Les trois principes du véritable enseignement
Dans sa dernière causerie aux enfants de l'Ashram, Pavitra, secrétaire général de l'Ashram et directeur du centre international d'éducation, ne leur a pas conseillé de lire les œuvres de Sri Aurobindo-Mère, ni même de devenir des disciples, mais de trouver ce qui les anime vraiment, ce qui les passionne, et de le faire à fond.
Que pouvons-nous dire aux disciples de Sri Aurobindo-Mère ? Chacun étant censé être à même de lire les œuvres qui lui conviennent le mieux et d'y puiser toutes les aides dont il a besoin.
Par contre, nous pouvons nous adresser à un public plus large et trouver les textes qui présentent la perspective générale de l'évolution, expliquent les bases du yoga et du travail intérieur, traitent de données générales, apportent des réponses aux questions que se posent les gens et sont ainsi susceptibles de guider toute personne, quelque soit son chemin et ses croyances de départ. Par exemple avec ce court passage sur les trois principes de l'enseignement :
Le premier principe du véritable enseignement est que rien ne peut être enseigné. Le professeur n’est ni un instructeur, ni un chef de corvée, c’est un aide et un guide. Son travail consiste à suggérer, non à imposer. Il ne forme pas effectivement le mental de l’élève ; il ne fait que lui montrer comment perfectionner ses instruments de connaissance, que l’aider et l’encourager en cours de route. Il ne lui transmet pas la connaissance, il lui montre comment l’acquérir par lui-même. Il ne fait point surgir la connaissance qui est au-dedans ; il ne fait que lui montrer où elle se trouve et comment on peut l’habituer à se manifester.
Réserver ce principe à l’enseignement mental de l’adolescent et de l’adulte et en interdire l’application à l’enfant, est une doctrine conservatrice et inintelligente. Pour les enfants comme pour les adultes, pour les garçons comme pour les filles, il n’y a qu’un juste principe de bon enseignement. La seule différence tient à l’âge, et au degré d’aide et de directives qui sont nécessaires, mais cela ne change en rien la nature de cet enseignement.
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Le deuxième principe est que le mental doit être consulté durant sa croissance. L’idée selon laquelle les parents ou les professeurs doivent façonner l’enfant à leur gré est une superstition barbare et ignorante. C’est l’enfant lui-même qui doit être encouragé à s’épanouir selon sa propre nature. Les parents ne sauraient commettre de plus grave erreur que de décider à l’avance des qualités et des capacités, des idées et des « vertus » que leurs enfants devront développer, ou de la carrière qu’ils devront choisir plus tard.
Obliger la nature à renoncer à son propre dharma (la vraie loi de son être), c’est lui faire un tort irréparable, nuire à sa croissance et défigurer sa perfection. C’est exercer sur l’âme humaine une tyrannie égoïste et desservir la nation, qui perd ainsi le bénéfice de ce que chaque homme aurait pu lui apporter de meilleur, et se voit obligée, au contraire, d’accepter quelque chose d’imparfait et d’artificiel, de médiocre, de superficiel et d’ordinaire.
Chacun porte en soi quelque chose de divin, quelque chose d’unique, une possibilité de perfection et un pouvoir qui lui sont propres — si limitée soit la sphère que Dieu lui a donnée —, et qu’il est libre d’accepter ou de refuser. Le travail consiste à le découvrir, le développer et l’utiliser. Le but principal de l’éducation devrait être d’aider l’âme en croissance à puiser en elle-même ce qu’elle a de meilleur et de le parfaire en vue d’un noble usage.
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Le troisième principe éducatif est d’aller du proche au lointain, de ce qui est à ce qui sera. La nature d’un homme est presque toujours fondée, non seulement sur le passé de son âme, mais sur son hérédité, son milieu, sa nationalité, son pays, la terre qui le nourrit, l’air qu’il respire, et tout ce qu’il est accoutumé à voir, à entendre, toutes ses habitudes. Tout cela le forme insensiblement, mais non moins puissamment, et doit donc nous servir de point de départ. Il ne faut pas arracher la nature du sol où elle doit pousser, ou entourer le mental d’images et d’idées provenant d’une existence qui est étrangère à son environnement physique. Si quelque chose doit être apporté de l’extérieur, il faut que ce soit proposé et non imposé au mental. Une croissance libre et naturelle est indispensable au véritable développement.
Sri Aurobindo — Un système national d’éducation