Entretien prophétique du 18 mars 1958 : séparation de l'humanité
Aujourd'hui, il est aisément visible aujourd'hui que l'humanité semble se séparer, avec une partie consciente de la nécessité d'un profond changement, d'une nouvelle organisation plus harmonieuse et plus vraie, et une humanité qui non seulement résiste à tout changement, mais se bat férocement pour conserver les choses en état et se trouve de plus en plus complètement engluée dans ses contradictions et ses mensonges. Et peut-être, entre les deux, une humanité encore plus ou moins endormie, indécise...
En 1958, pour la France, Serge Gainsbourg sort Le poinçonneur des Lilas et Luis Malle, Ascenseur pour l’échafaud. Nous sommes en pleine guerre d'Algérie et il y a le putsch des généraux à Alger, le retour du Général de Gaulle et son fameux "Je vous ai compris", la création de la Ve République et nous sommes encore dans les trente glorieuses, avec une France confiante en son avenir...
Parmi les 18 tomes des Œuvres intégrales de Mère, et des 13 tomes de L'Agenda, il est quelques textes qui dépassent largement le cercle étroit des disciples et qui ont une portée tout à fait universelle. Cet Entretien du 19 mars 1858 est l'un d'entre eux.
C'était il y a 67 ans, Mère à 80 ans, et par rapport à cette séparation de l'humanité qu'elle évoque d'une façon si saisissante dans l'Entretien, ses paroles appraissent pour extraordinairement prophétiques.
Je vous propose la version texte et la version audio de cet Entretien.
Mère. Entretiens (1955-58): Tape recordings
Mère Entretiens Le 19 mars 1958 "On peut admettre ensuite que, une fois établi, chaque type ou modèle de conscience et d'existence dans un corps doive être fidèle à la loi d'existence de ce t...
https://aurobindoru.auromaa.org/workings/ma/playground_audio/58-03-19.htm
Version texte
À noter que dans la version papier des Entretiens, un texte supplémentaire a été ajouté. Là encore, nous avons des points de comparaisons assez évidents avec la situation actuelle dans le monde. Le voici :
Au moment de la première publication de cet Entretien, en 1958, Mère a ajouté ceci à propos du « soulèvement » de toute une partie de l’humanité sous l’effet des forces nouvelles :
Mais ceux qui ne pourront pas être soulevés, ceux qui se refusent au progrès, perdront automatiquement l’usage de la conscience mentale et retomberont à un échelon infra-humain.
Je vais vous dire une expérience qui m’est venue et qui vous aidera à mieux comprendre. C’était peu de temps après l’expérience supramentale du 3 février et j’étais encore dans cet état où les choses du monde physique semblaient si loin, si absurdes. Un groupe de visiteurs avait demandé la permission de me saluer et ils sont venus un soir au Terrain de Jeux. C’étaient des gens riches, c’est-à-dire qu’ils avaient plus d’argent qu’il ne leur en fallait pour vivre. Parmi eux, il y avait une femme en sari ; elle était très grosse, son sari était arrangé de manière à cacher son corps. Quand elle a voulu se pencher pour recevoir mes bénédictions, un coin du sari s’est ouvert, découvrant une partie du corps, un ventre nu — un ventre énorme. J’ai reçu cela comme un choc... Il y a des gens obèses qui n’ont rien de répugnant, mais j’ai vu tout à coup la perversion, la pourriture que cachait ce ventre, c’était comme un énorme abcès qui exprimait l’avidité, le vice, la dépravation du goût, le désir sordide et qui se satisfait comme aucun animal ne le ferait, avec grossièreté, et surtout avec perversité. J’ai vu la perversion d’un mental dépravé mis au service des appétits les plus bas. Alors tout d’un coup, quelque chose a jailli de moi, une prière, comme un Véda : « Ô Seigneur, c’est cela qui doit disparaître ! »
On comprend très bien que la misère physique, l’inégalité de la répartition des biens de ce monde, pourrait être changée, on imagine des solutions économiques et sociales qui pourraient y remédier, mais cette misère-là, la misère mentale, la perversion vitale, c’est cela qui ne peut pas changer, qui ne veut pas changer. Et ceux qui appartiendront à cette sorte d’humanité, d’avance ils sont condamnés à la désintégration.
C’est cela, le sens du péché originel : la perversion qui a commencé avec le mental.
La partie de l’humanité, de la conscience humaine, qui est capable de s’unir au supramental et de se libérer, sera complètement transformée — elle avance vers une réalité future, qui n’est pas encore exprimée dans sa forme extérieure ; la partie qui est toute proche de la simplicité animale, de la Nature, sera réabsorbée dans la Nature et étroitement assimilée. Mais cette partie corrompue de la conscience humaine, qui par son mauvais usage du mental permet la perversion, sera abolie.
Cette sorte d’humanité fait partie d’un essai infructueux — à supprimer — comme il y a eu d’autres espèces avortées qui ont disparu au cours de l’histoire universelle.
Certains prophètes du passé ont eu cette vision apocalyptique, mais comme d’habitude les choses ont été mélangées, et ils n’ont pas eu, en même temps que leur vision de l’apocalypse, la vision du monde supramental qui viendra soulever la partie consentante de l’humanité et transformer ce monde physique. Alors, pour donner un espoir à ceux qui sont nés là-dedans, dans cette partie pervertie de la conscience humaine, ils ont enseigné la rédemption par la foi : ceux qui ont foi en le sacrifice du Divin dans la matière seront automatiquement sauvés, dans un autre monde — la foi toute seule, sans la compréhension, sans l’intelligence. Ils n’ont pas vu le monde supramental, ni que le grand Sacrifice du Divin dans la matière est celui de l’involution qui doit aboutir à la totale révélation du Divin dans la matière elle-même."
9 jours après la publication, je trouve cet autre passage de l'Agenda du 6 juin 1958 :
Satprem : Quand tu as eu cette expérience du 3 février 1958 (le bateau supramental), la vision de ta conscience habituelle, qui est pourtant une Conscience-de-Vérité, ne te semblait plus vraie du tout. Est-ce que tu as vu des choses que tu n’avais jamais vues, ou tu les as vues autrement ?
Oui, on passe dans un autre monde.
Cette conscience-ci est vraie par rapport à ce monde-ci tel qu’il est, mais l’autre... c’est tout à fait autre chose. Il faut une adaptation pour que les deux puissent se toucher, autrement on saute de l’une à l’autre. Et cela, ça ne va pas. Il faut qu’il puisse y avoir un passage progressif entre les deux. Cela veut dire qu’il y a toute une quantité d’échelons de conscience qui manquent. Il faut que cette conscience-ci se joigne consciemment à cette conscience-là, et cela veut dire une multitude d’échelons qui passent de l’un à l’autre. Alors on pourra monter progressivement, et le tout montera.
Cela aura une action un peu comme ce qui a été décrit quand on a parlé du Jugement dernier. C’était une forme tout à fait symbolique de quelque chose qui vous donne le discernement entre ce qui appartient au monde du mensonge qui doit disparaître, et ce qui appartient à ce même monde d’ignorance et d’inertie, mais qui peut se transformer.
L’un ira d’un côté et l’autre de l’autre.
Tout ce qui peut se transformer va s’imprégner de plus en plus de cette nouvelle substance et de cette nouvelle conscience au point de monter vers elle et de servir de lien entre les deux, mais tout ce qui est incorrigiblement du mensonge et de l’ignorance disparaîtra.
Cela a été prédit aussi dans la Guîtâ : parmi ce que nous appelons les forces adverses ou anti-divines, celles qui sont capables de se transformer monteront, s’en iront vers la conscience nouvelle, tandis que tout ce qui est irrévocablement dans la nuit et dans la mauvaise volonté sera détruit, disparaîtra de l’Univers.
Et il y aura certainement toute une partie de l’humanité qui a répondu d’une façon un peu trop... enthousiaste à ces forces, qui disparaîtra avec elles.
Et cela, c’est ce que les gens ont traduit dans cette conception du Jugement dernier.