Extraits Carnets 17 (de janvier à juin 1997)
1er janvier 1997
On veut délivrer l'âme dans la Nuit
(ou l'âme qui est dans la Nuit) ?
(dans l'Inconscient)
(dans la Matière).
🌸
4 janvier 1997
Mère disait : "Il faut accepter d'être imbécile pendant pas mal de temps."
Eh bien, maintenant, je sens que c'est cela qui arrive. (Je le sens progressivement depuis quelques temps.)
🌸
5 janvier 1997
La résistance bâtit l'intensité qu'il faut pour briser la Résistance.
🌸
22 janvier 1997
Parce qu'il n'y a pas de doute, il y a une assez considérable partie de cette soi-disant humanité qui doit disparaître.
"In a great world bare and Bright" [Dans un grand monde nu et lumineux*].
* A God's Lanour, Le Labeur d'un Dieu, Sri Aurobindo. [N.D.É.]
🌸
26 janvier 1997
Le centre de l'univers est innombrable, autant que chacun de ces points.
Un point peut changer tout l'univers.
🌸
1er février 1997
N'est-ce pas, alors tout fonctionne d'une façon un peu particulière, tu sais, alors c'est comme si j'avais compris sans comprendre ce que tu me disais.
[...]
Sri Aurobindo avait parlé, il avait bien dit : "A last fierce spasm of Nations and..." Oui, je ne me souviens pas, mais il a bien parlé d'un "last fierce spasm of the Nations".
(Sujata va chercher)
Je crois que c'est In the Moonlight. Voilà :
"Il vient enfin, le jour prévu d'antan...
La Cité des Délices, l'Âge d'Or.
L'Âge de Fer est fini.
Seul, maintenant,
Un dernier spasme féroce du passé mourant
Secouera les nations, et, une fois tombé,
La Terre, lavée de ses maux, lèvera un front plus vrai,
Pour emplir le corps d'une âme grandissante
Étendre le droit du Ciel sur la terre douloureuse
Et passer de la mort à une naissance plus divine
[...]
Le vieux périra, il disparaîtra,
Nettoyé, annihilé, effacé ;
Et tous les liens de fer qui entravent
Le vaste épanouissement de l'homme céderont enfin."
/https%3A%2F%2Ftruthsun.com%2Fimages%2FSri-Aurobindo%2Fpoems%2Fin-the-moonlight.jpg)
'In the Moonlight' - poem by Sri Aurobindo
'In the Moonlight', poem, Circa 1900-1906, Published in 'Ahana and other Poems (1915)', SABCL & CWSA Editions, Part III - Baroda and Bengal (Circa 1900-1909)
https://motherandsriaurobindo.in/Sri-Aurobindo/poems/in-the-moonlight/
23-24 février 1997
Oui, c'est ça, ma conscience n'est pas du tout tournée vers le passé, mais j'ai l'impression que je traverse des siècles pour regarder devant. Et je regarde toujours devant, jamais derrière. Mais c'est comme si, oui, comme si mon être ou mon regard traversait une immensité de temps.
🌸
7 mars 1997
On est de plus en plus dans le Tremblement de terre – il n'y a rien à dire d'un tremblement de terre. Il faut tra-ver-ser.
*
Je voudrais tant qu'on sorte de ce système indéfiniment désastreux – Vous donner tout ça, jusqu'à la Victoire finale de Mère sur tout ce Malheur et Mensonge humain.
🌸
22 mars 1997
Que l'on puisse sortir de ce Vieux malheur.
Il faut tra-ver-ser.
🌸
5 avril 1997
Il n'y a pas de "formule" ; il y a cent mille manières de résister par des millions de fibres de ce maudit squelette qui se tendent et se déchirent.
Il faut DURER, c'est tout.
🌸
6 avril 1997
Eh bien je suis très content. Oui, on ne peut pas comprendre que c'est un chemin dans le noir. Il faut vraiment autre chose qui vous conduise malgré vous ! Et qui vous donne les obstacles mêmes qu'il faut ! Tu comprends ?
Comme Sri Aurobindo a si bien dit : le Divin fait sortir des obstacles avant, parce que s'ils sortaient après, ce serait fatal !
Je ne sais pas exactement ses mots, mais Il soulève d'avance les obstacles qui, à un stade ultérieur pourraient être fatals, tu comprends ?
Oh ! Tu sais, c'est mystérieux, et merveilleux, et terrible. Et beau.
🌸
18 avril 1997
Le monde entier est
ivre de destruction
🌸
22 avril 1997
Pourquoi donc y a-t-il toujours des siècles qui sont prêts à pleurer en moi, au moindre petit choc, à la moindre petite note – des siècles sans fin, vécus. Et tout est ramassé là, comme gonflé d'une peine éperdue.
C'est comme cela que je prends conscience de tous mes siècles – il n'y a "personne", il y a seulement des peines accumulées par je ne sais qui, ou ne ne sais combien de "qui".
Et je vois bien que le bout de tout cela, c'est l'Amour, un Amour sans fin, sinon c'est le suicide, comme tant d'autres.
Cela fait une sensibilité effrayante, que j'ai essayé de cacher de mille façons et à travers mille fuites, à travers toute ma vie... jusqu'à Mère qui m'a ouvert la porte, la seule porte de tout ça.
Il y a Toi, tout le reste est impossible – pas vivable.
🌸
27 avril 1997
Le corps a perçu, compris, clairement le scaphandre de plomb dans lequel nous vivons, pensons, rêvons et mourrons.
C'est notre scaphandre de crustacé pensant et "vivant".
C'est cela qu'on troue pour faire passer l'autre air et l'autre terre et l'autre matière.
🌸
30 avril 1997
Le vrai Mur dans la Matière, ce ne sont pas les atomes, c'est la douleur.
La Matière, c'est de la douleur coagulée.
*
Finalement, on n'est plus qu'une pauvre bête de douleur, mais qui croît ou qui sait si intensément qu'il y a un autre côté à tout ça.
🌸
1er mai 1997
Il faut ABSOLUMENT créer ou faire venir un autre type d'être.
C'est le seul espoir pour la Terre.
🌸
14 mai 1997
Moi j'ai beaucoup cette sensation aussi que le temps, le temps compte et qu'il n'y a plus beaucoup de temps.
Il faut arriver à la dernière porte et puis... La tirer de là.
Notes personnelles :
Satprem fait référence à une vision de Sujata où elle a vu après avoir passé de nombreuses portes, l'Essence de Elle. Satprem et Sujata en ont déduit que c'était de "Mâ" qu'il s'agissait. Et un peu plus loin, Satprem en vient à dire :
C'est très, très émouvant.
Oui, il faut, il faut, le temps presse, il faut arriver à cette dernière porte et, et puis (Satprem donne un coup sur un meuble).
Est-ce la fameuse et intrigante porte sans clef dont parle Sri Aurobindo dans Le Labeur d'une Dieu ?
Une voix a crié, « Va où nul n'est allé !
Creuse plus profond et encore plus profond
Jusqu'à ce que tu arrives à l'inexorable pierre de fond
Et frappe à la porte sans clef. »
[...]
L'âme ne se laisse pas tromper, et elle la force.
*
Alors, en tant que nouvelles, il y a eu le tremblement de terre en Iran l'autre jour [11 mai], et puis hier midi All India Radio disait : tremblement de terre au Japon – aux Philippines. Et puis hier soir, ils parlaient de Dehli et du côté de Shimla, ils disaient "mild intensity" [faible intensité], ils n'ont pas dit quoi exactement. Et ce matin All India Radio disait qu'il y a eu un tremblement de terre au centre du Pakistan, en Afghanistan, et [que] l'origine était dans le Hindou Kouch, et ça a été senti jusqu'à Dehli. Et quand il parlait en hindi il disait aussi d'autres parties de l'Inde du Nord.
[...]
Sri Aurobindo disait bien quand il disait que les signes qui annonçaient le changement – parmi les signes, il y avait beaucoup de tremblements de terre. Mais moi, j'attends que ça aille ÉCRABOUILLER tous ces puits de pétrole !
[...]
Oui, on attend, et Mère qui disait : j'ai des millénaires et j'attends.
J'ai des millions d'années et j'attends. Et Mère disait : si on avait du courage ou si on avait – comment disait-elle ?... de la sincérité, je ne sais plus, on pourrait hâter le moment.
Satprem fait référence à ce passage de l’Agenda du 3 mars 1971
Tu sais mon impression ? C’est qu’ils sont tous vieux et que je suis la seule à être jeune1 C’est cela, n’est-ce pas, cette flamme, cette volonté... ce qu’on appelle push [élan] – satisfaits de petites satisfactions personnelles stupides... qui ne mènent à rien, préoccupés de ce qu’ils vont manger et... oh!
J’ai l’impression que maintenant il y a comme un display (tu sais, «display»?), un étalage de tout ce qui ne doit pas être.
Mais la flamme, la flamme d’aspiration (Mère hoche la tête), il n’y en a pas beaucoup qui me l’apportent.
Pourvu qu’ils soient ce qu’ils appellent «confortables», c’est tout ce qu’il leur faut – et libres de faire quelques bêtises qu’ils ne feraient pas dans le monde ! Tandis que l’on sent que pour hâter la venue – on pourrait la hâter si l’on était... si l’on était un conquérant !
Enfin...
(silence)
Au fond... au fond, ça leur est égal.
1. Rappelons le Tantrasara : «Bien que tu sois la cause primordiale des mondes, tu es pourtant à jamais jeune.»
l'Agenda de Mère. Volume 12. 3 mars 1971
Attention! To view this cite properly, please, enable JavaScript! How to do it Mère l'Agenda Volume 12 3 mars 1971 (Après avoir approuvé la maquette de la couverture de "La Genèse" dessinée pa...
https://aurobindoru.auromaa.org/workings/ma/agenda_12/1971-03-03-01_f.htm
24 mai 1997
La vie est pleine de petits miracles discrets.
🌸
21 juin 1997
Hier soir, je me suis souvenu de Mère : "c'est pire que de mourir".
On traverse une mort, détaillée, innombrable pourrait-on dire*, tout en vivant.
Il n'y a pas de crainte, pas d'angoisse, aucun sentiment, seulement une espèce d'impossibilité qui se vit... très douloureusement, seconde par seconde.
* Ce n'est pas un "point" du corps qui est atteint ou "malade" et qui meurt, c'est tout qui vit sa mort, ou la mort.
D'ailleurs, "mort" ne veut rien dire, c'est "quelque chose" à survivre. Mais tout au fond et ABSOLUMENT le corps sait que c'est Toi, un cataclysme Divin.
🌸
24 juin 1997
Je crois avoir trouvé la "formule", terrible formule. C'est la plus écrasante et la moins déchirante. Le mouvement long qui vient frapper la base de la colonne vertébrale et rebondit. C'est un peu terrible à supporter, mais c'est ce qui semble le plus "juste" dans ce chaos (le plus juste ou le plus "favorable").
Cela suppose que le "mécanicien du corps" abandonne tout à fait son anatomie ou sa symétrie... C'est-à-dire qu'il croit davantage en la "fluidité" en dépit de l'écrasement. C'est la "mécanicité" qui est la plus difficile à abandonner. Dès que l'on "mécanise", c'est le système mortel.
Peut-être qu'un jour, ça ne "rebondira" plus – alors ce sera fait. Le trou complet – mais cela ne peut être que toute la Terre (!).
Ce sera la fin de la Mécanique.
🌸
25 juin 1997
On voudrait n'avoir plus d'attachement, pour rien ni personne – être simplement comme du Large lisse.
Il y a un être de Douleur si vieille* en moi.
* J'ai toujours instinctivement détesté le christianisme, cette religion de la douleur, de la mort, du péché.
En fait, j'ai toujours été un "païen" instinctif – mais au large.
Les prisons sont des prisons – bonnes ou mauvaises.
Il n'y a pas de doute que le système humain est une Prison.
*
J'aimerais bien disparaître dans la Lumière, mais il faut se battre pour que cette Douleur change – la Douleur du monde.
Alors j'aurai finit ma tâche.
*
Soir
La "formule d'hier"...
Toute formule mécanise, et on ne peut pas mécaniser le chaos – ni le "formuler".
On peut seulement le tra-ver-ser.
*
Dès qu'on s'aperçoit qu'un mouvement est "meilleur", il cesse instantanément d'être meilleur.
🌸
28 juin 1997
Mon âme a constamment envie de pleurer.
Je comprends bien que si je Les voyais, je ne pourrais plus rester, je disparaîtrais là à tout jamais. Et le Travail ne serait pas fait.
🌸
29 juin 1997
Sri Aurobindo à Satprem
Il faut attendre le signe
Je peux dire que je n'ai pour ainsi dire pas dormi cette nuit. Je suis fatigué. Mais enfin j'ai dû avoir un moment de sommeil, parce que j'ai eu une très brève vision, qui m'a réveillé tout de suite, d'ailleurs.
Je me débattais sur une mer noire, dans la nuit, avec comme un vent de tempête, je ne voyais rien bien sûr. Pourtant j'avais surtout la sensation d'une mer tout à fait hachée. Tu sais, ce ne sont pas des vagues qui déferlent, mais c'est une mer hachée et là-dedans c'est très difficile de nager, encore plus difficile que dans une mer de tempête, tu comprends ? Quand la mer est tout à fait hachée, tu ne peut pas faire deux mouvements sans avaler ces vagues hachées. Enfin j'avais la sensation que j'étais en train de me noyer. Il y avait un grondement de vent.
Alors j'avais la sensation, aussi, qu'il y avait d'autres gens qui se débattaient, mais qui étaient dispersés, qui n'étaient pas immédiatement à côté de moi, n'est-ce pas, je ne voyais rien d'ailleurs, mais j'avais la sensation qu'il y avait d'autres gens comme ça. Peut-être isolés... en tout cas pas à côté de moi, immédiatement.
Et même entre eux ?
Je ne voyais rien du tout, je ne voyais rien, j'avais simplement la sensation qu'il y avait d'autres gens, pas nombreux, mais un certain nombre, qui se débattaient aussi.
Et puis, à ce moment-là, j'ai entendu une voix...
(silence)
Une voix que vous connaissez ?
Oh oui ! (Satprem est pris d'émotion) tranquille, comme la voix de Sri Aurobindo, qui disait simplement : "Il faut attendre le signe." Comme si je tentais d'aller vers une côte, quelque part là-bas, n'est-ce pas, je tentais, je tentais. Et c"était une voix au-dessus de moi et un peu derrière, sa voix tranquille, tu sais, cette voix merveilleuse, cette puissance tranquille : "Il faut attendre le signe."
(silence)
Évidemment on était bien près de se noyer, je dis "on" n'est-ce pas, mais c'est comme s'il s'adressait à moi. Mais je comprenais très bien que je n'étais pas seul, que je n'étais pas seul, qu'il y avait d'autres gens.
Oh ! cette voix de Sri Aurobindo, si... Suprême !
Voilà, c'est tout.
Est-ce que vous saviez ce que serait le signe ?
Ah, aucune idée. Aucune. C'est Lui qui disait ça, donc il y aura un signe, il y aura un signe à un moment. Il ne va pas nous laisser couler. mais il faut se débattre évidemment.
Il disait de ne pas se débattre comme ça.
Non, non. Il disait simplement ce que je t'ai dit.
Oui, il fat attendre.
Il faut attendre, c'est-à-dire qu'il faut se débattre, continuer.
Oh ! Oh !
Il faut se débattre, quoi. Autrement, si on ne se débat pas, on se noie. Et il faut attendre, donc il faut se battre et se débattre.
Oh...
C'est-à-dire qu'on nous met dans cette situation-là pour... jusqu'au moment où.
Il voit bien comment on se débat, quoi.
(Riant) Et dans quelles conditions.
Ah oui, c'était la nuit, une mer noire, la nuit, et comme un vent de tempête.
C'est l'état du monde
Eh bien oui, tout à fait. mais il faut attendre, eh bien, ce n'est pas facile d'attendre comme ça.
Oh ! J'avais compris que – puisque vous vous débattiez comme ça, qu'il disait qu'il faut rester tranquille.
Mais tranquille, comment veut-tu être tranquille dans une tempête ? Il faut tenir le coup. C'est ça : hold on ! Il faut attendre. Hold on and hold out [accrochez-vous et tenez bon].
En fait c'était pour me donner du courage, quoi. Il voyait, il savait la situation... périlleuse, on peut dire.
Mais depuis quelque jours vous étiez très... vous avez utilisé le mot "las".
Oui
Vous étiez très las.
Oui, oui c'est vrai, je suis très las. Mon corps est très las, et peut-être aussi mon cœur, un peu.
Voilà, eh bien tu vois, c'est ça qui est si réconfortant. Il est là, Il veille, Il sait.
Oh ! Il sait certainement.
Eh bien oui !
Il veille, Il avertit.
Oui, c'est ça, ça fait du bien de le savoir, on le sait sans le savoir.
Oui.
Voilà, ma Douce.
/image%2F7051723%2F20250425%2Fob_b2a465_satprem-sujata.jpg)
Avril 2025 Ce n'est pas sans une certaine émotion que nous revenons vers vous après cette longue absence qui mérite quelques explications. En effet, pour les personnes qui n'en auraient pas ét...