Clarifier les orifices
Je suis en train de recopier Carnet de Laboratoire – compilation des expériences de Mère faite par Satprem – et par les extraits ci-dessous, je souhaite attirer l'attention sur un aspect qui revient assez souvent : la perception. Les dates renvoient soit à un Entretien, soit à un Agenda. J'en ai souligné quelques-unes qui celles me paraissent particulièrement saisissantes.
Il ne faut jamais faire de règles. Il faut tâcher à chaque minute d’appliquer la plus haute vérité que l’on puisse percevoir. 31.8.55
Penser sphériquement, percevoir sphériquement. Nos facultés de perception sont très linéaires. 8.2.56
(Les effets de la descente supramentale :) Une perception plus directe doit pouvoir venir vite au lieu de cette vision nuageuse qui ne voit que des apparences tellement trompeuses, tellement fossilisées ! 27.6.56
L’intrusion de quelque chose qui n’était pas dans l’univers étudié. Un changement brusque dans les perceptions. […] La perception scientifique moderne va se trouver tout d’un coup complètement dépassé, surpassé, et probablement bouleversé, par l’intrusion de quelque chose qui n’était pas dans l’univers que l’on a étudié. 3.10.56
Un début universel. Une perception tout à fait étrange et nouvelle. […] Un monde nouveau est né, né, né ! Nous sommes en plein dans cette période de transition où l’autre persiste encore, tout-puissant et dominant la conscience ordinaire, mais où me nouveau se faufile, tout à fait imperceptible. Et pourtant, il travaille, il croît. Jusqu’au moment où il sera assez fort pour s’imposer visiblement. […] Il est plus facile pour l’esprit et l’intelligence de concevoir les choses nouvelles que de sentir les choses d’une façon nouvelle. Et il est encore plus difficile pour le corps d’avoir une perception purement matérielle de ce que sera un monde nouveau. Pourtant, cette perception doit précéder la transformation. Il faut avoir l’impression même matérielle que les choses anciennes sont périmées. 10.7.57
C’est la vérité de demain, inéluctable, que ceux qui ne savent pas être alourdis par les habitudes anciennes auront sûrement le bonheur non seulement de percevoir mais de réaliser. 24.7.57
Une sorte d’« irréalité objective » des choses. Ce que nous appelons le monde – la chose en elle-même – échappe complètement à notre perception. 9.10.57
La substance qui est déjà en train de s’élaborer permet la perception des vibrations d’une façon beaucoup plus étendue sinon tout à fait totale et elle enlève cette sensation de division que l’on a avec la substance ancienne, mentale. 16.4.58
Le monde est réel, c’est seulement la perception que nous en avons qui est fausse. 10.2.60
La conscience vraie du corps […] Inimportance presque totale des signes extérieurs traduisant l’état du corps (maladie, désordres, etc.) : la conscience du corps a la perception que c’est absolument indifférent. Cela ne change en rien la conscience vraie du corps. 31.1.61
La perception très claire d’une surimpression de mensonge sur un fait réel. Ce que nous voyons, ce n’est pas la chose : c’est une réflexion, une image déformée dans notre conscience. 18.4.61
Si on veut se dépêcher, presser, aller un peu plus vite, ça (la conscience corporelle) ça se bloque, ça devient comme une pierre. Et la moindre intervention mentale du vieux mouvement abîme tout. Il faut être dans un état béatifique, alors on perçoit le nouveau fonctionnement qui commence. Mais c’est un jeu tellement ténu, ténu… 6.3.62
Tout, tout suit son cours normal, mais c’est seulement la perception de la conscience qui change. 8.9.62
On cherche à entrer en rapport avec quelque chose qui est là. Il y a une Réalité constante, un Ordre divin constant, et c’est seulement l’incapacité de le percevoir qui est le Désordre actuel. 10.7.63
Tu veux des résultats terrestres ? Eh bien, deviens conscient de tes cellules. Des toutes petites choses, des mouvements de conscience dans la Matière, vraiment ahurissants. Seulement, on s’en aperçoit quand on est arrivé à ce degré d’attention tout à fait ténu. 20.11.63
J’ai été comme plongée dans le bain de l’Amour suprême. Une sorte de masse vibratoire homogène, immobile, et pourtant avec une intensité de vibration sans pareil. Et Ça, ça aime. Il n’y a pas de « Seigneur » et il n’y a pas de « choses », pas de sujet, pas d’objet – et Ça aime. Et Ça aime partout et tout, tout le temps. Il est là, là. C’est l’incapacité de le percevoir. C’est le monde de demain, ou d’après demain. 22.7.64
Je suis à la frontière d’une nouvelle perception de la vie. Comme si certaines parties de la conscience mutaient de l’état-chenille à l’état-papillon. 18.9.64
La perception du monde physique est illusoire, et l’Illusion disparaît. 12.11.64
C’est seulement si tu es très attentif à la vibration des cellules que tu peux voir le mouvement supramental. Ce n’est pas un sentiment, même pas une sensation et encore moins une pensée : alors si l’on n’est pas très attentif on ne s’en aperçoit pas. Il faut être très-très détaché du mouvement de la pensée pour s’en apercevoir. 21.11.64
La transformation peut avoir lieu jusqu’à un certain point sans que l’on en soit conscient. L’homme n’a pas le moyen de s’en apercevoir. Il ne saura que beaucoup plus tard, quand quelque chose en lui sera suffisamment développé pour qu’il s’en aperçoive. Quand l’homme est venu, l’animal n’avait pas les moyens de s’en apercevoir. […] Il faut que quelque chose abdique et accepte les moyens nouveaux, les perceptions nouvelles, la vibration nouvelle. 29.5.65
J’ai l’impression que ce qui nous paraît une différence considérable entre le matériel et l’invisible, c’est seulement un changement de position interne. Ce n’est pas plus tangible que cela, c’est ça qui est merveilleux ! Un angle de perception qui change. 26.3.66
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Cananga odorata – Canang odorant
Perception correcte
Une perception qui ne déforme pas la Vérité.
Je me souviens d'un Agenda dans lequel Mère parle d'une descente de l'Amour divin sur une personne... et le lendemain, cette personne a écrit à Mère pour lui dire que désormais, elle savait que Mère était mauvaise, que Mère avait essayé de la tuer... Je ne me souviens plus des mots exacts, mais c'était des mots très durs. Mère s'est demandé comment il pouvait y avoir une telle distorsion dans la perception. C'est peut-être dans cet Agenda qu'elle expliquait que la même vibration divine, selon qu'elle était perçue, reçue, positivement ou négativement, pouvait avoir un effet miraculeux ou désastreux.
Je compléterai évidemment cet articule par les passages exactes quand je les aurai retrouvé.
En attendant, je voulais attirer l'attention sur la possibilité d'être moins dans la pensée et davantage dans la perception.
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Manas, le mental sensoriel, dépend dans notre conscience ordinaire des organes physiques de sensation réceptive pour prendre connaissance, et des organes du corps pour diriger l’action vers les objets des sens.
L’action superficielle et extérieure des sens est essentiellement physique et nerveuse et elle peut facilement être prise pour un simple résultat de l’action des nerfs ; dans les textes anciens, les activités des sens sont parfois appelées prânas, activités nerveuses ou vitales.
Pourtant, l’élément essentiel n’est pas l’excitation nerveuse mais la conscience, l’action du chitta qui utilise l’organe et l’impact nerveux dont il est le canal.
Manas, le mental sensoriel, est l’activité qui émerge de la conscience de base et constitue l’essentiel de ce que nous appelons sensation.
La vue, l’ouïe, le goût, l’odorat, le toucher, sont en fait des propriétés du mental et non du corps ; mais le mental physique dont nous nous servons d’ordinaire se borne généralement à traduire en sensations les impacts extérieurs qu’il reçoit à travers le système nerveux et les organes physiques.
Or, le manas intérieur a aussi une vue subtile, une ouïe subtile, un pouvoir de contact propre, qui ne dépendent pas des organes physiques.
En outre, il possède non seulement un pouvoir de communication directe du mental à l’objet — qui peut même, à un haut degré d’intensité, nous faire percevoir le contenu d’un objet se trouvant dans notre rayon d’action physique ou même en dehors —, mais aussi un pouvoir de communication directe de mental à mental.
Le mental est capable aussi de changer, modifier, inhiber l’incidence, la valeur et l’intensité de l’impact des sens.
D’ordinaire, nous n’utilisons pas ces pouvoirs du mental, ou ne les cultivons pas ; ils restent dans le subliminal et émergent parfois sous forme d’action intermittente et irrégulière, plus facilement chez certains que chez d’autres, ou bien ils viennent à la surface dans certains états d’être a-normaux.
Ils sont à l’origine de phénomènes tels que la voyance, l’audition subtile, la transmission de pensées et d’impulsions, la télépathie, et de la plupart des pouvoirs occultes les plus ordinaires — occultes, soi-disant, car il serait préférable de les décrire en des termes moins mystiques comme des pouvoirs d’action du manas, encore subliminaux.
Les phénomènes d’hypnotisme, et bien d’autres, dépendent de l’action de ce mental sensoriel subliminal ; non pas qu’il soit le seul facteur, mais c’est le premier moyen ou support de l’échange, de la communication et de la réponse, bien qu’en réalité la plus grande part de l’opération relève de la buddhi intérieure.
Nous possédons et pouvons donc utiliser une double mentalité sensorielle : un mental physique et un mental supraphysique.
Sri Aurobindo – La Synthèse des Yogas
Le Yoga de la Perfection de soi
Chapitre 5 – Les instruments de l ’Esprit
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Dans un chapitre ultérieur Sri Aurobindo reviendra sur la transformation supramentale des sens mais pour le moment, comprenons la nécessité d'une purification de notre mental sensoriel pour la purification de notre buddhi, la volonté intelligente.
En médecine traditionnelle chinoise, quand le diagnostic est posé, le praticien choisit un Principe de Traitement. L'un d'entre eux consiste à... clarifier les 7 orifices, à savoir, les yeux, les narines, les oreilles et la bouche.
Inspiré par cette connaissance purement mentale et théorique, et par-dessus le marché, très rudimentaire, je me suis concentré en méditation sur l'aspiration à la purification des organes des sens, même si, à elle seule, elle ne contient pas toute la purification du manas, du mental sensoriel.
Alors une énergie est descendue travailler dans le cerveau : les yeux se sont mis à piquer comme si j'avais du sable dans les yeux, et puis sensation d'un liquide qui se mettait à couler dans l'oreille gauche, avant que je me mette à éternuer et tousser... Bref, tous les signes d'un nettoyage... qui n'est certainement pas terminé. Mais s'il ne s'était rien passé, je n'aurais probablement pas rédigé cet article. C'est très intéressant de voir comment l'action de la force peut parfois se modeler sur notre intention. Celle-ci devait avoir une certaine justesse.
Nous pouvons aspirer à toutes sortes de choses et je suppose que nous ne pensons pas tous les jours à clarifier les portes de nos organes sensoriels. Et pourtant si nous pouvions purifier nos perceptions, alors nous aurions peut-être une chance d'expérimenter un peu mieux, certaines paroles de Mère assez extraordinaires...
Le Divin, après tout, est peut-être moins une histoire de compréhension et d'explication qu'une histoire de perception...
Si nous pouvions trouver comment affiner nos perceptions au point de Le percevoir...
Et même si nous revenons tout en bas de l''échelle et que nous développions une perception parfaitement correcte des choses, ce serait déjà un progrès assez extraordinaire.