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Entretien de Mère du 23 mai 1956

Douce Mère, quelle est la différence entre le yoga et la religion ?

[Nous pourrions dire que yoga signifie union et qu’étymologiquement le mot religion vient du latin religare qui signifie "relier". Être relié et être uni, on sent tout de suite que ce n'est pas la même chose, même si le premier peut mener au second, ce n'est pas nécessairement toujours le cas. Selon Wikipédia, une autre étymologie propose le latin relegere signifiant "relire" et "reprendre pour choix de nouveau". Cette seconde étymologie semble très liée au texte écrit et nous emmène apparemment encore plus loin encore du yoga. Mais écoutons la réponse de Mère.]

Ah ! mon enfant... c’est comme si tu me demandais quelle est la différence entre un chien et un chat !

(long silence)

Imagine quelqu’un qui, d’une façon quelconque, a entendu parler de quelque chose comme le Divin, ou qui a un sentiment personnel qu’il y a quelque chose comme cela, et qui se met à faire des efforts de tous genres : des efforts de volonté, des efforts de discipline, des efforts de concentration, toutes sortes d’efforts pour trouver ce Divin, pour découvrir ce que c’est, pour en prendre connaissance et pour s’unir à Lui. Alors, cette personne fait un yoga.

Maintenant, si cette personne a noté tous les procédés qu’elle a employés et qu’elle construise un système fixe, et que tout ce qu’elle a découvert, elle l’érige en lois absolues — par exemple, elle dit : « Le Divin est comme ceci, pour trouver le Divin il faut faire comme cela, tel geste, telle attitude, telle cérémonie », et il faut que vous admettiez que c’est cela, la vérité, que vous disiez : « Je reconnais que cela, c’est la Vérité et j’adhère pleinement à cela, et votre méthode est la seule bonne, la seule qui existe » —, si tout cela est écrit, organisé, arrangé en lois et en cérémonies fixes, cela devient une religion.

Est-ce que par cette méthode [la religion] on peut réaliser le Divin ?

Ceux qui portent en eux une destinée spirituelle et qui sont nés pour réaliser le Divin, prendre conscience en Lui et Le vivre, n’importe quel chemin, quelle que soit la route qu’ils suivront, ils arriveront. C’est-à-dire que même dans la religion, il y a des gens qui ont eu l’expérience spirituelle et qui ont trouvé le Divin — pas à cause de la religion, généralement malgré elle, en dépit d’elle —, parce qu’ils avaient l’élan intérieur et que cet élan les a conduits là malgré tous les obstacles et à travers eux. Tout leur a été bon.

Mais si ces mêmes gens veulent exprimer leur expérience, ils se servent naturellement des termes de la religion dans laquelle ils ont été éduqués, alors ils réduisent leur expérience et la limitent forcément beaucoup, ils la rendent pour ainsi dire sectaire. Mais eux, ils peuvent très bien avoir dépassé toutes les formes et toutes les limites et toutes les conventions, et avoir eu l’expérience vraie dans sa simplicité même.

Douce Mère, dans le monde maintenant, la plupart des gens suivent une religion quelconque. Est-ce qu’ils sont aidés ?

Pas beaucoup. Peut-être recommencent-ils maintenant, mais pendant très longtemps, pendant tout le commencement de ce siècle, ils avaient répudié la religion comme une chose contraire à la connaissance ; en tout cas, toute l’humanité intellectuelle. Et c’est seulement maintenant qu’il commence à y avoir un mouvement de retour vers quelque chose d’autre qu’un positivisme à tout crin.

Les gens suivent la religion par habitude sociale, pour ne pas se faire mal voir des autres. Par exemple, dans un village, il est difficile de ne pas aller aux cérémonies religieuses, parce que tous les voisins vous montrent du doigt. Mais cela n’a absolument rien à voir avec la vie spirituelle, rien du tout.

(silence)

La première fois que je suis venue en Inde, je suis venue sur un bateau japonais. Et sur ce bateau japonais, il y avait deux clergymen, c’est-à-dire des prêtres protestants, de sectes différentes. Je ne me souviens plus exactement des sectes, ils étaient tous deux anglais ; je crois que l’un était anglican et l’autre, presbytérien.

Alors, est arrivé le dimanche. Il fallait bien faire une cérémonie religieuse sur le bateau, autrement on aurait eu l’air de païens comme les Japonais ! Il fallait qu’il y ait une cérémonie, mais qui la ferait ? Est-ce que ce serait l’anglican, ou est‑ce que ce serait le presbytérien ? Il a failli y avoir des querelles. Finalement, l’un s’est retiré avec dignité (je ne me souviens plus lequel, je crois que c’était l’anglican) et le presbytérien a fait sa cérémonie.

Cela se passait dans le salon du bateau. On descendait quelques marches pour aller dans ce salon. Et ce jour-là, tous les hommes avaient mis leur veste — il faisait chaud, je crois que l’on était dans la Mer Rouge —, ils avaient mis des vestes, des faux cols, des souliers de cuir, des cravates bien attachées, un chapeau sur la tête, et ils sont allés, avec un livre sous le bras, presque en procession, depuis le pont jusqu’au salon. Les dames avaient un chapeau, il y en avait qui portaient une ombrelle, et elles avaient aussi leur livre sous le bras, un livre de prières.

Et alors, ils se sont tous engouffrés dans ce salon, et le presbytérien a fait un discours, c’est-à-dire qu’il a fait son prêche, que tout le monde a entendu très religieusement. Et puis, quand cela a été fini, ils sont remontés tous avec l’air satisfait de quelqu’un qui a rempli son devoir. Et naturellement, cinq minutes après, ils étaient au bar en train de boire et de jouer aux cartes, et leur cérémonie religieuse était oubliée. Ils avaient fait leur devoir, c’était fini, il n’en était plus question.

Et le clergyman est venu me demander, plus ou moins poliment, pourquoi je n’avais pas assisté. Je lui ai dit   : «   Monsieur, je regrette, mais je ne crois pas à la religion.   »

— Oh ! oh ! you are a materiaslit !

— Non, pas du tout.

— Ah ! alors pourquoi ?

— Oh ! lui ai-je dit, si je vous le disais, vous seriez tout à fait mécontent, il vaut peut-être mieux que je ne vous le dise pas !

Il a tellement insisté que j’ai fini par lui dire   : «   Figurez-vous que je ne trouve pas que vous soyez sincères, ni vous, ni vos ouailles. Vous êtes allés là pour remplir un devoir social et une habitude sociale, mais pas du tout parce que vous aviez vraiment envie d’entrer en relation avec Dieu.   »

— Entrer en relation avec Dieu ! Mais nous ne pouvons pas faire ça ! Tout ce que nous pouvons dire, ce sont de bonnes paroles, mais nous n’avons aucune capacité d’entrer en relation avec Dieu.

Alors j’ai dit   : «   Mais c’est justement pour cela que je n’y suis pas allée, parce que cela ne m’intéresse pas.   »

Après cela, il m’a posé beaucoup de questions et il m’a avoué qu’il s’en allait en Chine pour convertir les «   païens   ». Alors là, je suis devenue sérieuse et je lui ai dit   : «   Écoutez, avant même que votre religion ne soit née — il n’y a pas encore deux mille ans —, les Chinois avaient une très haute philosophie et ils avaient un chemin pour les conduire vers le Divin ; et quand ils pensent aux Occidentaux, ils pensent à eux comme à des barbares. Et alors, vous allez là pour convertir des gens qui en savent plus que vous ? Qu’est-ce que vous allez leur apprendre ? À être insincères, à faire des cérémonies creuses au lieu de suivre une philosophie profonde et un détachement de la vie qui les mène vers une conscience plus spirituelle ?... Je ne crois pas que ce soit une chose très bonne que vous allez faire.   » Alors il était tellement suffoqué, le pauvre homme ; il m’a dit   : «    Eh, I fear, I can’t be convinced by your words !   »

— Oh ! ai-je dit, je n’essaye pas de vous convaincre, je vous ai seulement dit la situation, et que je ne vois pas très bien pourquoi des barbares voudraient aller enseigner à des gens civilisés ce qu’ils savent depuis plus longtemps que vous, c’est tout. Et voilà ! Cela a été fini.

Mère, on dit dans les traditions bouddhiques...

Oh ! Oh ! vous êtes bouddhissisant ! C’est à la mode. Oui ?

... on dit que deux mille cinq cents ans après sa naissance...

Oui, il reviendra dans le monde pour prêcher un nouveau bouddhisme, c’est cela ?

... il paraît que son enseignement sera fini, il sera remplacé par quelque chose de nouveau.

Oui, c’est ce monsieur... comment s’appelle-t-il... X, qui vous a dit cela ? Mais c’est sa théorie. Il m’a dit aussi qu’il pensait que c’était Sri Aurobindo qui avait réalisé l’enseignement du Bouddha. C’est cela ? Vous n’êtes pas allé à sa conférence ?... Non, alors, qu’est‑ce que vous vouliez demander ?

Parce que c’est maintenant — demain c’est le jour des deux mille cinq cents ans —, est‑ce que cela correspond à la nouvelle chose ?

Quelle nouvelle chose ?

La manifestation nouvelle, supramentale.

Oh ! écoutez, cela me paraît être tout à fait ce genre de découverte que l’on fait quand on veut quelque chose de sensationnel. Il y a toujours beaucoup de façons d’interpréter les textes, et on le fait suivant ce que l’on veut leur faire dire.

Légère, fluide, claire et transparente, et si propre !

Une atmosphère spirituelle est plus importante que les conditions extérieures ; si on peut obtenir cela et aussi créer son propre air spirituel pour y respirer et y vivre, c'est la vraie condition du progrès.

Sri Aurobindo – Lettres sur le Yoga

🌸

Dans toute existence spirituelle, la vie intérieure est la chose de première importance. L'homme spirituel vit toujours au dedans, et, dans un monde d'ignorance qui refuse de changer, il doit rester séparé, en un certain sens, et protéger sa vie intérieure contre l'influence et l'intrusion des forces obscures de l'ignorance. Il est hors du monde alors même qu'il est en lui, et s'il agit sur lui, c'est depuis la forteresse de son être spirituel intérieur où il est un avec l'Existence Suprême, et où, dans le sanctuaire le plus profond, l'âme et Dieu sont seuls ensemble.

Sri Aurobindo – La vie divine. Livre 2

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En nous, il existe deux centres du Pourousha (l'Ame intérieure par laquelle il [le Brahman] nous touche et nous éveille) : le Pourousha dans le lotus du cœur qui ouvre tous nos pouvoirs vers le haut, et le Pourousha dans le lotus aux mille pétales par où les éclairs de la vision et le feu de l'énergie divine descendent dans la pensée et dans la volonté en ouvrant en nous le troisième œil. L'existence de béatitude peut venir à nous par l'un ou l'autre de ces centres. Quand le lotus du cœur s'épanouit, nous sentons la joie divine, l'amour et la paix se répandre en nous comme une fleur de lumière qui irradie l'être entier . . .

Quand s'ouvre le lotus supérieur, le mental tout entier se remplit d'une lumière, d'une joie et d'une puissance divines derrière lesquelles se trouve le Divin, le Seigneur de notre être sur son trône, avec notre âme à ses côtés ou absorbée en ses rayons ; toute la pensée et toute la volonté deviennent alors une luminosité, un pouvoir, une extase.

Sri Aurobindo – La Synthèse des Yogas

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Dans son essence, la spiritualité est l'éveil à la réalité intérieure de notre être, à l'Esprit, au Moi, à l'âme qui est autre que notre mental, notre vie et notre corps ; c'est une aspiration intérieure pour connaître, pour sentir, pour être Cela, pour entrer en contact avec la Réalité plus grande qui dépasse l'univers et le pénètre, et qui habite aussi notre être lui-même ; c'est une aspiration pour entrer en communion avec cette Réalité et pour s'unir à elle, et, comme résultat de l'aspiration, du contact et de l'union, c'est un renversement, une conversion, une transformation de tout l'être, une croissance ou un éveil dans un nouveau devenir ou un nouvel être, un nouveau moi, une nouvelle nature.

Sri Aurobindo – La vie divine. Livre 2

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La spiritualité ne peut venir que d'une ouverture du mental, du vital et du physique à l'âme profonde, au Moi supérieur, au Divin, et de leur subordination aux forces spirituelles, de leur utilisation comme des canaux de la Lumière intérieure, de la Connaissance et du Pouvoir supérieurs.

Sri Aurobindo – Lettres sur le Yoga

🌸

 

Toute la perfection dont l'homme extérieur est capable, n'est que la réalisation de l'éternelle perfection de l'Esprit qui est en lui. Nous connaissons le Divin et devenons le Divin parce que nous Le sommes déjà dans notre nature intime.

Sri Aurobindo – La Synthèse des Yogas

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La préoccupation la plus ancienne de l'homme dans ses pensées conscientes et, semble-t-il, sa préoccupation inévitable et ultime... est aussi la plus haute que sa pensée puisse envisager. Elle se manifeste dans le pressentiment de la Divinité, l'élan vers la perfection, la recherche de la Vérité pure et de la Béatitude sans mélange, le sens d'une immortalité secrète. Les anciennes aurores de la connaissance humaine nous ont laissé le témoignage de cette constante aspiration ; aujourd'hui, nous voyons une humanité rassasiée, mais non pas satisfaite par l'analyse victorieuse des caractères extérieurs de la Nature et se préparant à retourner à ses aspirations premières. La première formule de la Sagesse promet d'être la dernière : Dieu, la Lumière, la Liberté, l'Immortalité.

Sri Aurobindo – La vie divine. Livre 1

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Mais l'esprit même du Yoga est de rendre normal l'exceptionnel et de changer ce qui est au-dessus de nous et plus grand que notre moi normal en un état constant de notre conscience. Par conséquent, nous ne devons pas hésiter à nous ouvrir plus continûment à notre expérience de l'Infini, quelle qu'elle soit, à la purifier, l'intensifier, à en faire l'objet constant de notre pensée et de notre contemplation.

Sri Aurobindo – La Synthèse des Yogas

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La vie spirituelle, la vie du yoga, a pour but une croissance aboutissant à l'union avec la conscience divine, et pour résultat, de purifier, intensifier, glorifier et perfectionner ce qui est en chacun de nous. Elle nous donne le pouvoir de manifester le Divin ; elle exhausse le caractère de chaque personnalité jusqu'à sa pleine valeur et l'amène au maximum de son expression. Car ceci fait partie du plan divin.

Entretien de Mère du 4 août 1929

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