Être concentré – être amoureux – être consacré
Dans la vidéo N°6 sur les siddhis du yoga Sraddhalu fait cette citation de Vivékananda. D'après Grok cette citation est tirée de : Vedanta Philosophy – Lectures by the Swami Vivekananda on Raja Yoga.
« Prenez une idée, faites de cette idée votre vie : rêvez-en, pensez-y, vivez pour cette idée. Laissez votre cerveau, votre corps, vos muscles, vos nerfs, chaque partie de votre être être remplie de cette idée, et mettez toutes les autres idées de côté. C’est le chemin vers le succès. Et c’est ainsi que sont produits les grands géants spirituels. »
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En quelque sorte, être concentré, ressemble à être amoureux. Quand on est amoureux de quelqu'un ou de quelque chose, on y pense tout le temps, c'est la chose la plus importante de notre vie...
Quelle peut-être cette "idée" dont parle Vivékananda ? Pour y consacrer tant de temps et d'attention, il faut que nous choisissions quelque chose qui vaille vraiment la peine. Nous pouvons commencer par ne pas choisir, n'avoir absolumument aucune idée préconçue et nous tourner vers le centre psychique, dans les profondeurs les plus profondes de notre poitrine, pour écouter, ressentir découvrir l'aspiration vraie de notre âme...
Mais si l'on entend rien... nous pouvons aussi partir de la foi mentale que la meilleure idée à laquelle nous puissions nous accrocher, c'est le Divin : Réaliser le Divin, réaliser la Vérité de notre être (c'est la même chose).
Et tant que cela ne sera pas réalisé, nous en reviendrons toujours là :
Agenda sans date – 1958
Comment voulez-vous savoir la chose vraie que vous avez à réaliser dans le monde aussi longtemps que vous n’êtes pas en possession de la vérité de votre être ?
Agenda du 24 mai 1962
... au fond, c'est toujours la même chose. C'est toujours la même chose : réaliser son propre être, entrer en rapport conscient avec la Vérité suprême de son propre être, sous n'importe quelle forme, par n'importe quel chemin – ça n'a aucune importance –, mais c'est le seul moyen. Nous portons, chaque individu porte en lui une vérité, et c'est à cette vérité qu'il doit s'unir, c'est cette vérité qu'il doit vivre ; et comme cela, le chemin qu'il aura à suivre pour joindre et réaliser cette vérité est le chemin qui le mènera le plus près possible de la Connaissance. C'est-à-dire que les deux sont absolument unis : cette réalisation personnelle, et la Connaissance.
🌸
Dans l'Agenda suivant Mère donne une réponse plus précise et plus complète : la consécration au Divin et à son œuvre : la transformation supramentale. Je partage cet Agenda en intégralité car il y est dit des choses très intéressantes par ailleurs.
Agenda du 10 mai 1958
Ce matin, tout d’un coup, j’ai regardé mon corps (généralement je ne le regarde pas : je suis dedans à travailler), j’ai regardé mon corps et je me suis dit : «Voyons, qu’est-ce qu’un témoin dirait de ce corps ?» (le témoin dont parle Sri Aurobindo dans La Synthèse des Yoga). Rien de très remarquable. Alors j’ai formulé cela comme suit (Mère lit une note manuscrite):
«Ce corps n’a ni l’autorité incontestée du Dieu, ni la sérénité imperturbable du sage.»
Alors quoi ?
«Il n’est qu’un simple apprenti en surhumanité.»
C’est tout ce qu’il essaie de faire.
J’ai vu et compris très bien que j’aurais pu, en me concentrant, lui donner cette attitude d’autorité absolue de la Mère éternelle. Quand Sri Aurobindo m’a dit : «Vous êtes Elle», il a en même temps conféré à mon corps cette attitude d’absolutisme dans l’autorité. La vision intérieure de la vérité était là et, par conséquent, je me souciais fort peu des imperfections du corps physique – je ne m’en occupais pas et, à travers lui, je dictais. Sri Aurobindo faisait la sâdhanâ pour ce corps, qui n’avait qu’à rester constamment ouvert à son action.1
1. Cette dernière phrase a été rajoutée manuscritement par Mère.
Après, quand il est parti et qu’il m’a fallu faire le yoga moi-même, pour être capable de tenir sa place physique j’aurais pu prendre l’attitude du Sage. Je l’ai fait puisque, à ce moment-là, au moment où il est parti, j’étais dans un état de sérénité sans égal. Quand il m’a dit en sortant de son corps et en entrant dans le mien : «Tu continueras, tu iras jusqu’au bout du travail», à ce moment-là j’ai imposé à ce corps une sérénité : la sérénité d’un détachement total. J’aurais pu rester comme cela.
Mais la sérénité absolue implique en quelque sorte le retrait de l’action, il fallait donc choisir l’un ou l’autre. Je me suis dit : «Je ne suis ni ceci exclusivement, ni cela exclusivement.» Et au fond, faire le travail de Sri Aurobindo, c’est réaliser le Supra-mental sur la terre. Alors j’ai commencé ce travail-là, et à vrai dire je n’ai demandé à mon corps que cela. Je lui ai dit : «Maintenant tu vas rectifier tout ce qui est démoli et, petit à petit, tu vas réaliser cette surhumanité intermédiaire entre l’homme et l’être supramental, c’est-à-dire ce que j’appelle le surhomme.»
Et c’est cela que j’ai fait depuis huit ans ; et encore beaucoup plus depuis deux ans, depuis 1956. Alors là, c’est le travail de chaque jour, de chaque minute.
Voilà où j’en suis. J’ai renoncé à l’autorité incontestée du Dieu, j’ai renoncé à la sérénité inébranlable du Sage... pour devenir le surhomme. J’ai tout concentré là-dessus.
On verra.
J’apprends à travailler. Je ne suis qu’un apprenti, un simple apprenti : je suis en train d’apprendre le métier !
*
* *
(Peu après)
C’est le corps, le corps physique qui résiste obstinément chez un nombre considérable de gens.
C’est beaucoup plus difficile pour les Occidentaux que pour les Indiens. La substance est comme pétrie de mensonge. Chez les Indiens, cela arrive aussi, bien entendu, mais généralement le mensonge est beaucoup plus dans le vital que dans le physique – le physique, tout de même, a servi à des corps qui ont appartenu à des êtres illuminés. La substance européenne semble pétrie de révolte ; dans la substance indienne, cette révolte est mitigée par une influence de «surrender» (soumission).
Quelqu’un me parlait l’autre jour de ses correspondants et je lui disais : mais dites-leur donc de lire, d’apprendre, de suivre La Synthèse des Yoga: ça vous mène tout droit au chemin. Alors il m’a répondu : «Oh! ils disent : il n’est question que de surrender ; il n’est question que de surrender, toujours surrender...», et ils n’en veulent pas.
Ils n’en veulent pas ! Même si le mental accepte, le corps et le vital refusent ; le corps refuse, et il refuse avec une obstination de pierre.
N’est-ce pas par inconscience ?
Non, dès qu’il est conscient, il est conscient de son propre mensonge ! Il est conscient de cette loi-ci, de cette loi-là, de cette troisième loi, de cette quatrième loi, cette dixième loi – tout est «des lois». «Nous sommes soumis à la loi physique : cela produira tel résultat, et si vous faites ça, il se produira ceci, etc.» Non ! ça sue par tous les pores ! je le sais bien. Je le sais bien. Ça sue le mensonge. Dans le corps, on n’a aucune foi en la Grâce divine, aucune, aucune, aucune, aucune ! Si l’on n’a pas subi la tapasya2 comme je l’ai subie, on dit : «Oui, toutes les choses intérieures, morales, tous les sentiments, toute la psychologie, tout ça c’est très bien ; nous voulons le Divin et nous sommes prêts à nous... – mais enfin les faits matériels sont des faits matériels, ils ont leur réalité concrète : une maladie est une maladie, la nourriture est la nourriture, et la conséquence de tout ce que l’on fait est une conséquence, et quand on est...» – bah, bah, bah, bah, bah !
2. Tapasya : discipline yoguique ou ascèse.
Il faut comprendre que ce n’est pas vrai – que ce n’est pas vrai, que c’est un mensonge, que tout cela n’est qu’un mensonge. Ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai !
Si nous acceptions le Suprême au-dedans de notre corps, si l’on avait l’expérience que j’ai eue il y a quelques jours3 : c’est la suprême Connaissance en action, avec la suppression totale de toutes les conséquences, passées et futures. Chaque seconde a son éternité et sa loi propre qui est une loi d’absolue vérité.
3. L’expérience du 1er mai 1958.
Quand j’ai eu cette expérience, j’ai compris qu’il y a seulement un mois j’étais encore en train de dire des imbécillités grosses comme des montagnes. J’ai ri, au point de presque approuver les gens qui disaient que «Tout de même, le Suprême ne va pas décider du nombre de morceaux de sucre que l’on met dans son café ! C’est projeter sa manière d’être sur le Suprême.» Et c’est une imbécillité grosse comme l’Himalaya ! C’est une ânerie, l’ânerie prétentieuse du mental qui se projette sur la vie divine et qui s’imagine que la vie divine est selon sa projection.
Le Suprême ne décide pas : Il sait. Le Suprême ne veut pas : Il voit. Et ça, à chaque millième de seconde, éternellement. C’est tout. Et c’est la seule condition vraie.
Je sais que l’expérience que j’ai eue l’autre jour est nouvelle et que j’ai été la première personne sur la terre à l’avoir. Mais c’est la seule chose qui soit vraie. Tout le reste...
J’ai commencé ma sâdhanâ quand je suis née, sans savoir que je la faisais. Je l’ai continuée à travers toute ma vie, il y a quatre-vingts années de cela, presque (on peut dire que peut-être pendant les trois ou quatre premières années de ma vie, c’était encore quelque chose qui bougeait dans l’inconscience). Et sâdhanâ volontaire, consciente, j’ai commencé à peu près à vingt-deux ou vingt-trois ans, sur un terrain préparé. J’en ai quatre-vingts passés : je n’ai pensé qu’à ça, je n’ai voulu que ça, je n’avais pas d’autre intérêt dans la vie, et je n’ai pas oublié une minute que c’était ça que je voulais. Ce n’étaient pas des périodes où l’on se souvient et des périodes où l’on oublie : ça a été continu, perpétuel, nuit et jour, depuis l’âge de vingt-quatre ans – et j’ai eu l’expérience pour la première fois il y a à peu près une semaine ! Alors je dis que les gens qui sont pressés, les gens qui sont impatients, sont des idiots prétentieux.
...C’est un dur chemin. Je tâche de le rendre aussi confortable que possible, mais de toute façon c’est un dur chemin. Et il est évident que ça ne peut pas être autrement. On est traité à coups de poings et à coups de marteau jusqu’à ce qu’on comprenne. Jusqu’à ce qu’on soit dans cet état où tous les corps sont votre corps. Alors là, on commence à rire ! On était vexé par ceci, on avait mal à cause de cela, on souffrait de ceci, de cela – oh! comme ça paraît drôle ! Et ce n’est pas seulement la tête, c’est le corps qui trouve cela drôle!
(silence)
...et c’est tellement invétéré : toutes les réactions de la conscience corporelle sont comme cela, avec une sorte de contraction à l’idée de laisser intervenir un pouvoir supérieur.
(silence)
Au point de vue positif, je suis convaincue que nous sommes d’accord sur le résultat à obtenir, c’est-à-dire une consécration intégrale et sans réserve – dans l’amour, la connaissance, et l’action – au Suprême et a son œuvre. Je dis au Suprême et à son œuvre parce que la consécration au Suprême seul n’est pas suffisante. Nous sommes ici, maintenant, pour cette réalisation supramentale et c’est ça qui est attendu de nous, mais pour pouvoir y parvenir, il faut que la consécration à ça soit totale, sans réserve, absolument intégrale. Cela, je pense que tu l’as compris, c’est-à-dire que tu as la volonté de le réaliser.
Au point de vue négatif – je veux parler des difficultés à surmonter –, l’un des obstacles les plus sérieux est la légitimation que la conscience extérieure ignorante et mensongère, la conscience ordinaire, donne à toutes les prétendues lois physiques, causes, effets et conséquences, à tout ce que la science a découvert physiquement, matériellement. Tout cela est une réalité indiscutable dans la conscience, une réalité qui se tient indépendante et absolue en présence de la Réalité divine éternelle.
Et c’est tellement automatique que c’est inconscient.
Quand il s’agit de mouvements comme la colère, les désirs, etc., on reconnaît qu’ils ont tort et qu’ils doivent disparaître, mais quand il est question des lois matérielles – du corps, par exemple, de ses besoins, de sa santé, de sa nourriture et de toutes ces choses –, elles ont une réalité concrète si solide, si compacte, si établie, que ça paraît absolument indiscutable.
Eh bien, pour pouvoir guérir cela, qui est de tous les obstacles le plus grand (cette habitude de mettre la vie spirituelle d’un côté et la vie matérielle de l’autre, de reconnaître aux lois matérielles leur droit d’existence), il faut prendre une résolution, c’est, coûte que coûte, de ne jamais légitimer aucun de ces mouvements.
Pour pouvoir voir le problème tel qu’il est, il est tout à fait indispensable, c’est-à-dire d’une façon première, de sortir de la conscience mentale, même de la transcription mentale (dans le mental le plus élevé) de la vision et de la vérité supramentales. On ne voit la chose telle qu’elle est, dans sa vérité, que dans la conscience supramentale, et si on essaie de l’expliquer, comme on est obligé de formuler mentalement, ça commence tout de suite à vous échapper.
Pour moi, je n’ai vu les choses qu’au moment de cette expérience,4 et comme un résultat de cette expérience. Mais même l’expérience elle-même est impossible à formuler, et dès que je me suis mise à faire effort pour la formuler, plus j’arrivais à formuler, plus la chose s’évanouissait, s’échappait.
4. Du 1er mai 1958.
Par conséquent, si l’on ne se souvient pas d’avoir eu l’expérience, on est laissé dans la même condition qu’avant, mais avec cette différence que, alors, on sait, et on peut savoir que ça (les lois matérielles) ne correspond pas à la vérité. C’est tout. Ça ne correspond pas du tout à la vérité et, par conséquent, si l’on veut être fidèle à son aspiration, il ne faut d’aucune façon légitimer tout cela. Il faut dire : c’est un mal dont nous souffrons pour le moment, pour une période intermédiaire, mais c’est un mal et c’est une ignorance. Parce que c’est vraiment une ignorance (ce n’est pas un mot) : c’est une ignorance, ce n’est pas la chose telle qu’elle est, même quand notre corps tel qu’il est est en question. Par conséquent, nous ne légitimons rien. Nous disons : c’est un mal qu’il faut subir pour le moment jusqu’à ce que nous en sortions, mais nous ne reconnaissons pas à tout cela une réalité concrète. Ça n’a pas une réalité concrète, ça a une réalité mensongère – ce que nous appelons une réalité concrète est une réalité mensongère.
Et la preuve – j’ai une preuve parce que j’en ai l’expérience sur moi-même –, c’est que de la minute où l’on est dans l’autre conscience, la vraie conscience, toutes ces choses qui paraissent si réelles, si concrètes, changent instantanément. Il y a un nombre de choses, de conditions matérielles de mon corps – matérielles – qui ont changé instantanément. Ça n’a pas duré assez longtemps pour que tout change, mais il y a des choses qui ont changé et qui ne sont jamais revenues, qui sont restées changées. C’est-à-dire que si cette conscience-là était gardée constamment, ce serait le miracle perpétuel (ce que, de notre point de vue ordinaire, nous appelons miracle), le miracle fantastique et perpétuel ! Mais au point de vue supramental, ce ne serait pas du tout un miracle, ce serait la chose la plus normale.
Donc, si l’on ne veut pas opposer une résistance obscure, inerte, obstinée à l’action du supramental, il faut, une fois pour toutes, admettre que nous ne devons rien légitimer de tout cela.
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Agenda du 1er mai 1958
J’ai en ce moment, l’une après l’autre, toutes les expériences qu’il est possible d’avoir dans le corps. Hier et ce matin... oh ! ce matin :
Je voyais là (centre du cœur), le Maître du Yoga ; il n’était pas différent de moi mais quand même je le voyais, c’était même comme un peu coloré. Eh bien, il fait tout, il décide tout, il organise tout, avec une précision presque mathématique, et dans les plus petits détails – tout.
Faire la Volonté divine – il y a longtemps que je fais la sâdhanâ et je peux dire qu’il n’y a pas eu un jour que je ne fasse la Volonté divine. Eh bien, je ne savais pas ce que c’était ! Je vivais dans tous les domaines intérieurs, depuis le physique subtil jusqu’aux régions les plus hautes, mais je ne savais pas ce que c’était... J’étais toujours obligée d’écouter, de me référer, de prêter attention. Là, plus rien : une béatitude ! Il n’y a plus de problèmes, et tout se fait dans une telle harmonie ! Même si l’on devait quitter son corps, on serait dans la béatitude. Et ça se ferait le mieux du monde.
C’est seulement maintenant que je commence à comprendre ce que Sri Aurobindo a écrit dans La Synthèse des Yoga ! Et le mental humain, le mental physique apparaît tellement stupide, tellement stupide !
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Si l'on ne vit que pour le Divin et par le Divin, il s'ensuit une pureté parfaite.
La pureté : n'accepter aucune influence exceptée celle du Divin.
Sri Aurobindo – Lettres sur le Yoga
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Entretien de Mère du 22 décembre 1954
Douce Mère, « être pur » veut dire ?
Être pur, qu’est‑ce que ça veut dire ? On n’est vraiment parfaitement pur que lorsque tout l’être, dans tous ses éléments et tous les mouvements, adhère pleinement, exclusivement, à la Volonté divine. Ça, c’est la pureté totale. Cela ne dépend d’aucune loi morale ou sociale, d’aucune convention mentale d’aucun genre. Cela dépend exclusivement de ça : quand tous les éléments et tous les mouvements de l’être adhèrent exclusivement et totalement à la Volonté divine.
Alors, il y a des étapes, il y a des degrés. Par exemple, l’insincérité, qui est une des plus grandes impuretés, provient toujours de ce qu’un mouvement ou un ensemble de mouvements, un élément de l’être ou un ensemble d’éléments de l’être, veulent suivre leur volonté propre et ne pas être l’expression de la Volonté divine. Alors, cela produit dans l’être ou une révolte ou un mensonge. Je ne veux pas dire que l’on dit des mensonges, mais je veux dire que l’on est dans un état de mensonge, d’insincérité. Et alors, les conséquences sont plus ou moins graves et plus ou moins étendues suivant la gravité du mouvement en lui-même, et de son importance. Mais ce sont, si l’on se place au point de vue de la pureté, ce sont ces choses-là qui sont des impuretés.
Par exemple, si vous vous placez à un point de vue moral, qui est lui-même tout à fait faux au point de vue spirituel, il y a des gens qui se conduisent moralement d’une façon tout à fait parfaite en apparence, qui se conforment à toutes les lois sociales, à tous les usages, à toutes les conventions morales, et qui sont des masses d’impureté ; au point de vue spirituel, ce sont des êtres qui sont profondément impurs. Tandis qu’il y a de pauvres gens qui font des choses... qui sont nés, par exemple, avec un sens de liberté, et qui font des choses qui ne sont pas considérées comme très respectables au point de vue social ou moral, et qui peuvent être dans un état d’aspiration intérieure et de sincérité intérieure qui les rend infiniment plus purs que les autres.
Ça, c’est une des grosses difficultés. Dès que l’on parle de ces choses-là, c’est la déformation produite dans la conscience par toutes les conventions sociales et morales. Dès que vous parlez de pureté, il y a un monument moral qui se présente devant vous et qui fausse complètement votre notion. Et notez qu’il est infiniment plus facile d’être moral au point de vue social que d’être moral au point de vue spirituel. Moral au point de vue social, il n’y a qu’à faire bien attention de ne faire rien de ce qui n’est pas approuvé par les autres ; cela peut être plus ou moins difficile, mais enfin, cela n’est pas impossible ; et on peut être, comme je dis, un monument d’insincérité et d’impureté en faisant cela. Tandis que d’être pur au point de vue spirituel, cela veut dire une vigilance, une conscience, une sincérité à toute épreuve.
Maintenant, je peux vous mettre en garde contre quelque chose — je crois que, justement, c’est dans ce livre-là que Sri Aurobindo en a parlé —, ce sont les gens qui vivent dans leur conscience vitale et qui disent : « Moi, je suis au-dessus des lois morales, je suis une loi supérieure, je suis libre de toute loi morale. » Et ça, c’est parce qu’ils veulent se livrer à tous les dérèglements. Ceux-là, alors, ils ont la double impureté : ils ont l’impureté spirituelle, et en plus ils ont l’impureté sociale. Et ceux-là, généralement, ils ont une très bonne opinion d’eux-mêmes, et ils affirment leur volonté de vivre leur vie avec une impudence sans égale. Mais ceux-là, nous n’en voulons pas.
Mais généralement, les gens avec qui j’ai rencontré le plus de difficultés pour qu’ils se convertissent, ce sont les gens très respectables. Je regrette, mais j’ai eu beaucoup plus de difficultés avec les gens respectables qu’avec les gens qui ne l’étaient pas, parce qu’ils avaient tellement bonne opinion d’eux-mêmes qu’il était impossible de les ouvrir. Mais la vraie chose, elle est difficile. C’est-à-dire qu’il faut être très vigilant et très maître de soi, très patient, et avec une bonne volonté à toute épreuve.
Il ne faut pas négliger d’avoir une petite dose d’humilité, suffisante, et il ne faut jamais être satisfait de la sincérité que l’on a. Il faut toujours en vouloir davantage.