D'abord le vouloir...
1. D'abord le vouloir...
J'ai trouvé utile et nécessaire de rassembler à titre d'exemples variés toutes les fois où Mère a repris cette idée que, quoi que nous voulions réaliser, il faut commencer par le vouloir...
Vous demandez : comment pouvons-nous connaître notre être véritable ? Il faut demander pour l’avoir, aspirer à l’avoir, le vouloir plus que toute autre chose. (Entretiens 1929-1931 – La vie ordinaire et l’âme vraie)
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Comment devenir conscient de l’Amour divin et comment devenir un instrument de son expression ?
D’abord, pour devenir conscient de quoi que ce soit, il faut le vouloir. Et quand je dis « vouloir », je ne veux pas dire : « Oh ! je voudrais bien » un jour, puis deux jours après c’est complètement oublié. Le vouloir est une aspiration constante, soutenue, concentrée, une occupation presque exclusive de la conscience. C’est le premier pas. (Entretien du 24 mars 1951)
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Quand le petit ego est aboli, est-ce que l’on ne peut pas « se découvrir dans le Divin » directement ?
Mais on peut se découvrir dans le Divin avant même d’avoir complètement aboli son petit ego, parce que, abolir son petit ego n’est pas une petite affaire !
Mais comment faire ?
Comment faire ? Comment abolir l’ego ? Il faut d’abord le vouloir, et il y a très peu de gens qui le veulent. Et c’est justement ce qu’ils disent, c’est cette légitimation de leur manière d’être : « C’est comme cela que je suis fait, je ne peux pas faire autrement. Et puis, si je changeais ceci, si je changeais cela, ou si je me passais de telle chose, ou si j’abolissais telle autre, je n’existerais plus ! » (Entretien du 19 avril 1951)
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Il faut surtout ne pas déranger l’expérience. Si tout d’un coup on dit : « Oh ! tiens, que c’est étonnant ! »...
Comment arriver à cet état ?
Aspirer, le vouloir. Essayer d’être de moins en moins égoïste, mais pas dans le sens d’être gentil pour les autres ou de s’oublier soi-même, pas cela : avoir de moins en moins la sensation d’être une personne, d’être une entité séparée, d’être quelque chose qui existe en soi, isolé du reste.
Et puis alors, surtout — surtout — c’est cette flamme intérieure, cette aspiration, ce besoin de lumière. C’est une sorte de... comment dire... d’enthousiasme lumineux qui vous saisit. C’est un besoin irrésistible de se fondre, de se donner, de ne plus exister que dans le Divin. (Entretien du 20 mai 1953)
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La réceptivité est le résultat d’une bonne passivité.
Mais Mère, pour pouvoir être passif, il faut faire un effort, n’est-ce pas ?
Pas nécessairement, cela dépend des gens. Un effort ? Il faut, oui, il faut le vouloir. Mais est‑ce que la volonté est un effort ?...
Naturellement il faut y penser, il faut le vouloir. Mais les deux choses peuvent être ensemble, n’est-ce pas ; il y a un moment où les deux — aspiration et passivité — peuvent être non seulement alternées mais simultanées.
Vous pouvez en même temps être dans cet état d’aspiration, de volonté qui appelle quelque chose — justement cette volonté de s’ouvrir et de recevoir, et cette aspiration qui appelle la force que vous voulez recevoir — et en même temps avoir cet état de complète immobilité intérieure qui se laisse pénétrer complètement, parce que c’est dans cette immobilité qu’on peut être pénétré, que l’on devient perméable à la Force.
Eh bien, les deux peuvent être simultanés sans que l’un dérange l’autre, ou d’une alternance si proche que l’on peut à peine les distinguer. Mais on peut être comme cela, comme une grande flamme qui monte dans l’aspiration, et en même temps comme si cette flamme formait un vase, un grand vase qui s’ouvre et qui reçoit tout ce qui descend. (Entretien du 21 avril 1954)
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Le corps, dans son état naturel, aime l’équilibre, aime l’harmonie ; ce sont les autres parties de l’être qui abîment tout.
Mère, comment empêcher le mental d’intervenir ?
Ah ! d’abord il faut le vouloir, et puis il faut, comme quand les gens font beaucoup de bruit et qu’on leur dit : « Taisez-vous, taisez-vous, taisez-vous ! », il faut faire comme ça quand le mental vient avec toutes ses suggestions et tous ses mouvements. Il faut le tranquilliser, l’apaiser, le faire taire. La première chose, c’est de ne pas l’écouter. (Entretien du 19 mai 1954)
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Comment se fondre dans la Conscience divine l’ego séparatif de soi ?
Comment se fondre dans la Conscience divine ?
Comment faut-il se fondre l’ego séparatif de soi dans la Conscience divine ?
Hein ? « se fondre » ?
... l’ego séparatif de soi...
Je ne comprends pas ce que tu veux dire. « Fondre ? »
... dans la Conscience divine...
Oui, c’est bien ce que je veux dire... Comment se dissoudre, tu veux dire se dissoudre dans le Divin, et perdre son ego ? D’abord il faut le vouloir. Et puis il faut aspirer d’une façon très persévérante, et il faut, chaque fois que l’ego se manifeste, il faut lui donner une tape sur le nez (Mère se tape sur le nez), jusqu’à ce qu’il ait reçu tant de tapes qu’il est fatigué d’en recevoir et il abandonne la partie.
Mais généralement, au lieu de lui donner une tape sur le nez, on légitime sa présence. D’une façon presque constante, quand il se manifeste, on se dit : « Après tout, il a raison. » Et dans la plupart des cas, on ne sait même pas que c’est l’ego, on croit que c’est soi-même. Mais la première condition, c’est de trouver essentiel de ne plus avoir d’ego. Il faut vraiment comprendre que l’on n’en veut pas. (Entretien du 28 juillet 1954)
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Comment établir une paix et un silence stables dans le mental ?
D’abord il faut le vouloir. Et puis, il faut essayer, et il faut persévérer, continuer à essayer. Mais ce que je viens de dire est un très bon moyen. (Entretien du 8 septembre 1954)
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Douce Mère, comment trouver le Divin qui s’est caché en nous ?
Ça, on l’a expliqué beaucoup, beaucoup de fois ; mais la première chose, c’est de le vouloir et, justement, que cela passe en premier, avant toute autre chose, que ce soit la chose importante. Ça, c’est la première condition : que tout le reste passe après, c’est la condition essentielle. Si, n’est-ce pas, une fois de temps en temps, quand on n’a rien à faire, et que tout va bien, et qu’on est inoccupé, tout d’un coup on se dit : « Tiens, je voudrais bien trouver le Divin », ça, on peut mettre cent mille ans pour ça, comme ça.
Mais si c’est la chose importante, la seule chose qui importe, et que tout le reste passe après, et qu’on ne veuille que ça, alors ça, c’est la première condition. Il faut d’abord établir ça, après on parle de ce qui suit. D’abord ça, que tout le reste ne compte pas, que seulement ça, ça compte, qu’on est prêt à renoncer à tout pour avoir ça, que c’est la seule chose qui soit importante dans la vie. Alors on se met dans la condition de pouvoir faire un pas en avant. (Entretien du 29 septembre 1954)
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Cet Entretien est basé sur le chapitre II de Les Bases du Yoga, « Foi, Aspiration, Soumission ».
« ... garder le psychique éveillé et au premier plan. »
Quel est ce premier plan, Douce Mère ?
C’est-à-dire sur le devant de la conscience, au lieu d’être poussé en arrière, dans un fond que l’on ne perçoit que très rarement ; le garder sur le devant de la conscience, dans la conscience active. En tout cas, il faut le vouloir et essayer de le faire. (Entretien du 24 novembre 1954)
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Comment est-ce qu’on peut changer à la Volonté divine ?
Comment on peut changer sa volonté à la Volonté divine ? Je ne comprends pas ta question.
(Une enfant, répétant) Comment on peut changer à la Volonté divine.
Oui, c’est parce que ce n’est pas exprimé en français que je ne comprends pas. Changer, c’est-à-dire transformer sa volonté en la Volonté divine ? C’est ça que tu veux dire ?
Oui.
Eh bien, d’abord, il faut le vouloir. Après, il faut avoir une grande aspiration. Et puis il faut continuer à le vouloir, et continuer à avoir une aspiration, et ne pas fléchir au moment où l’on a des difficultés, et continuer jusqu’à ce que l’on réussisse. C’est tout.
Et alors, il y a un certain nombre de choses qui sont nécessaires comme, par exemple, de ne pas être égoïste, de ne pas avoir une petite mentalité étroite, de ne pas vivre dans ses préférences, de ne pas avoir de désirs, de ne pas avoir d’opinions mentales — beaucoup de choses. C’est un assez long procédé, parce qu’il faut changer sa nature ordinaire. C’est la première condition. (Entretien du 31 décembre 1954)
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Douce Mère, ici il est dit : « On doit établir dans les parties vitales inférieures et physiques une paix et une équanimité complètes et une consécration entière, libres de toute exigence et de tout désir personnels. »
Eh bien, alors quoi ?
Comment faut-il faire ?
Comment il faut faire ? Il faut le vouloir, puis aspirer ; et puis chaque fois qu’on fait quelque chose qui est contraire à cet idéal, le mettre en face de soi et mettre dessus la lumière et la volonté de changer. (Entretien du 9 mars 1955)
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Comment peut-on développer la raison ?
Oh ! par son usage. La raison se développe comme les muscles, comme la volonté. Toutes ces choses-là se développent par un usage rationnel. La raison ! tout le monde porte la raison en soi, seulement on ne s’en sert pas. Il y a des gens qui ont très peur de la raison, parce qu’elle contredit leurs impulsions. Alors ils aiment mieux ne pas l’écouter. Et naturellement, si on prend l’habitude de ne pas écouter la raison, au lieu de se développer elle s’éteint de plus en plus.
Pour développer la raison, il faut le vouloir sincèrement. Si d’une part vous vous dites : « Je veux développer la raison », et que d’autre part vous n’écoutiez pas ce que la raison vous dit de faire, alors vous n’arrivez jamais à rien ; parce que, naturellement, si chaque fois qu’elle vous dit : « Ne fais pas ça ! » ou : « Fais ceci », vous faites le contraire, elle perdra l’habitude de dire quoi que ce soit. (Entretien du 25 mai 1955)
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Et pour faire le yoga, il faut le vouloir consciemment, il faut savoir ce que c’est, d’abord. Il faut savoir ce que c’est, il faut en prendre la résolution ; mais une fois qu’on a pris la résolution, alors il ne faut plus broncher. C’est pour ça qu’il faut la prendre en toute connaissance de cause. Il faut savoir ce qu’on décide quand on dit « Je veux faire le yoga » ; et c’est pour ça que je ne pense pas vous avoir jamais pressés à ce point de vue-là. Je peux vous parler de la chose. Oh ! je vous en parle beaucoup, vous êtes ici pour qu’on vous en parle ; mais individuellement, ce sont seulement ceux qui sont venus en disant : « Oui, j’ai en tout cas mon idée sur le yoga et je veux le faire », c’est bon. (Entretien du 8 juin 1955)
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Justement quelqu’un m’a demandé ce que je voulais dire par ces paroles :
« Il faut être tranquille. »
Il est évident que quand je dis à quelqu’un « soyez tranquille », je veux dire beaucoup de choses différentes suivant les cas. Mais la première tranquillité indispensable, c’est la tranquillité mentale, parce que généralement c’est celle qui manque le plus.
Quand je dis à quelqu’un « soyez tranquille », je veux dire : « Tâchez de ne pas avoir une pensée agitée, excitée, trépidante ; tâchez de calmer votre cerveau et de cesser de tourner en rond dans toutes vos imaginations et vos observations et constructions mentales. »
On pourrait à juste titre ajouter une question : « Vous nous dites “soyez tranquille”, mais qu’est-ce qu’il faut faire pour être tranquille ? » La réponse est toujours à peu près la même : il faut d’abord en sentir la nécessité, et le vouloir, et puis aspirer, et puis essayer ! Pour essayer, il y a une quantité innombrable de moyens qui ont été préconisés et tentés par beaucoup de gens.
Ce sont des moyens généralement longs, ardus, difficiles ; et beaucoup de personnes se découragent avant d’être arrivées au but, parce que plus elles essayent, plus leurs pensées se mettent à tourbillonner et à s’agiter dans leur cerveau.
Pour chacun le moyen est différent, mais d’abord il faut sentir pour une raison quelconque — soit parce qu’on est fatigué, soit parce qu’on est excédé, soit parce qu’on veut vraiment dépasser l’état dans lequel on vit —, il faut d’abord comprendre, sentir la nécessité de cette tranquillité, de cette paix dans le mental. Et après, alors, on peut successivement essayer tous les moyens, connus et nouveaux, pour arriver au résultat. (Entretien du 17 octobre 1956)
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Au lieu de s’endormir dans une quiétude facile et de laisser les choses s’accomplir selon leur rythme propre, si l’on tend sa volonté, son ardeur, son aspiration et que l’on surgisse dans la lumière, alors on peut avoir la tête plus haute ; on peut avoir, dans une région supérieure de conscience, de la place pour vivre, pour respirer, pour croître et se développer au-dessus du cyclone qui passe.
C’est possible. Dans une toute petite mesure, cela a été déjà fait au moment de la dernière guerre, quand Sri Aurobindo était là. Cela peut se refaire. Mais il faut le vouloir et que chacun fasse son propre travail aussi sincèrement et aussi complètement qu’il le peut. (Entretien du 7 août 1957)
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Quelques citations de Sri Aurobindo
La volonté fait partie de la conscience et devrait, chez les êtres humains, être le principal moyen de maîtriser les activités de la nature.
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Cette égalité est délicate et difficile entre toutes, c’est celle que le mental humain pratique le moins ; sa perfection est impossible à réaliser tant que la lumière supramentale n’inonde pas pleinement une mentalité tournée vers le haut. Or il faut que l’intellect veuille cette égalité avec toujours plus d’ardeur pour que cette lumière puisse travailler librement sur la substance mentale. (Yoga de la perfection de soi – chapitre 11. La perfection de l’égalité)
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Si je ne vous ai pas écrit, c'est que je n'avais rien à ajouter à mes précédentes lettres. Je ne peux pas vous promettre qu'en un temps donné vous obtiendrez un résultat qui vous permettra soit d'aller dans le monde extérieur avec un esprit plus fort, soit de réussir dans le yoga. Pour le yoga, vous dites vous-même que vous ne pouvez pas encore y consacrer toutes vos pensées et sans cette entière consécration du mental, le succès n'est guère possible dans la sâdhanâ.
Pour le reste, ce n'est guère la fonction de la sâdhanâ de préparer l'homme à la vie ordinaire dans le monde. Une seule chose pourrait vous orienter dans une direction qui vous aiderait à trouver quelque chose qui n'est pas une préparation à la vie ordinaire, mais qui n'est pas non plus le yoga tout entier pour lequel vous m'avez laissé entendre que vous n'êtes pas entièrement prêt. Ce serait d'acquérir l'esprit du yoga des œuvres tel qu'il est décrit dans la Guîtâ : oubliez-vous, vous-même et vos misères, dans l'aspiration à une conscience plus vaste, sentez la Force plus grande à l’œuvre dans le monde et faites de vous-même un instrument pour un travail à faire, si petit soit-il.
Mais quelle que soit la méthode, vous devez l'accepter tout entière et y mettre toute votre volonté ; avec une volonté divisée et vacillante vous ne pouvez espérer réussir en rien : ni dans la vie, ni dans le yoga. (Lettres sur le Yoga)
Pourquoi insister sur l'importance de la volonté ?
Je me demande quel conseil donnerait quelqu'un qui serait identifié avec la conscience collective du peuple français. Est-ce qu'il adresserait des messages de paix, de consolation, de joie, d'unité, d'harmonie... ? À mon point de vue, j'ai le sentiment qu'il est important de rappeler à la conscience collective le pouvoir de l'aspiration et de la volonté.
Pour le dire autrement, je trouve qu'à notre époque, il est particulièrement dangereux, ou dommageable, de décourager la volonté. Je me souviens d'une vidéo de Sraddhalu sur les affaires courantes dans laquelle il explique que les forces de Mensonges ne se privent pas d'être très déterminées pour faire advenir leurs objectifs ; et il nous invitait à faire preuve de la même intensité dans notre aspiration.
Certes, l'aspiration est la volonté ne sont pas exactement la même chose, mais les deux notions sont liées, comme si elles étaient de même nature. Derrière l'aspiration vraie, c'est le psychique et derrière la volonté vraie, c'est Agni.
Que se passerait-il si, derrière nos volontés pour des choses ordinaires... (je ne sais comment dire), nous appelions Agni ? N'y a-t-il vraiment aucun rapport entre nos petites volontés et la grande volonté d'Agni ? Je n'en suis pas si sûr. Mais je me trompe peut-être. En tout cas, à mon point de vue, même si nous partons d'une volonté vitale, mentale, peut-être vaut-il mieux une volonté égotique que pas de volonté du tout. C'est notre point de départ.
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2. Abdiquer sa volonté...
Mais ce n'est qu'un aspect de la question et il est possible de préférer suivre la piste d'abdiquer sa volonté. Il y a un grand nombre d'Agendas qui vont dans ce sens. Par exemple ceux-ci :
Agenda du 7 octobre 1956
La volonté divine n’est pas du tout comme cela, ce n’est pas une volonté: c’est une vision, et une vision globale, qui voit et... Non, elle ne guide pas (guider, cela suppose quelque chose en dehors, et rien n’est en dehors), une vision créatrice si tu veux ; mais là encore le mot créer n’a pas le même sens que celui qu’on lui donne généralement.
Effectivement, nous nous apercevons à un moment donné, tant notre volonté vraie que la volonté divine, n'est pas tant le fait de vouloir ceci ou cela, mais donne la sensation d'une Force, voir d'une lumière... que l'on peut plus ou moins orienter sur telle ou telle partie chose, telle ou telle partie du corps, sur telle ou telle difficulté, dans telle ou telle direction. Alors, tout un champ d'expérimentation s'ouvre... même si l'on sent très bien que nous n'en sommes qu'aux premiers balbutiements. Derrière cette histoire de volonté, il y a quelque chose à trouver et nous pouvons... stimuler la curiosité.
Un peu plus loin Mère ajoute :
Complete surrender (abdication complète)... Ce n’est pas donner ce qui est petit à quelque chose de plus grand, ce n’est pas perdre sa volonté dans la volonté divine : c’est annuler sa volonté en quelque chose qui est d’une autre nature.
Ce qui vient à la place de cette volonté humaine ? Une conscience et une vision. Et on est rempli de joie et...
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Agenda du 29 décembre 1971
Pour moi, le chemin le plus rapide a été... (comment dire ?) le sens croissant de mon inanité – inexistence. Ne rien pouvoir, ne rien savoir, ne rien vouloir ; et alors, TOUT l’être, avec... ce n’est même plus une aspiration, c’est comme cela (geste d’abandon, mains ouvertes), c’est inévitable : «Sans le Divin, rien-rien – je ne suis rien, je ne comprends rien, je ne peux rien. Sans le Divin, rien.» Et être comme cela (même geste, mains ouvertes).
Et alors... une Paix... une Paix lumineuse... et si puissante ! Et quand je suis tranquille (j’ai encore vu cela d’une façon très intéressante, parce que quand je donnais une méditation à X, il y avait toujours un effort ; un effort pour méditer, un effort pour...), et cette fois-ci... (Mère abat ses mains), ça s’impose. Une Présence qui s’impose – qui s’impose. Extraordinaire... Justement, je me demandais comment serait cette méditation, si c’était comme avant – pas du tout, c’est comme cela : (Mère abat ses mains). Alors, ça va bien.
Mais il faut d’abord avoir une sincérité absolue, c’est-à-dire une CONVICTION : on n’est rien-rien-rien-rien – on ne peut rien, on ne sait rien, on n’a absolument RIEN... (Mère lève un index vers le haut) sauf le Divin. Alors ça va.
Je te l’ai dit, c’est tellement fort qu’il y a des moments où je ne peux même pas manger ; et alors quand c’est comme cela, quand la conscience devient comme cela (geste d’abandon, mains ouvertes), je finis mon dîner sans même savoir que je mange... C’est inexprimable. Mais c’est merveilleux.
Seulement, il ne faut pas avoir peur – si l’on a peur, ça devient effroyable. Heureusement mon corps n’a pas peur.
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3. Découvrir la Volonté vraie, supramentale
Mais d'autres Agendas insistent sur le pouvoir de la volonté vraie. Par exemple ceux-ci :
Dans l'Agenda du 3 février 1958 sur l'expérience du bateau supramental, Mère explique ceci : Une vie vraie, sincère, spontanée, comme dans le monde supramental, est un jaillissement des choses par le fait de la volonté consciente, un pouvoir sur la substance qui fait que cette substance s’accorde à ce que nous décidons qui doit être. Et celui qui a le pouvoir et la connaissance peut obtenir ce qu’il veut, tandis que celui qui ne les a pas n’a aucun moyen artificiel de se procurer ce qu’il désire. De mémoire elle ajoute par ailleurs que plus la volonté est en rapport avec la vérité des choses, plus elle a de l'autorité sur la substance.
Dans l'Agenda du 2 juin 1962 Mère raconte une expérience dans laquelle, pour traverser une rivière, elle n'utilisait aucun moyen extérieur mais le pouvoir de la volonté.
Dans l'Agenda du 23 novembre 1963, il y a ce puissant message :
Je ne sais pas si c'est dans ce que Sri Aurobindo a écrit (je ne me souviens pas), mais j'entends très fort (pas pour moi : pour l'humanité) :
ÉVEILLE-TOI ET VEUX
Naturellement les hommes prennent «veux» pour leurs velléités, qui n'ont rien à voir avec une volonté: toutes des impulsions.
«Veux», ça veut dire «veux de la Volonté suprême». Et ça, c'est comme si c'était la clef qui ouvre la porte de l'avenir :
ÉVEILLE-TOI ET VEUX
Et garde-toi bien de vouloir de travers parce que ce n'est plus une volonté, c'est de la velléité – ne confonds pas. Veux de la Volonté suprême.
Il ne faut pas courber les épaules – ça vous fait ronchonner terriblement au-dedans et ça ne sert à rien.
Oh! (Mère redresse la tête) ce sentiment comme cela : passer la tête au-dessus de tout ça, émerger là-haut...
Si tel est le message de Sri Aurobindo pour l'humanité, alors il me semble qu'il faudrait expliquer tout ce qu'il est possible sur ce qu'est la volonté, car il est évident que nous sommes loin de l'avoir bien comprise et encore moins d'avoir appris à l'utiliser.
En conclusion : autres pistes
Entre utiliser sa volonté ou abdiquer sa volonté, l'opposition n'est pas rédhibitoire. Cet Agenda du 5 juillet 1958 nous donne sans doute l'une des clefs les plus importantes :
C’est ça : cette capacité d’être la passivité plastique absolue – comme ça – dans le silence et l’abandon total, et en même temps, ici, là, la volonté IRREDUCTIBLE, TOUTE-PUISSANTE, avec le pouvoir d’effectuation total, comme ça, qui brise toutes les résistances. Les deux simultanés sans qu’ils se gênent l’un l’autre, dans une même joie – ça, c’est le grand secret! L’harmonisation des contraires, dans la joie et la plénitude, toujours, toujours, tous les problèmes : c’est le grand secret.
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Agenda du 1er ma1 1958
J’ai en ce moment, l’une après l’autre, toutes les expériences qu’il est possible d’avoir dans le corps. Hier et ce matin... oh ! ce matin :
Je voyais là (centre du cœur), le Maître du Yoga ; il n’était pas différent de moi mais quand même je le voyais, c’était même comme un peu coloré. Eh bien, il fait tout, il décide tout, il organise tout, avec une précision presque mathématique, et dans les plus petits détails – tout.
Faire la Volonté divine – il y a longtemps que je fais la sâdhanâ et je peux dire qu’il n’y a pas eu un jour que je ne fasse la Volonté divine.
Eh bien, je ne savais pas ce que c’était !
Je vivais dans tous les domaines intérieurs, depuis le physique subtil jusqu’aux régions les plus hautes, mais je ne savais pas ce que c’était... J’étais toujours obligée d’écouter, de me référer, de prêter attention. Là, plus rien : une béatitude ! Il n’y a plus de problèmes, et tout se fait dans une telle harmonie ! Même si l’on devait quitter son corps, on serait dans la béatitude. Et ça se ferait le mieux du monde.
C’est seulement maintenant que je commence à comprendre ce que Sri Aurobindo a écrit dans La Synthèse des Yoga ! Et le mental humain, le mental physique apparaît tellement stupide, tellement stupide !
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Si à 80 ans, Mère avec toute sa connaissance, ne savait pas ce que c'était, sans doute que, nous non plus, nous ne savons pas. Nous parlons de développer notre volonté, ou d'abdiquer notre volonté, pour nous donner à la volonté divine, à la volonté suprême...
Mais pour le moment, il s'agit sans doute essentiellement d'idées sur la chose, ou de mots, même si ces mots sont importants car ils nous permettent d'approcher de quelque chose...
En tout cas, nous ne pouvons faire aucune généralité car cela dépend intimement où en est la personne : ce qu'elle traverse, nous n'en savons fichtre rien. Le mieux que nous puissions faire est peut-être de montrer la vérité de chaque point de vue et de remettre la personne face à elle-même afin qu'elle sente ce qui est le plus juste pour elle.
Et puis nous pouvons essayer d'expérimenter tous les aspects possibles de la question, car même imparfaite, mal utilisée, déformée ou pervertie, la volonté reste un pouvoir divin, alors autant le mieux comprendre possible et apprendre à nous en servir.