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LIVRE DEUX – CHAPITRE UN

LES DEUX NATURES

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L’unité est la vérité plus grande, la multiplicité la moindre vérité, cependant toutes deux sont des vérités, aucune n’est illusion.

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Malgré la nature divine du principe de force qui est en lui, l’homme fort tombe dans l’esclavage du désir et de l’attachement, trébuche dans le péché, s’efforce vers la vertu. Mais c’est parce que, en toute son action dérivée, il descend se mettre sous la coupe des trois gounas et que cette action il ne la gouverne point d’en haut, depuis sa nature divine essentielle.

La nature divine de sa force n’est pas affectée par ces dérivés, elle demeure la même en son essence malgré chaque obscurcissement et chaque faux pas.

Le Divin est là en cette nature ; Il soutient l’homme grâce à Sa force à travers les confusions de son existence inférieure jusqu’à tant qu’il puisse recouvrer la lumière, illuminer entièrement sa vie avec le vrai soleil de son être et gouverner sa volonté et les actes de celle-ci par la pure puissance de la volonté divine en sa nature supérieure.

Mais comment le Divin peut-Il être désir, kâma ? Car ce désir, ce kâma, on a déclaré qu’il est notre seul grand ennemi, celui qu’il faut mettre à mort. Mais ce désir-là était le désir de la nature inférieure définie par les gounas, et il a son origine dans l’être rajasique, rajôguna-samudbhavah ; c’est en effet ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de désir. Cet autre désir, le spirituel, est une volonté qui n’est point contraire au dharma.

Veut-on dire que le kâma spirituel est un désir vertueux, éthique en sa nature, un désir sattvique — car la vertu est toujours sattvique en son origine et sa force motrice ? Mais il y aurait alors ici une contradiction évidente   : pas plus loin que le vers suivant, en effet, il est déclaré que toutes les dispositions sattviques sont non pas le Divin, mais seulement des dérivés inférieurs.

Il ne fait pas de doute que l’on doit abandonner le péché si l’on veut se rapprocher tant soit peu de la Divinité ; mais il faut de même dépasser la vertu si l’on veut pénétrer dans l’Être divin. Il faut atteindre la nature sattvique, mais c’est pour la dépasser ensuite.

L’action éthique n’est qu’un moyen de purification grâce auquel nous pouvons nous élever vers la nature divine, mais cette nature est elle-même exhaussée par-delà les dualités — et en fait, il ne pourrait autrement y avoir de pure présence divine ni de force divine en l’homme fort qui est soumis aux passions rajasiques.

Le dharma, au sens spirituel, n’est point la morale ni l’éthique. Le dharma, dit ailleurs la Gîtâ, c’est l’action gouvernée par le swabhâva, la loi essentielle de la nature. Et profondément, ce swabhâva est la pure qualité de l’esprit en son pouvoir inhérent de volonté consciente et en sa force d’action caractéristique.

Le désir dont on parle ici est donc la volonté arrêtée du Divin en nous qui cherche et découvre non pas le plaisir de la Prakriti inférieure, mais l’Ânanda de Son propre jeu et de Son propre accomplissement ; c’est le désir de la divine Joie de l’existence déployant sa force consciente d’action selon la loi du swabhâva.

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Mais d’autre part, qu’entend-on lorsque l’on dit que le Divin n’est pas dans les devenirs, les formes ni les dispositions, fussent-elles sattviques, de la nature inférieure, bien que tous soient en Son être ? Dans un sens, Il doit évidemment être en eux, autrement ils ne pourraient exister. Mais ce que l’on entend, c’est que la vraie, la suprême nature spirituelle du Divin n’y est pas emprisonnée ; ils ne sont que des phénomènes dans Son être et créés à partir de Son être par l’action de l’ego et de l’ignorance.

L’ignorance nous présente tout en une vision inversée et pour le moins dans une expérience partiellement falsifiée. Nous imaginons que l’âme est dans le corps, qu’elle est quasiment un résultat et un dérivé du corps ; nous en avons même le sentiment, mais c’est le corps qui est dans l’âme et qui est un résultat et un dérivé de l’âme.

Nous pensons que l’esprit est une petite partie de nous-mêmes — le Purusha pas plus gros que le pouce — dans cette grande masse de phénomènes matériels et mentaux ; en réalité, cette masse, compte tenu de son imposante apparence, est une très petite chose dans l’infinité de l’être de l’Esprit.

De même ici   : à peu près dans le même sens, ces choses sont dans le Divin plutôt que le Divin n’est dans ces choses.

Cette nature inférieure que définissent les trois gounas et qui crée une vision si fausse des choses et leur attribue un caractère inférieur, est une Mâyâ, un pouvoir d’illusion ; ce qui signifie non point qu’elle n’existe pas du tout, ou qu’elle soit une pourvoyeuse d’irréalités, mais qu’elle désoriente notre connaissance, crée de fausses valeurs, nous enveloppe dans l’ego, la mentalité, les sens, la physicalité, l’intelligence limitée et y dérobe à notre vue la vérité suprême de notre existence.

Cette Mâyâ de l’illusion nous cache le Divin que nous sommes, l’esprit infini et impérissable. «   Par ces trois sortes de devenir qui sont de la nature des gounas, ce monde tout entier est dérouté, et il ne reconnaît point que Je les dépasse suprêmement et suis impérissable.   » Si nous pouvions voir que ce Divin est la vérité réelle de notre existence, tout le reste changerait aussi pour notre vision, revêtirait son caractère véritable ; notre vie ainsi que notre action acquerraient les valeurs divines et suivraient la loi de la nature divine.

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Mais alors, pourquoi, si le Divin, après tout, est là et si la nature divine est à la source même de ces dérivés déconcertants, si nous sommes le jîva et si le jîva est cela, pourquoi cette Mâyâ est-elle si difficile à vaincre, mâyâ duratyayâ ?

Parce que c’est encore la Mâyâ du Divin, daïvî hyeshâ gunamayî mama mâyâ, «   c’est ma divine Mâyâ des gounas   ». Elle est elle-même divine et se développe à partir de la nature du Divin, mais du Divin dans la nature des dieux ; elle est daïvî, des déités ou, si l’on veut, de la Déité, mais de la Déité en ses aspects cosmiques divisés, subjectifs et inférieurs, sattvique, rajasique et tamasique.

C’est un voile cosmique que le Divin a tissé autour de notre entendement, Brahmâ, Vishnu et Rudra en ont entre-croisé les fils complexes ; la Shakti, la suprême Nature est à la base et se cache dans chaque fibre de ce voile.

Nous devons l’éployer peu à peu en nous et nous en servir pour nous orienter, puis nous en détourner, la laissant derrière nous une fois son utilité révolue, nous détourner des dieux pour nous tourner vers le Divin originel et suprême en qui nous découvrirons à la fois le sens ultime des dieux et de leurs œuvres et les vérités spirituelles les plus profondes de notre existence impérissable. «   Ceux-là seuls qui se tournent vers Moi et viennent à Moi, franchissent cette Mâyâ.   »

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