Certitude et foi
Deux notions ô combien importantes abordées par Mère dans ces deux Entretiens :
Entretien du 15 janvier 1958
Mère lit un paragraphe de La Vie Divine consacré à l’exposé des arguments matérialistes («L’Homme et l’Évolution», dixième paragraphe).
Si tous ces arguments étaient vrais et s’il ne devait pas y avoir une réalisation supérieure... il n’y aurait plus rien à faire. Mais heureusement ce n’est pas vrai.
Seulement, Sri Aurobindo a dit bien des fois que l’on n’aura la preuve irréfutable de la vérité de ce qu’il a dit, et prédit, que lorsque ce sera accompli ; c’est seulement lorsque tout sera accompli que ceux qui se refusent à croire seront obligés de reconnaître leur erreur — mais peut-être ne seront-ils plus là pour ça !
Alors, il n’y a qu’une chose à faire, c’est de continuer son chemin en gardant sa propre foi et sa propre certitude, et de ne pas se soucier des contradictions et des démentis.
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Il y a des gens qui, pour être confortables, se sentir à l’aise, ont besoin de l’appui, de la confiance et de la certitude des autres — ceux-là sont toujours malheureux, parce que, naturellement, ils rencontreront toujours des gens qui ne croient pas, et alors ils seront troublés et ça les tourmentera. Il faut trouver sa certitude au-dedans de soi, la garder en dépit de toutes choses et aller son chemin coûte que coûte, jusqu’au bout. La Victoire est au plus endurant.
Pour conserver son endurance en dépit de toutes les oppositions, il faut que le point d’appui soit inébranlable, et un seul point d’appui est inébranlable, c’est celui de la Réalité, de la Vérité suprême.
Il est inutile d’en chercher d’autres. C’est le seul qui ne faillisse pas.
Version audio (6 mn 21)
Entretien du 9 juillet 1958
Douce Mère, peut-on augmenter la foi par un effort personnel ?
La foi est certainement un cadeau que nous fait la Grâce divine. C’est comme une porte qui s’ouvre soudain sur une vérité éternelle et par laquelle nous pouvons la voir, presque la toucher.
Comme toute chose dans l’ascension humaine, il y a (surtout au début) la nécessité d’un effort personnel. Il se peut qu’en certaines circonstances exceptionnelles, pour des raisons qui échappent totalement à notre intelligence, la foi arrive comme un accident, d’une façon tout à fait inattendue, presque sans avoir été jamais sollicitée ; mais dans les cas les plus fréquents, c’est toujours une réponse à un désir, un besoin, une aspiration, quelque chose dans l’être qui cherche et qui veut, même si ce n’est pas d’une façon très consciente et systématique.
Mais en tout cas, quand la foi a été octroyée, quand on a eu cette illumination soudaine et intérieure, pour la conserver d’une façon constante dans la conscience active, l’effort individuel est tout à fait indispensable. Il faut tenir à sa foi, vouloir sa foi; il faut la rechercher, la cultiver, la protéger.
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Il y a, dans le mental humain, une habitude morbide et déplorable de doute, de discussion, de scepticisme. C’est là que doit s’exercer l’effort humain : le refus de les admettre, le refus de les écouter, et encore plus le refus de les suivre. Il n’est pas de jeu plus dangereux que de jouer mentalement avec le doute et le scepticisme. Ce ne sont pas seulement des ennemis, ce sont des pièges terribles, et une fois que l’on y est tombé, on a une difficulté formidable à s’en extraire.
Il y a des personnes qui pensent que c’est d’une très grande élégance mentale de jouer avec les idées, de les discuter, de contredire sa foi, que cela vous donne une attitude très supérieure, que vous êtes ainsi au-dessus des «superstitions» et des «ignorances» ; mais en écoutant les suggestions du doute et du scepticisme, c’est là que l’on tombe dans l’ignorance la plus grossière et que l’on s’éloigne du droit chemin. On entre dans la confusion, dans l’erreur, dans un méandre de contradictions... On n’est pas toujours sûr de pouvoir en sortir. On s’éloigne tant de la vérité intérieure qu’on la perd de vue, et que parfois aussi on perd tout contact possible avec son âme.
Certainement, il faut un effort personnel pour conserver sa foi, pour la laisser grandir en soi. Plus tard, beaucoup plus tard, on peut un jour, en regardant en arrière, voir que tout ce qui est arrivé, même ce qui nous paraissait le pire, était une grâce divine pour nous faire avancer sur le chemin; et alors on s’aperçoit que l’effort personnel était aussi une grâce. Mais avant d’en arriver là, il faut beaucoup marcher, beaucoup lutter, parfois même beaucoup souffrir.
S’asseoir dans une passivité inerte et dire : «Si je dois avoir la foi, je l’aurai, le Divin me la donnera», est une attitude de paresse, d’inconscience, et presque de mauvaise volonté.
Pour que la flamme intérieure brûle, il faut l’alimenter, il faut surveiller le feu, il faut y jeter les combustibles de toutes les erreurs dont on veut se débarrasser, de tout ce qui retarde la marche, de tout ce qui obscurcit le chemin. Si l’on n’alimente pas le feu, il couve sous les cendres de votre inconscience et de votre inertie, et alors, ce ne sont plus des années, ce sont des vies, des siècles qui passeront avant que vous n’arriviez au but.
On doit veiller sur sa foi comme on veille sur le berceau d’une chose infiniment précieuse, et la protéger très soigneusement de tout ce qui peut l’altérer.
Dans l’ignorance et l’obscurité du début, la foi est l’expression la plus directe du Pouvoir divin qui vient pour lutter et conquérir.
Version audio (15 mn 06)
La foi est un mot général – shraddhâ –, la croyance de l'âme en l'existence, la sagesse, le pouvoir, l'amour et la grâce du Divin. (Sri Aurobindo – Champaklal Speaks)
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La foi est, pour l'âme, le témoignage de quelque chose qui n'est pas encore manifesté, accompli ou réalisé, mais que cependant Celui en nous qui sait, même en l'absence de toute indication, ressent comme vrai ou suprêmement digne d'être recherché ou accompli. (Sri Aurobindo – Lettres sur le Yoga)
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[La foi] est en fait une influence venue de l'Esprit suprême et de sa lumière, un message de notre être supramental qui appelle la nature inférieure à sortir de son petit état actuel et à s'élever à un vaste devenir, à un dépassement de soi. Or, ce qui reçoit l'influence et répond à l'appel est. . . l'âme intérieure qui connaît mieux la vérité de sa propre destinée et de sa mission. (Sri Aurobindo – La Synthèse des Yogas)
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À chaque minute tout l'imprévu, l'inattendu, l'inconnu est devant nous, et ce qui nous arrive dépend surtout de l'intensité et de la pureté de notre foi. (Paroles de la Mère – Volume 2)