’origine chaldéenne et chrétienne, de ce Dieu-là devant lequel on est quelque chose qui ne peut pas avoir de vrai contact – un abîme entre les deux. Ça, c’est terrible.
Ça, il faut absolument que ça cesse. Parce que jamais la terre et les hommes ne pourront changer avec cette idée-là. C’est pour cela que j’ai dit bien souvent que cette idée-là était l’œuvre des Asouras (9) ; c’est avec ça qu’ils ont dominé la Terre.
Tandis que quel que soit l’effort, quelle que soit la difficulté, quel que soit le temps qu’il faille y passer, quel que soit le nombre de vies, il faut savoir que tout cela n’a aucune importance : on sait qu’on est le Maître, et que le Maître et soi-même c’est la même chose. Tout ce qu’il faut, c’est... le savoir intégralement, que rien ne le démente. Ça, c’est la sortie.
C’est pour cela que je dis aux gens : «C’est de votre vie intérieure (intérieure intermédiaire, n’est-ce pas, parce que ce n’est pas le plus profond) que dépend votre santé.»
Depuis deux ans, j’accumule les expériences dans les détails les plus minimes, les choses qui peuvent paraître les plus futiles : il faut consentir à cela, ne pas avoir la manie des grandeurs ; savoir que c’est dans le tout petit effort pour créer dans quelques cellules une attitude vraie qu’on peut trouver la clef.
Seulement, quand on rentre dans la conscience ordinaire, ces choses sont tellement subtiles, elles demandent une observation tellement scrupuleuse que c’est cela qui légitime les gens (qui paraît légitimer les gens) dans leur attitude : «Oh ! c’est la Nature, c’est la Fatalité, c’est la Volonté divine.» Mais avec cette conviction-là, le «Yoga de la Perfection» est impossible, ça paraît une utopie fantastique – mais c’est FAUX. La vérité est tout autre.
(long silence)
... Quand je dis à quelqu’un : «Je m’occuperai de toi», tu sais ce que je fais ? – J’associe son corps au mien. Et alors tout le travail est fait en moi (dans la mesure où c’est possible, n’est-ce pas. Essentiellement c’est possible, mais il y a une relativité dans les possibilités parce que le temps compte ; mais dans la mesure où c’est possible...) Et alors, ça m’intéresse beaucoup de faire des recoupements et de savoir les résultats de mes interventions – pas pour me glorifier (il n’y a pas de quoi se glorifier !) – mais pour l’étude scientifique du problème : savoir comment se guider, comment discerner, qu’est-ce qui est actif, qu’est-ce qui ne l’est pas, quels sont les moyens d’approche, etc.?
Et même si on ne se sent pas très bien, eh bien, à ce moment-là, si on est capable de se dire : «Ça ne fait rien; ce qu’on a à faire, on le fera» (c’est cette espèce de peur de ne pas pouvoir faire qui est ennuyeuse), si à ce moment-là on peut sincèrement se dire «Non – avoir cette confiance dans la grâce divine – non, ce que j’ai à faire, je le ferai et on me donnera le pouvoir de le faire, ou on créera en moi le pouvoir de le faire», ça c’est l’attitude vraie.
Notes
8. Tapasya: ascèse, austérités, discipline rigoureuse.
9. Asouras: les démons du plan mental.